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« Parfait. Trouve son vaisseau et tue-le. Prends son processeur. Je veux savoir ce qu’ils fichent sur Terre.
– Je vais le déchiqueter, comme les autres. »
J’envie la satisfaction qui se lit dans la voix d’Ander. Il a vécu le plaisir suprême de déchiqueter le corps d’un éclaireur. Je meurs d’envie de ressentir ce soulagement. Seule
l’annihilation totale de notre ennemi viendra à bout de la colère qui fait rage dans mes veines.
Ou copuler comme une bête avec une femme consentante, expurger toute ma colère en pilonnant violemment son sexe humide et accueillant…
Ma partenaire se trémousse, inspire brièvement, je la regarde, mes envies de sexe cèdent la place à la stupeur. « Brûlez les corps. Il faut les détruire. Leur vaisseau idem. »
J’écarquille les yeux.
« Pourquoi ? » Détruire les corps de la Ruche est un processus long et compliqué. Leurs pièces métalliques mettent des heures à fondre sans les incinérateurs adéquats. Leur vaisseau n’est pas un problème. S’il ne s’autodétruit pas, on fera en sorte qu’il percute l’étoile de la Terre et se consumera instantanément. Si le vaisseau de la Ruche se trouve dans les parages, on mettra les corps à l’intérieur et on organisera un beau feu d’artifice.
« Mon peuple ne dispose pas de leur technologie. Nos ingénieurs sont brillants. Ils peuvent absolument tout rétro-concevoir. Ces choses doivent être entièrement détruites. »
Je soupire, résigné à me ranger à l’avis de notre partenaire. La Terre est un nouveau membre de la coalition, elle est considérée comme une planète primitive. Ils n’ont pas encore libre accès aux armes ou à la technologie de la coalition. En fait, ma présence sur Terre viole l’accord instauré par la coalition pour protéger la Terre de la Ruche. La Terre se trouve hors des limites de portée des hommes politiques et des ingénieurs de la coalition œuvrant avec les gouvernements sur Terre. Les humains ont du mal à intégrer que leur petite planète soit pour le moins insignifiante, parmi plus de deux cents systèmes solaires. La race humaine est peu nombreuse et pourtant, ils se chamaillent pour un rien, sous-estiment leurs femmes et n’ont aucun respect pour leur planète.
« Tu as raison, Jessica Smith. On ne peut pas faire confiance aux humains. » Donner libre accès à la technologie de la Ruche aux gouvernements humains serait bien trop dangereux. Les humains n’auraient de cesse de s’entretuer, malgré la menace que représente la Ruche. Ils ne sont pas prêts à gouverner.
J’appuie à un endroit de ma chemise.
« J’ai fait en sorte que Jessica puisse nous entendre, Ander. Faisons ce qu’elle dit, on va charger les corps sur leur vaisseau et l’envoyer dans les étoiles. De façon à ne laisser aucune trace à leurs ingénieurs. »
La voix d’Ander me parvient via un petit haut-parleur intégré dans ma chemise. « Qui est cette femme, pour oser donner des ordres aux guerriers Prillon ? »
Jessica pousse un cri de surprise en entendant la question d’Ander, mais ce n’est rien comparé au choc que produisent mes paroles.
« Notre partenaire. »
Ander garde le silence plusieurs secondes, le pouls de Jessica va crescendo tandis qu’il s’adresse directement à elle. « Sois la bienvenue, partenaire. Je suis Ander, ton second ; anéantir tes ennemis est un devoir et un privilège. Je te rejoins. Le plaisir que tu éprouveras en voyant leurs têtes séparées de leurs corps sera ma plus belle récompense. »
Mon second a des talents de poète ?
Je regarde la réaction de Jessica face au vœu solennel d’Ander. La perplexité la plus totale se lit sur son visage.
Un groupe de tueurs de la Ruche a tenté de la tuer. Je la tiens dans mes bras—j’ai l’air tout aussi menaçant que les gars de la Ruche—et je lui annonce qu’elle est notre partenaire. Ander va tuer ses ennemis et la posséder, sa récompense sera son soulagement. Ça fait beaucoup de données à intégrer, même pour une femme Prillon. Mais pour une terrienne ? Il est surprenant qu’elle ne se soit pas encore évanouie.
On sent qu’elle est touchée, mais pas comme je m’y attendais. Je sens son excitation aussi nettement que le sang de ses blessures. L’odeur de sa chatte humide est une drogue qui m’irradie jusqu’à ma verge en érection. Si elle n’était pas blessée, je l’aurais prise là, maintenant. Pour qu’elle soit à moi pour toujours.
Elle se mord la lèvre, j’ai trop envie de la goûter, j’ai du mal à me concentrer sur ce qu’elle dit.
« Je ne comprends pas ce qui se passe. »
Pas étonnant.
Elle est perplexe, ses sourcils se rapprochent en une forme adorable, j’ai déjà vu cette expression sur le visage de Dame Deston, quand elle se disputait avec ses partenaires. J’aimerais me pencher et embrasser le sillon qui se creuse entre ses sourcils mais je reste immobile tandis qu’elle m’examine avec un intérêt tout nouveau.
« Tu leur ressembles. Quel est ton peuple ? Pourquoi l’ont-ils tué ? ton ami parle d’un second ? C’est quoi ce bordel ? Vous avez fait le serment de tuer mes ennemis. Je ne connais aucun extraterrestre, et je ne me connais pas d’ennemis. Et sa récompense ? Je ne comprends pas de quoi il parle, que ça va me procurer du plaisir et… »
Elle s’interrompt et me dévisage à nouveau.
« Il voulait dire baiser ? » Je la soupçonne de lire le désir dans mes yeux, je ne fais rien pour m’en cacher. Elle doit prendre conscience de notre connexion, de l’envie viscérale que j’ai d’elle. Ce programme d’accouplement est vraiment incroyable, c’est bien ma partenaire, ça ne fait aucun doute. Je l’ai su dès que je l’ai vue. Ça s’est confirmé quand je l’ai prise dans mes bras. Notre connexion sera effective lorsque la cérémonie d’accouplement sera terminée. Je n’ai pas besoin de porter un collier virtuel autour du cou pour savoir qu’on est liés, c’est dans l’ordre des choses. C’est tout simplement incroyable.
Mon Dieu, j’ai une envie folle de la pénétrer et de la faire hurler. J’ai envie de voir ses seins se balancer. J’ai envie qu’elle devienne folle à force d’orgasmes. J’ai envie que sa chatte dégouline, j’ai envie de la branler avec ma langue, j’ai envie d’enfoncer mes doigts dans son cul, qu’elle ne puisse plus tenir en place, me supplie et s’abandonne.
« Oui, baiser. Entre autres. »
J’avais complètement oublié Ander à l’autre bout du fil, sa douce réponse me fait rugir de désir. Elle écarquille les yeux mais Ander se reprend, sa voix est posée quand il reprend.
« Prends le véhicule et occupe-toi de notre partenaire. Je vais m’assurer qu’il n’y ait pas de danger, on se rejoint près du moyen de transport. »
Il se déconnecte, j’intime l’ordre à mon sexe de se calmer. Ma partenaire est dans mes bras, elle saigne. Je lui expliquerai quel est son nouveau statut après avoir soigné ses blessures, ses cours seront émaillés de plaisir.
J’ai bien fait de choisir Ander pour second. Il n’a peur de rien, il est fort, le serment qu’il a fait à Jessica prouve qu’il mettra un point d’honneur à se débarrasser de ses ennemis. Je lui fais confiance pour éliminer les corps et le vaisseau de la Ruche. Nous ne commettrons pas l’erreur de prendre le contrôle de leur vaisseau, son maniement est bien trop perfectionné pour qu’on s’en sorte, on tomberait tout crus dans les mains de la Ruche.
Plus jamais. Plutôt mourir que permettre à un autre membre de leur race de me toucher.
Non, Ander va détruire leur vaisseau, je vais ramener notre partenaire au centre de recrutement des épouses humaines et à la gardienne Egara. Si mon père n’a pas déjà verrouillé les stations relais dans l’espace, comme je le subodore, ma partenaire sera bientôt en sûreté à bord du navire de guerre du Commandant Deston.
Je me tape un petit footing, je me fiche qu’on me voit—mi-homme, mi-machine, les Terriens du moins—mais la nuit est calme. Je passe telle une ombre devant un grand quartier d’habitation. Des voitures, les véhicules de prédilection sur Terre, stationnent dans la rue. De grands arbres cachent la lune de la Terre, des lampadaires fixés aux maisons diffusent une clarté qui retombent sur la façade des bâtiments, seul point lumineux.
L’air est chaud, il avoisine la température régnant dans le navire de guerre climatisé, mais humide. Le fond de l’air est humide, c’est… étrange. Je n’ai pas l’intention de rester sur Terre assez longtemps pour me pencher sur cette curiosité. Je préfèrerais plutôt me pencher sur—
Jessica pousse un cri et je la regarde. Elle a mal quand je cours. Je stoppe net, m’apprêtant à la poser par terre, la déshabiller et panser ses plaies si nécessaire. « Je sens l’odeur de ton sang, partenaire. »
Elle remue la tête contre ma poitrine.
« Tu le sens ? » demande-t-elle, surprise.
Les autres ne sentent donc pas le sang de leur partenaire, je serai donc le seul concerné, eu égard aux améliorations que la Ruche a effectué sur moi ?
« C’est une simple égratignure. J’ai eu pire. Tu peux me poser maintenant. Je t’en prie. Merci pour ton aide mais tu peux y aller. » Ses mains tremblent et je la fusille du regard, j’essaie d’imaginer dans quelles circonstances une femme a subi d’aussi graves blessures au point que d’avoir son vêtement trempé de sang—son épaule est toute poisseuse de sang coagulé—passe pour une égratignure.
« Y aller ? Tu vas me suivre, partenaire. Je vais m’occuper de toi. Il est de mon devoir de m’assurer que tu ailles bien. »
Elle secoue de nouveau la tête. « Non. Ça peut pas attendre. Pose … pose-moi s’il te plaît. Je dois me tirer d’ici avant que d’autres … choses n’arrivent. »
Elle tire sur l’étrange objet noir qu’elle porte autour du cou. Je croyais que c’était un téléobjectif ou autre, j’ignorais qu’il s’agissait en fait d’une arme. Si s’agit bien d’une arme, elle s’en est certainement servie sur l’éclaireur de la Ruche lancé à sa poursuite. Je raffermis ma prise sur ses formes. Je ne la lâcherai pas. Jamais. Mais je comprends sa peur et fais de mon mieux pour l’apaiser et la rassurer.
« Ander va tous les anéantir. N’aie pas peur. Ils ne reviendront pas.
– Ils ? Qui ça, ils ? »
Je me contracte, je m’attendais à ce qu’elle me sorte, Qui es-tu ? Mais non. Elle a dû sentir que j’étais inoffensif. Elle a senti que j’étais son partenaire, le mec idéal, mais je doute qu’elle me croit, du moins pour le moment.
« Je vais tout expliquer, mais pas ici, pas maintenant. »
Elle détourne le regard et refuse de croiser le mien, ses mains tiennent fermement la boîte noire pendue à son cou. « Je dois vraiment y aller. S’il te plaît, inutile que tu te retrouves impliqué dans mes problèmes. Fais-moi confiance. Ces machins ne sont pas les seuls sales types à vouloir ma peau. »
Ma partenaire a des secrets, ça m’intrigue. « Des ennemis ? »
Elle hoche la tête.
« Si tu as des ennemis, partenaire, dis-moi qui c’est. Je les élimine sur le champ. »
Elle secoue la tête et soupire. « Tu ne peux pas tuer tout le monde.
– Oh que si. » Elle écarquille les yeux devant ma voix assurée. « Les humains sont petits et faibles. Leurs os sont fragiles, ils se cassent comme des brindilles. » Cette femme a besoin de protection. Elle est petite et apeurée. Fragile. Belle, mais faible. « Je me ferai un plaisir de détruire tes sales types pendant qu’Ander s’occupera des autres. »
Elle me sourit, comme si je plaisantais. « Là n’est pas le problème.
– Dis-moi qui sont tes ennemis, femme. Je les détruirai. » La frustration prend le pas sur la fierté et je la regarde de travers. Elle va m’empêcher de la protéger ? Je suis indigne de ce droit le plus élémentaire ?
Elle recule, rejette la tête en arrière et lève les yeux vers moi. « Cet ersatz d’homme est réel ? Qui es-tu exactement, et pourquoi tu m’appelles partenaire ? Tu viens d’Australie ? Tu as l’air loin de chez toi. » Elle me repousse. « Pose-moi maintenant. Je suis pas une poupée.
– Je ne viens pas d’Australie. Je suis le Prince Nial de Prillon Prime, ton partenaire. »
Elle se fige et écarquille les yeux, j’y lis une émotion nouvelle. « Mais … mais—c’est une plaisanterie ? C’est pas drôle. »
Son air fougueux me fait sourire, mes lèvres la touchent presque et je murmure, « Tu n’es pas un jouet mais tu m’appartiens, je te posséderai. Tu es douce et voluptueuse. Ton odeur me fait bander, j’ai la tête qui bourdonne. Je sens ton sexe, je suis content de constater que tu mouilles à l’idée que mon second élimine tes ennemis. Je suis moi aussi en droit de te protéger et de veiller sur toi, comme tu le mérites. Tu es une partenaire de choix. Tu as été accouplée et possédée, Jessica. Tu te souviens du rêve de la cérémonie d’accouplement, celui avec les deux mecs qui dominaient leur partenaire ? Je vois dans tes yeux que tu sais parfaitement de quoi je parle. C’est ce qui nous unit. Je sais ce dont tu as besoin. Ander va y remédier. On te procurera du plaisir, ensemble. J’ai traversé la galaxie pour toi, partenaire. Je ne te lâcherai pas. Tu m’appartiens. »
Jessica Smith fait mine d’argumenter et je l’embrasse avidement, j’ai une envie folle de la baiser. Je ne lui laisse pas le temps de respirer. Je ne veux pas qu’elle respire. Je veux qu’elle ressente la chose, qu’elle en meurt d’envie, qu’elle obéisse.
5

Jessica
Putain de merde, il m’a embrassé. Il a pas juste essayé. Il m’a pas simplement effleuré les lèvres. Il a pris son temps. C’était le baiser, comme il l’a dit lui-même, d’un mec qui a traversé toute la galaxie pour venir à ma recherche. Il est venu de Prillon Prime pour moi et pour ce baiser. Toute son énergie s’est focalisée sur mes lèvres. Il m’a embrassé avec l’énergie du désespoir.
Il est peut-être seul, parce qu’on lui a refusé sa partenaire. L’ordre du Prime l’a empêché de me rejoindre, et vice versa. Il me désire, je l’ai compris à sa façon de me rouler une pelle. Il a le goût d’une épice exotique, venue d’on ne sait où, j’ai pourtant l’impression de le connaître. J’ai failli fondre de plaisir, je me suis livrée à lui.
J’ignore combien de temps a duré le baiser. Tout ce que je sais c’est que j’ai le feu au corps—et on s’est à peine embrassés ! La minuscule douleur provoquée par mes blessures s’ajoute à la sensation de mes nerfs à vif. Etonnamment, la douleur m’aiguillonne, j’ai envie de lui.
Malheureusement, je n’aurais pas droit à plus. Pas maintenant, en pleine rue, avec mon dos ensanglanté et un prince extraterrestre qui me porte dans ses bras comme si j’étais ce qu’il y a de plus précieux dans tout l’univers.
Il est immense, baraqué comme un joueur de football américain. Il est habillé comme un motard version bad-boy, en cuir noir et t-shirt noir moulant faisant ressortir ses épaules et son torse massif, j’aimerais le déshabiller et le lécher. Ses vêtements moulants lui collent à la peau.
J’aurais jamais cru que c’est un extraterrestre, mais en regardant ses traits anguleux de plus près, l’étrange lueur métallique de son visage et de son cou, je me demande comment je ne m’en suis pas aperçue immédiatement. Il a les cheveux blonds, un œil doré foncé, l’autre un peu plus clair, comme s’il portait une lentille de contact. Sa peau d’une couleur étrange disparaît sous le col de sa chemise et je me demande si sa peau est différente, quelle est la proportion de peau plus claire. La couleur n’est pas surprenante, on dirait qu’il s’est pulvérisé un spray argenté et que son corps est pailleté.
J’ai envie de le goûter.
Ses muscles impressionnants me font sentir petite, faible et très très féminine. Je mesure un mètre quatre-vingts et ne suis pas coutumière du fait.
Sa taille me donne peut-être envie de me fondre en lui, mais mon attirance est probablement due à son baiser torride.
Vu son regard après son baiser, il n’avait absolument pas plus envie que moi de mettre un terme à ce baiser. Ce n’est pas le moment, il regarde alentour, il le sait pertinemment.
Nous rejoignons la voiture et il m’installe sur le siège passager de la petite berline, il boucle ma ceinture et vérifie qu’elle est bien attachée, comme si j’étais une gosse, et non pas une femme tout à fait capable de s’occuper d’elle-même. Je ne moufte pas tandis que ses larges mains effleurent mon ventre et ma hanche en bouclant ma ceinture. Sa chaleur suffit à repousser la sensation de froid qui m’envahit.
J’ai failli être tuée par ces trucs extraterrestres, l’adrénaline commence à redescendre, je ne vais pas tarder à m’effondrer. Mes blessures me font mal, je sens mon cœur battre dans chacune de mes plaies. Mes muscles sont endoloris et tremblent, je me concentre pour respirer profondément. Mes mains tremblent et je frissonne, je suis gelée.
Il m’installe et fait le tour côté conducteur. Je réprime un fou rire tandis qu’il essaie de caser son immense carcasse derrière le volant minuscule, la voiture est visiblement trop petite pour lui. Un désodorisant senteur fleurie est posée sur la ventilation, un ange gardien est suspendu au rétroviseur, la voiture sent la lavande. « À qui est la voiture ?
– À la gardienne Egara. » Il allume le moteur et met le chauffage. Merci mon Dieu. Je claque des dents depuis que je ne suis plus au chaud dans ses bras.
« C’est elle qui t’a donné les téléphones portables et les écouteurs ? » demandais-je en posant ma tête sur l’appuie-tête.
« Tu es observatrice, mon épouse. Oui, elle m’a remis cet appareil de télécommunications primitif. »
Il sourit et démarre. Nous ne sommes pas très loin du centre de recrutement des épouses, si c’est bien là qu’il compte m’amener. À vrai dire, je me fiche de notre destination. Il n’a pas l’air de me vouloir du mal, ce qui n’est pas le cas de la plupart des hommes de cette ville. Si Clyde est au courant de mes investigations, les autres doivent l’être aussi. Personne n’ira me chercher au centre de recrutement puisque personne ne sait que j’y suis allée, c’est une bonne idée de planque. Vu ce qui s’est passé avec la gardienne Egara, je lui fais confiance pour jeter un œil sur mes blessures.
Hors de question d’aller à l’hôpital. Plutôt mourir que filer mes coordonnées à leur système informatique. Le cartel a des yeux et des oreilles. Clyde mort, ses sbires du cartel savent certainement que je suis toujours sur Terre, ils viendront me chercher dès que mes coordonnées seront enregistrées dans la base de données de l’hôpital. Je le sais pertinemment.
Je ferme les yeux et m’appuie contre la portière, trop épuisée moralement pour songer à autre chose que fermer les yeux et réfléchir à ce qui se passe. La mort de Clyde est un choc, moins que sa trahison toutefois. Ça me ronge, la douleur, la sensation d’avoir perdu mon innocence me donne envie de pleurer. Il était comme un père pour moi et je lui faisais une confiance aveugle. Je passe pour la petite fille qui a toujours fait confiance à son papa parce qu’elle était trop naïve, trop jeune pour comprendre que l’homme qui lui tenait la main était un monstre.
Clyde a été mon commandant pendant deux ans. Il m’a prise sous son aile, m’a formée au tir, à me défendre, m’a encouragée à me sentir invincible, à me battre. Il m’a fait croire que nous œuvrions pour le bien dans le monde, que nous faisions la différence au combat entre le bien et le mal. Et pendant tout ce temps, il mentait. C’était le diable en personne et je n’y ai vu que du feu.
La douleur s’intensifie quand j’y pense, et remue le couteau dans la plaie. Comment est-il devenu si maléfique ? Pourquoi ne m’en suis-je pas aperçue ? J’aurais dû. Ou du moins, avoir des soupçons. J’ai peut-être tout simplement fermé les yeux.
J’étais vraiment si faible et désemparée pour ne rien remarquer ?
Je me suis toujours fiée à mon instinct, mais cette fois-ci, mon instinct m’a trahie. Ça me blesse au plus haut point. J’ai l’impression d’être sur un terrain instable, je déteste ça.
Clyde est mort aux mains de la Ruche. J’ai été sauvée par mon partenaire et son second, Ander. Mon partenaire ! Son arrivée, la présence de l’homme idéal dans tout l’univers me concerne tout particulièrement. Il conduit, je suis à sa merci.
Et sa carrure ! Il est plus grand que tous les hommes que j’aie rencontrés, plus déterminé. Plus … tout. Il remarque que je l’observe et plisse les yeux, avant de reporter son attention sur la route. « Ne t’inquiète pas. La technologie de la Ruche ne va pas te contaminer.
– Quoi ? » Me contaminer ? Il est dingue ? Je n’aurais pas dû monter dans la voiture ? Je pourrais sauter à un stop mais il me rattraperait. Il est indubitablement plus grand, plus fort, plus entraîné et il me surveille de près.
Il fait la grimace, il serre le volant, comme s’il allait le casser. « La technologie de la Ruche ne te fera aucun mal.
– De quoi tu parles ? Le truc argenté ? »
Il me regarde d’un air étonné, surpris par ma réponse, je n’ai franchement pas la moindre idée de ce dont il parle. « Oui. J’ai été capturé par la Ruche et torturé par leur équipe ‘spéciale implants’ pendant des heures. La plupart ont été enlevés. Ce que tu vois est définitif. Je porte leur marque sur mon épaule, mon dos et ma jambe. »
Je suis vraiment désolée pour lui. La Ruche a vraiment fait des dégâts. J’ai entendu trop d’histoires de tortures et de souffrances des soldats tombés derrière les lignes ennemies. Et je suis bien placée pour savoir que certaines blessures ne se voient pas.
« C’est dangereux ?
– Non.
– Ça fait mal ?
– Non.
– Ok. » Je hausse les épaules et regarde la route. « Et donc ? Ça t’a rendu super rapide ou doué d’une force surhumaine ? Tu guéris plus vite et tu as le dessus lors d’un combat ? » Je frissonne, je me demande tout ce que je pourrais faire avec des tas d’implants cyborg. Je serais comme les femmes bioniques puissance dix. Je m’achèterais un costume et jouerais à la super héroïne pour de vrai. Ce serait top. Je serais habillée en noir de la tête aux pieds et j’enverrais ces sales types aux oubliettes.
Il garde le silence un très long moment, je me retourne vers lui.
« Oui. Je suis bien plus fort que la majorité des guerriers. Les implants accroissent ma vitesse de réaction. » Il me regarde, l’air perplexe. « Tu poses de drôles de questions. T’as pas peur de moi ? »
J’éclate de rire. Je suis dans sa voiture, blessée, un horrible monstre extraterrestre a essayé de me tuer. « Tu es la chose la moins effrayante que j’ai affrontée ces jours-ci. »
Il me jette un regard noir, je regarde les arbres défiler par la fenêtre.
Génial. Je l’ai insulté. Je le connais depuis dix minutes à peine et j’ai déjà mis les pieds dans le plat. Il m’a déjà reprise une première fois. Que fait-il ici ? Avant que je ne me retrouve coincée sur ce fauteuil d’examen au centre de recrutement, et que mon transfert ait été annulé, j’avais ressenti de l’exaltation et de l’excitation, j’avais hâte de le rencontrer. Et maintenant ? Je n’éprouve aucun soulagement. Aucun espoir. Je me sens blessée. Trahie.
Qu’est-ce qu’il fout ici ? Que s’est-il passé ? Une personne est susceptible de lui convenir ? Je veux connaître la réponse, mais ma fierté m’empêche de lui poser la question. Il est là en personne, mais qui est Ander ? Un second ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Et pourquoi Ander, cet étrange homme extraterrestre, est si obsédé par moi—j’ai jamais rencontré d’extraterrestre—il est prêt à tuer et s’en vante ?
Ce qui me tarabuste surtout, c’est pourquoi est-ce que ça m’excite ? Je n’aime pas trop les gros bras en général. Voire, pas du tout. Je suis très bien toute seule. D’après mon expérience, les hommes sont trop narcissiques pour supporter une femme au caractère bien trempé. Ils veulent des gamines gnangnan qui se pâment devant eux et leur disent qu’ils sont des bêtes au lit, qu’ils sont beaux et forts, le sempiternel bla-bla que ces hommes écervelés ont envie d’entendre.
J’ai pas le temps pour ça. J’ai été soldat pendant quatre ans. Mon père était flic, il s’est fait tuer quand j’avais seize ans, une histoire de drogue qui a mal tourné. Ma mère est morte d’un cancer quatre ans plus tard. J’ai grandi sans frère ni sœur ni œillères. Je sais qui je suis, je sais que je ne suis pas le genre de femme pour laquelle un homme—ou un extraterrestre—est prêt à traverser toute la galaxie. Merde alors, aucun homme n’a jamais traversé la ville pour moi. Mes parents vivaient dans un monde bien réel. À dix ans, je savais déjà ce qu’était la drogue, la prostitution et la corruption. D’où l’importance de mon combat pour la justice.