Mûr pour le Meurtre

- -
- 100%
- +
Bon, il était définitivement hors de sa vie. Au revoir et bon débarras.
Elle se rendit dans la salle de bains en traînant les pieds et avala deux ibuprofènes avec un grand verre d’eau. Ensuite, elle se remit au lit en espérant que ces cachets feraient bientôt effet parce que même réfléchir lui faisait mal.
Pour passer le temps, Olivia ouvrit son téléphone et parcourut son compte de médias sociaux. Cela faisait des semaines qu’elle n’avait pas eu le temps de mettre à jour son compte personnel ou de se tenir au courant de ce que ses amies faisaient.
Elle fit défiler Instagram, contente de voir qu’une de ses collègues de son entreprise précédente avait adopté deux chatons. Elle avait posté des photos des deux chatons roux. On les voyait jouer l’un avec l’autre, courir après des jouets et faire la sieste.
Une autre amie d’Olivia était allée à un mariage à Hawaï et Olivia fut fascinée par les photos pleines de couleurs.
Soudain, elle écarquilla les yeux quand la photo suivante s’afficha.
C’était une villa toscane d’une beauté spectaculaire. La photo montrait des oliviers, une pierre chaude couleur sable et une vue sur des collines et des vignes qui s’étendaient au-delà. L’espace d’un instant, Olivia crut que c’était sa propre imagination qui avait créé cette photo.
Alors, elle vit qu’elle était sur le compte de son amie Charlotte.
Charlotte était la plus vieille amie d’Olivia. Elles avaient été très proches à l’école. Comme elles étaient toutes les deux filles uniques, elles avaient déclaré aux gens qui ne les connaissaient pas qu’elles étaient sœurs, sinon même jumelles. Au cours des années, elles s’étaient vues de moins en moins, parce qu’elles avaient travaillé très longtemps dans des villes différentes. Olivia se souvenait maintenant que Charlotte allait bientôt se marier. Elle était peut-être partie en Toscane avec son fiancé pour chercher un lieu pour sa fête de mariage.
– #AmbianceVilla, avait écrit Charlotte. #ÉtéEnToscane #vin #liberté.
Olivia saisit un commentaire.
– Ça a l’air superbe !
À sa grande surprise, une réponse apparut presque immédiatement avec un bip.
– Viens visiter l’endroit ! J’y suis seule et je cherche quelqu’un pour partager le loyer. Il y a deux chambres et c’est loué pour l’été !
– Seule ? écrivit Olivia avec une émoticône de surprise. Et le mariage ?
– Je l’ai annulé. #seuleetlibre #bienvivreestlameilleurevengeance, répondit Charlotte avec une série de smileys.
Olivia contempla le message, sous le choc. Qu’est-ce qui avait pu pousser son amie à prendre une décision aussi draconienne ? Elle ne put s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie, parce que Charlotte avait visiblement décidé de changer de décor et vivait enfin sa vie dans un environnement exotique.
Confrontée à la même situation, tout ce qu’Olivia avait fait, c’était boire assez de vin pour se fendre le crâne.
– Si seulement c’était possible ! Peut-être la prochaine fois ! répondit-elle.
Elle ferma les yeux. Si elle avait pris de meilleures décisions, elle serait peut-être assise sur une balançoire en fer forgé, en train de bavarder avec Charlotte sous un olivier ; elles seraient au-dessus d’une cour en pierre avec vue sur des collines et des vignes. Olivia arrivait presque à s’imaginer en train de boire un verre de Chianti frais pendant qu’une brise douce lui caressait les cheveux.
Charlotte semblait savoir se remettre d’un choc de manière plus constructive. Cela dit, Charlotte n’avait pas été absorbée par une quantité de travail aussi conséquente qu’Olivia.
Olivia se souvint de sa réunion importante de ce matin. Aurait-elle le courage de faire ce qu’elle avait promis hier soir, c’est-à-dire prendre un congé puis dire à James qu’elle voulait qu’on lui attribue un autre compte ?
Maintenant, à la lumière aveuglante du jour, avec un mal de tête, cette idée semblait grotesque. Elle ne pouvait pas faire une chose aussi irresponsable et aussi impulsive. Des gens comptaient sur elle. Cela leur donnerait une mauvaise opinion d’elle. De toute façon, James refuserait. Il lui rirait probablement au nez.
Détournant son attention d’Instagram, Olivia vit avec horreur qu’il était déjà six heures du matin.
Elle avait perdu du temps à bavarder en ligne et à rêver de la Toscane et, pendant ce temps-là, un message était arrivé sur son téléphone. Il venait de James.
– Olivia, j’ai besoin que tu sois ici à 6 heures 50 au plus tard. À présent, toute l’équipe de direction de Kansas Foods et de Valley Wines assiste à cette réunion. Il faudra que je te fasse un briefing de 10 minutes avant.
Même si elle partait en toute hâte de son appartement, elle serait en retard pour son briefing important.
Jurant à voix basse, Olivia bondit de son lit, saisit le premier tailleur qu’elle trouva, s’y engouffra et se rua dans la salle de bains pour s’y maquiller.
Quand elle alluma la lumière, l’ampoule électrique éclata en produisant un claquement.
Olivia jura à nouveau. Elle n’était presque jamais en retard, ou, du moins, pas régulièrement. Donc, quand elle l’était, pourquoi fallait-il que la vie s’acharne sur elle comme ça ?
Elle se mit son maquillage dans la pénombre et se dit qu’il faudrait qu’elle vérifie si le mascara avait bavé.
Alors, saisissant son sac à main et ses dossiers professionnels, elle quitta l’appartement en toute hâte.
Quand elle passa devant l’appartement voisin, la porte s’ouvrit.
– Salut, l’amie. Je voulais te parler.
C’était Len, son voisin. Len le Bavard, comme elle le surnommait, parce qu’il n’arrivait jamais à terminer une conversation rapidement. Honnêtement, il n’arrivait même pas à en commencer une rapidement. Len gagnait une fortune en faisant quelque chose de mystérieux dans le secteur informatique et il était connu pour son excentricité.
Olivia sourit, mais elle sentit que c’était plus une grimace stressée. Aujourd’hui, il avait donc fallu que Len le Bavard choisisse de partir de chez lui en même temps qu’elle.
– Je suis désolée. Je suis très en retard pour le travail et – commença Olivia.
Len aplatit ses cheveux ébouriffés et poursuivit comme s’il n’avait rien entendu. Il avait l’air d’être encore en pyjama. Cela dit, Len avait toujours cet air-là. Donc, c’était peut-être parce qu’il n’avait que des pyjamas.
– L’année dernière, je t’ai demandé si tu envisageais de vendre ton appartement. J’aimerais te rappeler mon offre parce que j’ai urgemment besoin d’espace supplémentaire et parce qu’aucun autre endroit de cette ville n’a la même capacité de débit par la fibre. Tu sais, en plus d’avoir besoin d’un bureau pour travailler, maintenant, j’ai une gamme complète de trains miniatures à l’échelle HO, qui prend plein d’espace, et aussi deux gammes à l’échelle Z qui, bien qu’elles soient plus petites, nécessitent quand même beaucoup de place.
– Ah bon ?
Olivia inspira pour refuser poliment, mais il poursuivit.
– J’ai aussi acquis trois chats de plus et ils ont besoin de leur propre salle de jeux. Je ne peux pas les mettre avec les trains.
Il secoua tristement la tête.
– J’ai essayé et ça n’a pas bien marché. Tu seras peut-être contente d’apprendre que les trains s’en sont mal sortis.
– C’est une bonne chose, dit Olivia.
– Je suis prêt à augmenter mon offre.
Olivia sentit qu’elle allait hurler.
– Len, non, je suis vraiment désolée. Désolée pour tes chats, tes trains, tes nouveaux chats et tes nouveaux trains plus petits. Je ne veux pas vendre, mais je promets que, si je change d’avis, tu en seras le premier informé.
Len semblait avoir arrêté d’écouter. À présent, il la regardait d’un air bizarre.
– Est-ce que tu t’es blessée ? Est-ce que vous avez eu une grosse dispute, toi et ton petit ami ?
Olivia cligna des yeux.
– Non. Pourquoi ?
– Tu sembles avoir un œil au beurre noir. Le gauche.
– Oh. C’est mon maquillage. Merci de me l’avoir dit.
En frottant frénétiquement sous son œil gauche, Olivia fonça vers la porte de sortie.
*Une demi-heure plus tard, elle atteignit la grande tour de bureaux couverte de verre dont JCreative occupait les deux étages supérieurs.
Elle prit l’ascenseur et le trouva trop lent puis elle se mit à courir dès que ses pieds se posèrent sur le couloir recouvert de moquette. Elle entra précipitamment dans le bureau de James à exactement sept heures une.
– Désolée pour mon retard, dit-elle le souffle coupé.
James était assis dans son fauteuil de PDG, qu’Olivia trouvait trop grand pour lui. Il la regardait d’un air sévère, comme si son arrivée en retard était une déception énorme pour lui.
Quand Olivia le regarda, elle frissonna de peur, parce qu’elle se voyait suivre la même direction. C’était tout ce qu’il connaissait ; cette entreprise était sa vie. Il avait divorcé quelques années auparavant et il voyait rarement ses enfants. Alors qu’on était en été, elle se rendit compte qu’il avait la peau très pâle, comme s’il n’avait jamais l’occasion de se reposer au soleil parce qu’il passait tout son temps à jouer à jouer aux chaises musicales dans les salles de conférences.
– Asseyez-vous. J’ai de très bonnes nouvelles pour vous, lui dit-elle.
– De quoi s’agit-il ? demanda-t-elle en se forçant à sourire.
– Kansas Foods, la société de portefeuille de Valley Wines, est impressionnée par le succès de cette campagne. Ses directeurs plaisantent en disant que nous avons faire boire la tasse à leurs concurrents.
Olivia agrandit son sourire en souhaitant que ce soit vraiment une bonne nouvelle.
– En fait, ce n’est pas vraiment une blague. Trois marques concurrentes ont perdu tant d’espace d’étalage qu’elles vont probablement mettre la clé sous la porte.
Maintenant, James souriait.
– C’est – euh …
Olivia n’arrivait pas à se résoudre à prononcer le mot.
– … bien.
C’était catastrophique et c’était de sa faute.
– Donc, à partir d’aujourd’hui, nous allons gérer tout le compte d’entreprise de Kansas Foods, annonça fièrement James. C’est pour cela que les équipes de direction sont déjà dans la salle de conférence. Nous effectuons la cession ce matin et nous allons signer un contrat de cinq ans pour toutes les marques. Ce contrat vaut des centaines de millions de dollars.
Olivia sentit son sourire se figer.
– C’est formidable. Quelle réussite.
Elle n’était pas sûre d’avoir l’air sincère mais espérait que James ne se rendait pas compte qu’elle se sentait complètement vidée.
– Maintenant, vous vous demandez peut-être ce que cela signifie pour vous, dit James avec un petit sourire. Espérons que vous n’aviez pas trop prévu de partir en vacances. Vous allez avoir énormément de travail, parce que vous serez à la tête de toutes les grandes campagnes. Vous devrez embaucher quelques employés supplémentaires et répartir votre temps entre ici et leur siège social, qui se trouve à Wichita. J’imagine que vous passerez une semaine ici puis une semaine là-bas. Ça ne devrait pas être un problème pour vous. Vous n’êtes pas mariée, n’est-ce pas ?
Olivia réprima la réponse qui lui vint en tête. Pourquoi sa situation familiale ferait-elle une différence ? Oui, depuis la veille, elle se trouvait être sans petit ami, mais pourquoi James, homme divorcé, supposait-il qu’être non mariée et être célibataire représentait la même chose pour elle ?
– Je ne suis pas mariée, dit-elle froidement.
James eut l’air étonné, comme s’il s’était attendu à ce que ses mots soient reçus avec un consentement servile.
– Vous serez promue au rang de Directrice de Comptes avec une augmentation de salaire substantielle et la même structure de primes qu’avant. Donc, vous allez vous faire énormément d’argent, ma fille, énormément d’argent, dit-il en se frottant les mains.
Olivia cligna des yeux. Elle croyait qu’elle avait déjà gagné énormément d’argent. Si elle devait en gagner encore plus, combien ? Ne disait-on pas que tout le monde avait son prix ? Elle commençait à se demander si c’était aussi son cas.
– Je – commença Olivia, mais James ne s’arrêta pas.
– Un de leurs plus grands comptes chez nous sera Daily Loaf – c’est leur pain.
Il appuya sur des touches de son ordinateur portable.
– Leur PDG m’a fourni quelques informations hier. Leur pain a une durée de conservation de deux semaines maximum. Jusqu’à deux semaines. Incroyable, non ?
– Incroyable, dit Olivia.
En son for intérieur, elle paniquait. Elle ne voulait pas faire la publicité d’un pain d’une durée de conservation de deux semaines. Elle voulait travailler avec des miches artisanales fabriquées avec de la farine moulue sur pierre et cuites dans des fours rustiques en argile.
– Leur saveur caractéristique est augmentée par un mélange de saccharose et de sirop de maïs, qui rend le pain particulièrement délicieux, poursuivit James. Je crois que nous pourrons intégrer cet élément à la campagne. Peut-être quelque chose comme ‘Encore un peu, c’est si goûteux’ ? Vous saurez peaufiner ça, j’en suis sûr. Ils ont aussi une version diététique. Elle comporte un ajout de dix pour cent de farine de blé complète et bien sûr moins de sucre.
James jeta un coup d’œil à son ordinateur portable.
– Non, je vois que le pain diététique a la même quantité de sucre, mais aussi un supplément de farine de blé complète, bien sûr, c’est très à la mode, de nos jours. Daily Loaf a un potentiel énorme et je suis impatient de voir ce que vous trouverez.
Souriant faiblement, Olivia commençait à se sentir malade.
– Ce sera idéal si vous pouvez fournir un premier jet, quelques idées, slogans ou instructions ; ça nous permettrait de les impressionner pendant la réunion. Je sais que vous êtes experte en idées de dernière minute.
Il leva un sourcil d’un air complice. Olivia tressaillit. Est-ce que cela signifiait ce qu’elle pensait ?
– Comme je vous ai beaucoup préparée, l’équipe de direction attend beaucoup de vous, attend énormément de vous, mais je sais que vous leur donnerez ce qu’ils veulent. Bon, reparlons des produits. Permettez que je vous briefe sur les sodas —
Olivia se leva. Elle ne pouvait pas supporter un mot de plus. Même la perspective de l’augmentation de salaire, du bonus et de la promotion ne pouvait la convaincre. Le montant importait peu.
– Tout cela a l’air très alléchant, dit-elle, mais je crains que ce ne soit pas pour moi.
Elle n’arrivait pas à croire que ces mots sortaient de sa bouche. L’expression horrifiée de James lui indiqua qu’elle n’était pas la seule. Incapable de s’arrêter, sentant que c’était maintenant ou jamais et qu’elle avait déjà franchi le Rubicon, Olivia poursuivit.
– Malheureusement, je ne peux plus travailler avec cette marque ou avec les marques qui lui sont associées. Donc, dès maintenant, je vous soumets ma démission. Veuillez l’accepter verbalement.
– C’est quoi, cette absurdité ? balbutia James. Vous dites n’importe quoi. C’est dément. Vous ne pouvez pas partir comme ça !
– Je démissionne, dit fermement Olivia.
Inspirant profondément, elle se leva et quitta le bureau. Derrière elle, elle entendit le cri désespéré de James.
– Olivia. Ne partez pas ! Il faut qu’on discute !
S’obligeant à rester forte, elle continua à marcher et ne se retourna pas.
À l’extérieur, dans la rue, elle eut une sensation terrifiante de liberté. Elle se retourna vers la façade de verre sombre du bâtiment, stupéfaite. Ses mains tremblaient sous le choc. Qu’avait-elle fait ? Cela avait été un moment de folie, mais elle ne pouvait pas revenir en arrière.
Ce n’était pas son lieu de travail et cela ne le serait plus jamais. Elle ne pourrait jamais y remettre les pieds de toute sa vie.
L’estomac noué par la peur et l’attente, elle ouvrit la page Instagram de Charlotte et lui écrivit à nouveau.
– J’ai changé d’avis, tapa-t-elle. Est-ce que la villa est encore disponible ?
Retenant son souffle, elle attendit une réponse.
CHAPITRE SIX
Sur le lit d’Olivia, le tas de vêtements s’épaississait.
Jusqu’à présent, il comportait des jeans, des shorts, des tee-shirts, des hauts décontractés et des hauts chics ainsi que quelques hauts à manches longues et une veste.
Le souffle coupé par l’anticipation, elle contempla les vêtements. Dans quelques petites heures, elle monterait dans un avion. Le lendemain matin, elle arriverait en Toscane.
– Je pars. Je pars vraiment. Je n’arrive pas à y croire, dit-elle.
Ce matin, elle s’était réveillée avec une gueule de bois, stressée et elle avait détesté son travail. Seulement deux heures plus tard, elle avait démissionné, réservé son vol et préparait ses bagages pour le voyage.
OK, donc, au moins, elle avait eu un travail ce matin. C’était la première fois en douze ans qu’elle était au chômage. Cependant, après ses deux semaines de vacances en Toscane, elle pourrait chercher un autre travail. Deux semaines, c’était beaucoup de temps. Ces semaines s’étendaient devant elle, pleines d’enthousiasme et de possibilités.
Elle fouilla dans le fond du placard pour y prendre son pantalon de course. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas couru. Des années, en fait. Elle détestait courir, mais elle était sûre qu’elle adorerait ça en Italie. Et puis, il faudrait qu’elle reste en forme, surtout quand elle prendrait l’habitude de boire du vin tous les soirs et de manger des pâtes avec de la sauce à la crème et des pizzas délicieuses pleines de fromage et du pain croustillant qu’elle tremperait dans de l’huile d’olive et du vinaigre balsamique.
Pensant à toute cette nourriture, Olivia ajouta son pantalon de yoga au tas de vêtements. Elle n’avait jamais aimé le yoga et n’avait acheté le pantalon que parce qu’elle avait envisagé un jour d’assister à un cours de yoga, mais elle pourrait faire du yoga à la villa. Elle pourrait chercher comment faire sur Google. Elle s’imagina en équilibre sur les mains, élégante, face au soleil levant.
Dix minutes plus tard, elle avait fini ses bagages.
Quand elle sortit son sac lourd et verrouilla la porte derrière elle, elle se rendit compte qu’elle ne laissait rien derrière elle, même pas une plante à arroser. Cela indiquait-il que sa vie était devenue aussi vide que cela ?
– Il y aura des plantes à la villa, se dit Olivia avec optimisme.
*– Amore mio, murmura le bel homme en chatouillant les cheveux d’Olivia de ses lèvres. C’est merveilleux que tu sois arrivée. Permets que je prenne ton sac.
Olivia leva les yeux vers lui, sentant l’amour monter en elle.
L’amour et une confusion sous-jacente. Pourquoi était-elle accueillie par cet homme superbe, qui parlait avec un fort accent italien ? Était-il son petit ami ? Comment cela était-il arrivé et qu’est-ce que Matt en penserait ?
Avec aisance, le grand homme descendit sa valise lourde du chariot et passa son autre bras autour de la taille d’Olivia. Quand il la serra contre lui, elle cessa de douter. Tout s’arrangerait d’une façon ou d’une autre, elle en était sûre.
– Maintenant, ma belle, je t’emmène à la maison, murmura-t-il.
Le grésillement de l’annonce par haut-parleur arracha Olivia à ses rêves.
– Nous entamons notre descente. Veuillez vous assurer que vos sièges soient redressés et replier vos tablettes.
Olivia se redressa, désorientée, et sourit d’un air confus à la femme assise à côté d’elle parce qu’elle avait dormi appuyée contre son épaule. Pendant un moment de confusion, elle crut qu’elle était dans un vol local pour aller assister à un lancement. Alors, quand elle se souvint de là où elle était, elle regarda par le hublot, enthousiaste.
Elle allait atterrir en Italie. Elle avait démissionné de son travail, cassé avec Matt et, sur un coup de tête, elle partait en vacances dans une villa toscane.
Olivia eut le souffle coupé quand le décor de champs, de collines et de forêts apparut devant ses yeux. Elle vit des petites villes, des bâtiments couleur sable, beiges et ocres, nichés dans le paysage. Était-ce là un vignoble ? Elle regarda vers le bas en essayant de distinguer ce qu’étaient les rangées vertes ordonnées, mais elle dut reculer quand son haleine embua le verre.
Son rêve avait été si vivace qu’elle l’avait pris pour la réalité. Un bel homme l’avait attendu. En fait, qui savait ce qui pourrait se passer pendant ces vacances de dernière minute ? Quand l’avion atterrit, Olivia se demanda si elle rencontrerait l’amour de sa vie dans ce décor romantique.
Alors qu’elle marchait dans le hall des arrivées bondé en tirant son sac lourd derrière elle, elle vit une pancarte avec son nom dessus.
Olivia Glass.
Olivia fixa la pancarte d’un regard incrédule.
Ce devait être magique. Derrière la pancarte se tenait un grand homme à la beauté stupéfiante. Il avait les épaules larges et il était bronzé. Ses traits marqués étaient mis en valeur par une barbe foncée de trois jours.
Quand il vit Olivia, son visage s’illumina et il lui fit signe avec enthousiasme.
Olivia écarquilla les yeux. Elle répondit à son signe et se fraya impatiemment un chemin vers lui en le gratifiant d’un sourire ravi.
Son rêve était devenu réalité ; ses vacances avaient commencé comme un conte de fées. Qui aurait pu imaginer que le simple fait de louer une voiture lui permettrait de rencontrer cet Adonis italien ?
L’avait-il reconnue grâce à la photo qui se trouvait sur son permis de conduire international ? Olivia s’interrogea sur les explications possibles tout en précipitant vers lui. Ce devait être le permis de conduire, décida-t-elle, mais elle pourrait lui poser la question. Cela lui permettrait d’entamer la conversation quand il l’emmènerait à sa voiture.
Quand elle s’écarta pour éviter un passager plus lent, la valise lourde d’Olivia tomba sur le côté.
– Oups, dit-elle en s’arrêtant pour la redresser.
Quand elle le fit, une petite femme vêtue d’un manteau rouge vif stylé la dépassa.
Le bel homme faisait encore signe mais Olivia constata alors, horrifiée, qu’il s’adressait à une autre femme.
La petite femme le rejoignit. Il la prit dans ses bras et la serra fort.
Olivia eut le souffle coupé. Elle rougit, humiliée, quand elle comprit que ce n’était pas du tout lui qui avait tenu la pancarte mais un homme petit et âgé qui se tenait à sa gauche et qui avait levé la pancarte assez haut pour qu’elle ne la manque pas.
Olivia savait que son visage devenait aussi rouge que le manteau de la petite femme.
Le pire, c’était que l’Adonis italien avait visiblement repéré son faux pas parce que, maintenant, il la regardait en secouant la tête d’un air désolé et compatissant. De plus, quelques autres badauds la contemplaient avec curiosité, eux aussi.
Il n’y avait qu’une chose qu’Olivia puisse faire pour récupérer un minimum de dignité.
Ignorant l’Adonis comme si elle ne l’avait jamais remarqué, elle se plaça face à l’homme âgé. Elle se força à sourire encore plus qu’avant et lui fit à nouveau signe avec exubérance.
– Bonjour ! Quel plaisir de vous voir !
Il ne fallait pas qu’elle regarde autour d’elle, se rappela-t-elle. Si elle voulait réussir à éviter de se ridiculiser pour la vie, elle devait concentrer toute son attention sur l’homme âgé sans le moins du monde détourner le regard.
Quand elle se précipita vers l’homme âgé et le salua comme s’il avait été un ami longtemps perdu de vue, elle espéra que personne ne remarquerait son étonnement extrême.
*Quelques minutes plus tard, elle sortit de l’aéroport au volant d’une Fiat compacte bleu pastel. Quand elle laissa le bâtiment du terminal dans son écrin de verdure, Olivia sentit qu’elle avait véritablement commencé son aventure. L’Italie faisait partie de ses destinations préférées depuis des années, mais elle n’aurait jamais cru qu’elle pourrait y aller. Depuis qu’elle avait commencé à travailler chez JCreative, le congé le plus long qu’elle ait pris avait duré trois jours et demi. De toute façon, pour Matt, l’Italie n’avait pas figuré sur la liste des endroits à visiter avant de mourir.
Olivia s’était résignée au fait que, malgré son obsession pour la Toscane, elle ne s’y rendrait jamais. Pourtant, maintenant, Olivia était en Toscane.
Elle constata avec ravissement que la campagne était exactement comme elle l’avait imaginée. Des champs de formes et de tailles diverses, parsemés de rangées ordonnées de vignes, étaient disposés comme les pièces d’un puzzle entre des bosquets d’oliviers et des forêts. Olivia aperçut des fermes en pierre couleur miel entourées de bouquets d’arbres. Quand elle regarda plus loin, elle contempla l’horizon en espérant qu’elle verrait la côte de la Mer Tyrrhénienne pendant son trajet.






