À Tout Jamais, Avec Toi

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Alors que le défilé commençait, la famille se tint sur le trottoir et regarda les tracteurs passer. Tout le monde à Sunset Harbour était sorti pour la journée et Emily salua plusieurs de ses amis. Elle ne se sentait plus gênée d’apparaître en public avec Daniel et Chantelle. C'était ce qu'elle voulait et si les gens désapprouvaient, alors cela n’importait pas pour elle.
Mais juste à l’instant où Emily se sentait la plus confiante, elle sentit quelqu’un lui tapoter l’épaule. Elle se retourna et eut l’impression de recevoir un jet d’eau glacée. Trevor Mann se tenait là debout, l’air satisfait et ressemblant à un crapaud.
Il lissa sa moustache. « Je suis surpris de vous voir ici, Emily », dit-il.
Emily croisa les bras et soupira, sachant instinctivement que Trevor allait essayer de la rabaisser. « Et pourquoi donc, Trevor ? » dit-elle sèchement. « S'il vous plaît, dites-moi. Je meurs d'envie de le savoir. »
Trevor sourit à sa façon, malhonnête et affreuse. « Je voulais simplement vous rappeler que votre extension sur les arriérés d’impôts arrive à son terme. Vous avez jusqu'à Thanksgiving pour tous les rembourser. »
« J’en suis bien consciente », répondit froidement Emily, mais le rappel était moins que bienvenu. Emily n'avait toujours aucune idée de la façon dont elle allait trouver l'argent pour les payer.
Elle regarda Trevor tourner sur ses talons et disparaître, laissant Emily figée et terrifiée.
*
Chantelle semblait instantanément s’être prise d’affection pour Serena, aussi Emily l'invita à la maison pour le dîner. Emily décida de faire un gros repas de fajitas. Elle voulait que Chantelle se sente en sécurité et aimée, stimulée par des activités et nourrie de subsistance. Pendant que Serena et Chantelle jouaient au piano ensemble dans le salon, Daniel et Emily préparaient toutes sortes de plats différents dans la cuisine.
« Je ne sais même pas si elle a déjà testé la moitié de tout ça », dit Daniel alors qu'il mélangeait de la salsa maison. « Tomates. Avocats. C'est probablement tout nouveau pour elle. »
« Elle ne mangeait pas correctement à la maison ? » demanda Emily. Mais elle connaissait la réponse. Bien sûr que non. Sa mère ne pouvait même pas garder un toit sur la tête de l'enfant ou acheter assez de culottes pour durer une semaine ; les chances pour qu’elle nourrisse Chantelle étaient pratiquement nulles.
« C'était une maison du type chips et Pop-tarts, » répondit Daniel, la mâchoire serrée. « Pas de rythme. Juste manger quand on a faim. »
Emily pouvait voir toute la douleur qu’il portait dans la manière dont ses épaules s’affaissaient, dans la manière frénétique dont il écrasait les avocats en guacamole comme s'il n'y avait pas de lendemain.
Emily s'approcha et passa doucement ses mains le long de ses bras, jusqu'à ce que la tension semble disparaître de ses muscles.
« Elle nous a maintenant, » l'apaisa Emily. « Elle sera propre. Elle sera nourrie. Elle sera en sécurité. D'accord ? »
Daniel hocha la tête. « J’ai juste l’impression que nous avons tant de temps à rattraper. Par exemple, peut-on vraiment effacer ce qu'elle a traversé quand je n'étais pas là pour elle ? »
Le cœur d'Emily se serra. Est-ce que Daniel se sentait réellement responsable des années qu'il ne pouvait pas contrôler ? Pendant tous ces mois, semaines et jours durant lesquels il n'avait pas pu aimer et prendre soin de Chantelle ?
« Nous le pouvons », lui dit fermement Emily. « Tu le peux. »
Daniel soupira, et Emily pouvait dire qu'il ne la croyait pas complètement, que ses mots entraient par une oreille et ressortaient par l'autre. Il faudrait du temps avant qu'il ne se sente bien quant à son absence au début de la vie de Chantelle. Emily espérait juste que ses idées noires ne repousseraient pas la petite fille loin de lui.
La nourriture était prête, donc ils allèrent tous dans la salle à manger. À l'immense table antique de chêne foncé, Chantelle avait l'air minuscule. Ses coudes reposaient à peine sur le dessus de table. La pièce n'avait pas été conçue en ayant des enfants à l'esprit.
« Je vais lui chercher un coussin », dit Serena en riant.
À cet instant, Emily remarqua que Chantelle pleurait.
« C'est bon, chérie », dit-elle doucement. « Je sais que tu es basse mais Serena est allée chercher un coussin et alors tu pourras t’asseoir aussi haut qu'une princesse. »
Chantelle secoua la tête. Ce n'était pas ce qui l'avait bouleversée, mais elle ne semblait pas pouvoir l’exprimer par des mots.
« C’est la nourriture ? » s’inquiéta Daniel. « Trop épicée ? Trop à manger ? Tu n’es pas obligée de tout manger. Ou quelque chose ici. Nous pouvons prendre à emporter. » Il se tourna vers Emily, ses mots se bousculant dans l’angoisse. « Pourquoi n'avons-nous pas pris à emporter ? »
Emily leva les sourcils comme pour lui dire de se calmer, de ne pas ajouter d'émotions inutiles à la situation. Puis elle recula sa chaise, se leva, s'approcha de Chantelle et s'agenouilla à côté d'elle.
« Chantelle, tu peux nous parler », dit-elle aussi doucement que possible. À moi et à ton papa. Nous sommes là pour toi et nous ne serons pas fâchés.»
Chantelle se pencha vers Emily et murmura. Sa voix était si basse qu'elle en était presque inaudible. Mais Emily réussit à distinguer les mots qu'elle avait prononcés, et à mesure que la compréhension s’insinuait dans l'esprit d'Emily, une décharge d’émotion lui frappa le cœur.
« Elle dit que ce sont des larmes de joie », dit Emily à Daniel.
Elle vit un soupir de soulagement sortir de la poitrine de Daniel, et le scintillement des larmes dans ses yeux.
*
Plus tard ce soir-là, il fut temps pour Emily et Daniel de mettre Chantelle au lit.
« Je veux qu’Emily le fasse », demanda Chantelle en lui prenant la main.
Emily et Daniel échangèrent un regard. Emily pouvait dire d’après la manière dont il haussa les épaules qu'il était déçu d'être exclu.
« Dis bonne nuit à papa alors », l’encouragea Emily.
Chantelle se dirigea vers lui et posa un baiser rapide sur sa joue avant de retourner à Emily, avec qui elle semblait plus à l'aise.
De toutes les tâches maternelles qu'Emily avait dû accomplir au cours des vingt-quatre dernières heures, c'était la plus éprouvante pour elle. Elle borda la petite fille dans le grand lit à baldaquin de la pièce à côté de la chambre principale, avec son ours du défilé d’un côté et Andy Pandy de l'autre.
« Est-ce que tu veux une histoire ? » demanda Emily à Chantelle. Son père lui en avait toujours lu le soir ; elle voulait recréer cette magie pour Chantelle.
La petite fille hocha de la tête, ses yeux endormis commençaient déjà à se fermer.
Emily descendit en courant dans la bibliothèque et trouva son ancien exemplaire d'Alice Au Pays des Merveilles. Cette histoire avait été sa favorite étant enfant, et quand elle avait trouvé le vieil exemplaire poussiéreux dans la maison à son arrivée, elle avait été bouleversée. Cela lui faisait plaisir de savoir qu'elle pourrait donner au livre un nouveau souffle et apporter la joie contenue dans ses pages à quelqu'un de nouveau.
Elle ramena le livre à l'étage et s'assit sur une chaise à côté du lit, tout comme son père le faisait. Alors qu'elle commençait à lire, Emily sentit les souvenirs tournoyer dans sa tête. Sa propre voix se transforma en celle de son père tandis qu'elle se sentait transportée dans le temps.
Elle était bordée dans son lit, les couvertures remontées jusqu'au cou. La chambre était éclairée à la lumière des bougies. Elle pouvait voir les balustrades de la mezzanine devant elle et se rendit compte qu'elle se trouvait dans l'immense pièce à l'arrière de la maison, la chambre qu'elle et Charlotte avaient partagée. Bien qu'elle lutta pour rester éveillée, pour continuer à écouter l'histoire merveilleuse que son père lisait, ses paupières commençaient à être lourdes et à se fermer. Un instant plus tard, elle prit conscience de l'obscurité qui l'enveloppait et du bruit des pas de son père alors qu'il descendait l’échelle de la mezzanine et se dirigeait vers la porte. Il y eut un éclat de lumière quand il ouvrit la porte, puis une voix dit : « Est-ce qu'elles dorment ? » Emily se demanda à qui appartenait cette voix. Elle ne l'a reconnaissait pas. Ce n'était pas sa mère car elle était restée à New York. Mais avant qu'elle ait eu l'occasion d’y réfléchir plus longtemps, elle s'endormit.
Emily se réveilla en sursaut dans l’instant présent. La chambre était dans l'obscurité à présent, la pleine lune dehors procurant une lumière douce. Il y avait une couverture sur ses genoux. Elle avait dû s’endormir en lisant et Daniel l'avait posée là.
Dans le lit devant elle, Chantelle ronflait doucement. Emily se leva, le corps douloureux d'être resté sur la chaise aussi longtemps. Elle avait vraiment besoin de s'endormir dans un vrai lit à un moment donné !
Tandis qu’elle marchait vers la porte, elle s’interrogea quant au souvenir, à la voix mystérieuse qu'elle avait entendue parler à son père. Résoudre le mystère de la disparition de son père était quelque chose sur laquelle Emily avait travaillé depuis son arrivée à la maison. Mais maintenant, avec Chantelle ici, son esprit était occupé par d'autres choses. Elle voulait aller de l’avant et planifier l'avenir, pas regarder en arrière vers un passé qui avait déjà cessé d'être.
Tout en fermant la porte de Chantelle derrière elle et en errant dans le couloir, Emily se demanda ce que sa nouvelle vie apporterait, à quoi elle ressemblerait maintenant qu'elle avait une famille. Elle s'était surprise elle-même de voir combien elle avait apprécié cette journée, combien elle l’avait fait se sentir satisfaite et accomplie. Chacun des petits moments où Chantelle avait cherché à se réconforter auprès d’elle ressemblait à une victoire. Son seul souci était Daniel. Il n'avait pas pris tout cela aussi naturellement. Il aurait besoin de plus de temps.
Alors qu’elle formulait ces pensées, elle atteignit la grande fenêtre au sommet de l'escalier. À l'extérieur, il faisait très sombre, la lune était blanche et les étoiles scintillaient. Il y avait peu de lumière, mais assez pour qu’Emily distingue Daniel debout à côté de sa moto. Emily l’observa, et sa joie se transforma rapidement en angoisse tandis qu’il enfilait son casque, enfourcha sa moto, puis descendit l’allée en trombe pour disparaître hors de sa vue.
CHAPITRE TROIS
Emily se tenait sur le porche, guettant anxieusement le retour de Daniel. Elle se tordait les mains pendant que ses pires craintes tourbillonnaient dans son esprit. Daniel avait promis de ne pas le faire, de ne pas partir sur sa moto sans lui dire. S'il brisait cette promesse, cela pouvait-il être parce qu'il les fuyait ? Sa journée avec Chantelle avait-elle été si dure pour lui qu'il avait décidé de l'abandonner aux soins d’Emily ? Elle ne voulait pas réfléchir à des pensées aussi terribles, elle voulait lui faire confiance, mais il l'avait déjà laissée tomber comme ça auparavant.
Emily s’appuya contre le chambranle de la porte pour se stabiliser, le souffle court. Quand Daniel était revenu, elle avait eu l’impression qu'il était un soldat revenant de la guerre. Maintenant, alors qu'Emily l'attendait avec un creux à l’estomac, elle avait le sentiment d'attendre à nouveau ce soldat.
Juste alors, elle perçut le son du moteur de la moto au loin. Elle s’efforçait de l'entendre, son espoir se raviva. Le bruit devenait de plus en plus fort jusqu'à ce qu'elle soit convaincue qu’il s’agissait bel et bien de Daniel qui rentrait chez lui. Elle ferma les yeux avec soulagement et exhala le souffle qu'elle avait retenu.
La moto passa l’angle et remonta l'allée vers elle, la prenant dans ses phares, ce qui lui fit plisser les yeux. Ensuite, il s’arrêta. Le moteur fut coupé et le silence les enveloppa.
Emily descendit précipitamment les marches alors que Daniel retirait son casque. « Tu es réveillée », dit-il avec un sourire. « Je n'étais pas sûr que tu sois endormie pour toute la nuit. » Puis son sourire disparut quand il saisit l'expression d’Emily.
« Espèce de crétin », aboya-t-elle. « Où étais-tu ? »
Daniel fronça les sourcils. « Je suis allé chercher de l’essence. Je suis parti depuis environ une quinzaine de minutes. »
« Tu ne peux pas faire ça », cria Emily. « Partir comme ça. Je n'avais aucune idée de l'endroit où tu étais. »
« Je suis désolé », balbutia Daniel. « Tu t'es endormie. Je pensais que je pourrais simplement aller rapidement chercher de l’essence. »
Emily prit une autre inspiration profonde, essayant de se calmer. Elle sentit Daniel passer ses bras autour de ses épaules.
« Tu ne peux pas disparaître comme ça », s’exclama Emily. « D'accord ? »
« D'accord », dit-il au-dessus du sommet de son crâne. "J'ai compris. Je suis désolé."
Ils restèrent ainsi, se tenant l'un l'autre sous la lune et les étoiles, pendant très, très longtemps.
« Je ne vais pas te quitter, Emily », déclara finalement Daniel. « Tu dois me faire confiance. »
« Tu ne rends pas ça toujours facile », répondit Emily en se dégageant de son étreinte.
« Je sais », agréa Daniel. « Mais je ne vais aller nulle part. J’ai emménagé avec toi, tu te souviens ? »
Emily hocha la tête. C'était la preuve de son engagement, mais cela ne la réconfortait pas entièrement.
Daniel poursuivit. « Et pendant le trajet, j’ai pensé à la remise, et comment nous pourrions en faire une maison de vacances autonome comme tu le voulais. Je ferai le travail moi-même, en remerciement pour tout ce que tu as fait pour moi et Chantelle. »
Emily sentit qu’elle commençait à se réchauffer, l'angoisse qui s'était accumulée se mettait à fondre enfin.
« Ce sera une excellente source de revenus pour toi », ajouta Daniel. « Ensuite, quand Chantelle sera une adolescente, nous pourrions la laisser l'utiliser, lui donner un peu d'espace loin de ses ennuyeux mère et père. »
Ses mots touchèrent la corde sensible au plus profond d'Emily. Daniel n'avait pas réussi à projeter leur relation au-delà de quelques mois à la fois. Maintenant, il parlait en décennies. Il faisait référence à elle en tant que “mère”. Pour la première fois, il les voyait vraiment comme une unité, comme les deux moitiés d'une équipe.
Mais alors que Daniel et Emily étaient enlacés dans leur lit cette nuit-là, les craintes d'Emily vacillaient encore et encore dans son esprit. Le petit coup d’éclat de Daniel avec la moto avait réveillé sa crainte de longue date d'être abandonnée. Il y avait à peine quelques semaines, elle prévoyait une vie sans Daniel. Maintenant tout à coup, il semblait s’engager envers elle. Pouvait-il vraiment changer d’une telle façon, sans transition, si vite ? Et était-ce vraiment parce qu'il avait compris combien leur relation était importante pour lui ?
Ou était-il simplement poussé par Chantelle ?
*
Le lendemain matin, Emily se réveilla tôt, presque en sursaut. Quand elle réalisa que Daniel était au lit à côté d'elle, elle se détendit et retomba sur l'oreiller en respirant profondément. Elle ne devrait pas avoir à ressentir du soulagement à la vue de Daniel à côté d'elle. Elle devrait se sentir heureuse.
Elle contempla le visage endormi de Daniel et senti son angoisse disparaître. Cela paraissait tellement normal de l'avoir ici, de nouveau avec elle, de les avoir tous ensemble. Elle n’aurait pas dû douter de lui quand il avait dit qu'il revenait vers elle. Et elle n'aurait pas dû réagir de manière excessive vis-à-vis de son escapade en moto la nuit précédente.
Daniel dormait profondément et Emily décida de le laisser. Il devait être épuisé par le long trajet, toutes les émotions et devait rattraper son sommeil en retard. Elle était certaine qu'elle était assez capable pour habiller Chantelle et lui préparer son petit-déjeuner seule. Ensuite elle pourrait montrer les poulets à la fillette et elles pourraient promener les chiens ensemble jusqu'à la plage.
Excitée à cette perspective, Emily se doucha rapidement et enfila des vêtements. Une fois prêt pour la journée, elle quitta sa chambre et Daniel ronflant toujours, et ouvrit la porte de la pièce voisine. À sa grande horreur, le lit de Chantelle était vide.
Emily sentit la nausée l’envahir. Où pouvait être la petite fille ?
En panique, Emily commença à faire défiler un million de scénarios dans son esprit : Chantelle avait trouvé la porte jusqu'au belvédère et avait chuté du toit ; elle avait trouvé une des granges abandonnées et délabrées à l'arrière et avait été écrasée par une chute de débris ; elle avait suivi le chemin de la côte et avait emportée en mer. Mais avant qu’Emily n'ait eu le temps de crier le nom de Daniel, elle entendit le bruit d’un rire s’élever de l'extérieur.
Emily se précipita vers la fenêtre et tira les rideaux. Là, dans l'arrière-cour, Chantelle jouait avec Mogsy et Rain, en riant et en hurlant tandis que les chiens sautaient et couraient en cercle autour d'elle. Chantelle portait toujours le grand t-shirt qu’Emily lui avait mis pour aller au lit. Ses pieds étaient complètement nus.
Emily passa la porte en courant et descendit. Elle ne voulait pas effrayer Chantelle, mais elle ne pensait pas non plus que c'était une bonne idée pour la petite fille d'être dehors sans surveillance et à peine habillée. Même si elle avait l'impression que Sunset Harbour était un quartier sûr, elle-même avait grandi à New York et éprouverait toujours de l’angoisse quant aux choses terribles que les gens pouvaient se faire les uns aux autres.
Appuyée sur la porte de derrière, Emily appela Chantelle. La petite fille leva les yeux, souriant largement. Ses pieds étaient verts à force de courir dans l'herbe couverte de rosée.
« Rentre, chérie », l’appela Emily. « C’est l’heure des pancakes. »
« Je veux jouer ! », répondit Chantelle.
« Dans une minute », a déclaré Emily, essayant toujours de paraître calme et amicale. « D'abord, tu as besoin d’un petit-déjeuner. Ensuite, une fois que tu seras habillée, nous pourrons emmener les chiens sur la plage et y jouer. Qu’est-ce que tu en dis ? »
Chantelle fronça les sourcils en direction d’Emily et son visage devint rouge. Pour la première fois, Emily a eu une idée des problèmes rencontrés par Chantelle. Sur son visage assombri, elle vit la colère et l'amertume. Elle savait que ce n'était pas dirigé contre elle, mais contre ce monde terrible, contre les personnes terribles qu'elle avait connues et les expériences terribles qu'elle avait eu le malheur de vivre. Cela ne sortait probablement que maintenant parce qu’Emily et Daniel avaient fourni un filet de sécurité au sein duquel Chantelle pouvait explorer ce côté-là d'elle-même sans craindre de punition.
Tout à coup, Chantelle renversa la tête en arrière et se mit à hurler bruyamment. Emily prit une profonde inspiration. Elle ne pouvait s'empêcher de penser à ces milliers de mères qu'elle avait vues dans sa vie affronter la colère d’un enfant, les regards fatigués sur leur visage, l'embarras mêlé à la colère. Mais elle savait si elle voulait que Chantelle lui fasse confiance, qu'elle devienne heureuse et équilibrée, perdre son calme n'était pas une option.
Elle avança à grands pas dans le jardin et prit la main de Chantelle. « Allez, ma chérie », dit-elle, comme si les cris de Chantelle ne lui transperçaient pas les tympans.
Juste à ce moment-là, Emily remarqua que quelqu'un arrivait dans l’allée. Trevor. Bien sûr. Typique, venant de lui, de choisir cet instant pour la railler.
« Qu'est-ce qu’il y a, Trevor ? », dit Emily en sifflant, ne sentant aucun scrupule à perdre son calme avec lui.
« Que pensez-vous que cela puisse être ? », marmonna Trevor. « Il n'est pas encore sept heures du matin et cet enfant fait du vacarme dans le jardin. Elle dérange mon droit à la paix. »
Chantelle se tut aussitôt. Elle tendit la main et prit celle d'Emily, presque comme une excuse pour lui avoir attiré des problèmes.
« Nous ne faisons que prendre nos marques », dit Emily avec un soupir, étonnée de voir combien elle s'intéressait peu aux propos de Trevor ces jours-ci. « Et Chantelle commence l'école demain, donc cela ne se reproduira plus. »
« Il y a toujours le week-end », dit Trevor.
« Nous veillerons à ne pas vous réveiller de nouveau avant les sept heures », soupira Emily. « N’est-ce pas, Chantelle ? »
Mais quand elle regarda la petite fille, elle vit que des larmes coulaient sur son visage et qu’elle tremblait de peur. En la voyant ainsi bouleversée, quelque chose éclata en Emily, un soudain élan maternel pour défendre son enfant.
Elle se tourna vers Trevor, tout à coup fulminante, et sentait la chaleur lui monter aux joues. "Vous savez quoi, Trevor ? Chantelle peut jouer dans son jardin chaque fois qu'elle en a envie. Ma maison, mon enfant, mes règles."
Trevor parut un peu surpris par l’explosion de colère. Mais il se reprit rapidement, son expression revenant à son rictus habituel. "Ce n'est pas votre enfant, n'est-ce pas ?"
« Elle est sous MA garde », s'écria Emily. « Je suis son gardien et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour la protéger des hommes ignobles comme vous. »
Pour la toute première fois, Trevor eut l'air humilié. Emily n'était pas prête à écouter encore Trevor, alors elle saisit Chantelle par la taille et la souleva dans ses bras. La petite fille tremblait tellement que cela angoissa Emily. Elle avait traversé tant de choses durant sa courte vie, la dernière chose dont elle avait besoin était de faire l’expérience de la monstruosité qu’était Trevor Mann.
Emily transporta Chantelle à l'intérieur et claqua la porte de derrière. Elle n'avait jamais ressenti une telle explosion d'émotion, un désir d'aimer et de protéger la petite fille confiée à ses soins.
« Je suis désolée ! », cria Chantelle aussitôt qu'elles furent à l'intérieur. Elle serra Emily si fort qu’elle pensa que son cou pourrait se briser.
« Chantelle, ça va », dit doucement Emily. Trevor s'énerve pour tout. Et tu ne savais pas que tu allais le réveiller. Veille à nous demander la permission avant de sortir à l'avenir, hein ? C’est accord ?»
Chantelle hocha de la tête d'une manière qui semblait suggérer qu'elle était désespérée de se faire pardonner auprès d’Emily.
« Maman me disait toujours de jouer dehors », dit Chantelle à travers ses larmes. « Elle n'a jamais aimé que je sois sur son passage. »
Emily sentit son cœur se serrer. La pauvre fille avait dû être plus que désorientée quand Emily lui avait dit de rentrer. Elle se sentait mal pour avoir mélangé les messages.
« Eh bien, Daniel et moi voulons jouer avec toi tout le temps », dit Emily. « D'accord ? »
Chantelle acquiesça. Enfin, ses larmes se tarirent et Emily remit la petite fille sur ses pieds.
Emily l’emmena dans la cuisine, où Daniel entrait à peine. « Qu'est-ce qui se passe ? », demanda-t-il. « J'ai entendu pleurer. Tu t'es blessée, Chantelle ? »
La petite fille secoua la tête.
« Je lui disais simplement que toi et moi voulons jouer avec elle quand elle va à l'extérieur, donc elle devrait demander à l'un d'entre nous de venir avec elle », dit Emily en lui jetant un coup d'œil lui disant de ne pas insister.
Il sembla comprendre ce qu'elle lui disait et opina. « Eh bien, je suis content que tout le monde soit de nouveau heureux maintenant », dit-il. « Est-ce que je prépare le petit-déjeuner ? »
Chantelle hocha de la tête avec enthousiasme et elle et Emily se mirent à table pour attendre leur petit-déjeuner.
« Alors », dit Daniel en s'asseyant un moment plus tard avec une pile de pancakes. « Qu’allons-nous faire aujourd'hui puisque l'école ne commence pas avant demain ? »
Emily était perdue. Elle pouvait dire que Daniel était également en difficulté d’après son expression légèrement paniquée. Aucun d’eux n’avait eu à s'occuper d'un enfant auparavant, et tous deux ressentaient la pression de s'assurer que Chantelle s’amuse le plus possible pour compenser le terrible départ qu'elle avait eu dans la vie.
« Je pense que Chantelle voudrait aller quelque part avec les chiens », dit Emily, en regardant la petite fille pour avoir confirmation.