Cible Principale: L’Entraînement de Luke Stone, tome 1

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Comme pour confirmer les craintes de Luke, l’hélicoptère trembla sous l’assaut d’une rafale latérale et, soudain, ils se retrouvèrent dans la tempête de poussière. Le son à l’extérieur de l’hélicoptère changea. Il y avait un moment de cela, on n’avait entendu que le fort vrombissement des rotors et le rugissement du vent. Maintenant, le son de la poussière qui, crachée par le vent, heurtait l’extérieur de l’hélicoptère faisait de la concurrence aux deux autres sons et évoquait presque de la pluie.
— Signalez la poussière ! cria Heath.
Les hommes se placèrent aux hublots et regardèrent à l’extérieur, où ils virent un nuage en ébullition.
— Poussière à la roulette de queue ! cria quelqu’un.
— Poussière à la porte de chargement ! dit Martinez.
— Poussière au train d’atterrissage !
— Poussière à la porte du poste de pilotage !
En quelques secondes, l’hélicoptère fut englouti. Heath répétait chaque appel dans son casque. À présent, ils volaient à l’aveuglette et l’hélicoptère traversait un ciel épais et sombre.
Luke regardait fixement le sable qui heurtait les hublots. Il était difficile de croire qu’ils volaient encore.
Heath mit une main à son casque.
— Pirate 2, Pirate 2 … oui, je vous reçois. Continuez, Pirate 2.
Heath avait le contact radio avec tous les intervenants de la mission dans son casque. Apparemment, le second hélicoptère l’appelait pour lui parler de la tempête.
Il écouta.
— Négatif, on ne retourne pas à la base, Pirate 2. Continuez comme prévu.
Martinez croisa à nouveau le regard avec Luke. Il secoua la tête. L’hélicoptère rua et se balança. Luke regarda la ligne des hommes. C’étaient des combattants endurcis, mais aucun d’eux ne semblait avoir envie de continuer cette mission.
— Négatif, on ne se pose pas, Pirate 2. Nous avons besoin de vous pour cette …
Heath s’arrêta et écouta à nouveau.
— SOS ? Déjà ?
Il attendit. Maintenant, il regardait Luke. Ses yeux étaient plissés et son regard dur. Il n’avait pas l’air d’avoir peur. Il avait l’air contrarié.
— Je les ai perdus. Ils sont censés nous soutenir. Les gars, est-ce que vous les voyez dehors ?
Martinez regarda par le hublot. Il grogna. Ce n’était même plus vraiment la nuit. Dehors, on ne voyait que de la poussière marron.
— Pirate 2, Pirate 2, m’entendez-vous ? dit Heath.
Il attendit un moment.
— Répondez, Pirate 2. Pirate 2, Pirate 2.
Heath s’interrompit puis écouta.
— Pirate 2, rapport de situation. Rapport …
Il secoua la tête et regarda Luke à nouveau.
— Ils se sont écrasés.
Il écouta à nouveau.
— Il n’y a que des blessures légères. L’hélicoptère ne fonctionne plus. Les moteurs sont hors service.
Soudain, Heath frappa la paroi près de sa tête.
— Merde !
Il envoya un regard noir à Luke.
— Les salauds. Les lâches. Ils se sont défilés, je le sais. Juste au moment où leurs appareils tombent en panne, ils se perdent dans la tempête et ils s’écrasent à dix kilomètres d’un bivouac de la Dixième Division des Montagnes. Comme c’est commode. Ils vont y aller à pied.
Il s’interrompit. Un souffle lui échappa.
— C’est incroyable, non ? Je n’aurais jamais cru qu’une unité de la Force Delta bousillerait une mission.
Luke le regarda. Pirate 2 aurait donc disparu, se serait caché, aurait quitté le théâtre des opérations. Heath soupçonnait que Pirate 2 avait quitté l’opération de son plein gré. C’était peut-être vrai, peut-être faux, mais c’était peut-être aussi la meilleure chose à faire.
— Monsieur, je pense que nous devrions faire demi-tour, dit Luke, ou alors atterrir. Nous n’avons plus d’unité de soutien et je ne crois pas avoir jamais vu une tempête…
Heath secoua la tête.
— Négatif, Stone. Nous continuons avec moins de troupes. Une équipe de six hommes attaque la maison. Une équipe de six hommes surveille les approches par le village.
— Monsieur, avec tout le respect que je vous dois, comment cet hélicoptère va-t-il faire pour atterrir et pour redécoller ?
— On n’atterrit pas, dit Heath. On descend en rappel puis l’hélicoptère pourra prendre de l’altitude jusqu’à ce qu’il trouve le sommet de cette tempête, où qu’il soit. L’hélicoptère pourra revenir quand nous aurons capturé la cible.
— Morgan … commença Luke.
S’adresser à un officier supérieur en utilisant son prénom était une convention qui n’était acceptée qu’à de rares endroits, dont la Force Delta.
Heath secoua la tête.
— Non, Stone. Je veux al-Jihadi et je vais l’avoir. Cette tempête redouble l’effet de surprise, car ils ne s’attendront jamais à ce que nous arrivions du ciel par une nuit comme celle-là. Croyez-moi, nous serons des légendes après ça.
Il s’interrompit et regarda Stone dans le blanc des yeux.
— Nous devrions arriver dans les cinq minutes. Assurez-vous que vos hommes soient prêts, Sergent.
* * *
— OK, OK, cria Luke par-dessus le rugissement des moteurs, des rotors de l’hélicoptère et du sable qui s’abattait contre les hublots. Écoutez !
Les deux lignes d’hommes le regardaient fixement, en combinaison de pilote et avec leur casque, armes prêtes. Heath le regardait du fond de l’appareil. C’étaient les hommes de Luke et Heath le savait. Sans le leadership et la coopération de Luke, Heath risquerait de se retrouver rapidement confronté à une mutinerie. Pendant une fraction de seconde, Luke se souvint de ce que Don avait dit :
Nous l’appelions le capitaine Achab.
— Le plan de la mission a changé. Pirate 2 est complètement foutu. Nous continuons avec le Plan B. Martinez, Hendricks, Colley, Simmons. Vous êtes avec moi et le Lieutenant-Colonel Heath. Nous sommes l’équipe A. On entre dans la maison, on élimine tous les ennemis, on capture la cible et on termine la mission. Nous allons agir très vite, en mode action. Compris ?
Martinez ne put s’empêcher de protester, comme toujours :
— Stone, comment comptes-tu mener cet assaut avec douze hommes ? Il en faut vingt-quatre —
Luke le regarda fixement.
— J’ai dit « Compris ? ».
Divers grognements indiquèrent que les soldats avaient compris.
— Personne ne doit nous résister, dit Luke. Si quelqu’un tire, si quelqu’un montre qu’il a une arme, il est hors-jeu. Compris ?
Il jeta un coup d’œil au travers des hublots. L’hélicoptère se battait contre une foutue tempête marron et avançait vite, mais beaucoup moins qu’il ne l’aurait pu. La visibilité extérieure était nulle, sinon pire que nulle. L’hélicoptère trembla et fit une embardée comme pour confirmer que tel était bien le cas.
— Compris, dirent les hommes qui se tenaient autour de lui. On a compris.
— Packard, Hastings, Morrison, Dobbs, Murphy, Bailey. Vous êtes l’équipe B. L’équipe B, vous allez nous soutenir et nous couvrir. Quand nous atterrirons, deux d’entre vous défendront le lieu d’atterrissage et deux défendront le périmètre proche des portes du camp. Quand nous entrerons, deux avanceront et défendront l’avant de la maison. Vous serez aussi les derniers hommes à sortir. Ayez l’œil et regardez partout. Personne ne s’attaque à nous. Éliminez toute résistance, réelle comme éventuelle. Cet endroit va forcément être plus chaud que l’enfer. Votre boulot, c’est de le refroidir.
Il les regarda tous.
— C’est clair ?
Un chœur de voix lui répondit, chacun de profondeur et de timbre différent.
— Clair.
— Clair.
— Clair.
Luke s’accroupit sur un banc bas dans la soute des soldats. Il sentait un mélange familier de peur, d’adrénaline et d’excitation. Il avait avalé une Dexedrine juste après le décollage et elle commençait à faire effet. Soudain, il se sentait plus vif et plus alerte qu’avant.
Il connaissait les effets de ce médicament. Son rythme cardiaque montait. Ses pupilles se dilataient, laissant entrer plus de lumière, ce qui lui permettait de mieux y voir. Son ouïe était plus fine. Il avait plus d’énergie, plus d’endurance et il pouvait rester éveillé longtemps.
Assis en avant sur leurs bancs, les hommes de Luke ne le quittaient pas des yeux. Ses pensées allaient trop vite pour qu’il puisse les formuler.
— Les enfants, dit-il. Surveillez-les. Nous savons qu’il y a des femmes et des enfants dans le camp et que certains d’entre eux appartiennent à la famille de la cible. Nous ne tirerons pas sur les femmes et les enfants cette nuit. Compris ?
Des voix résignées répondirent.
— On a compris.
— Compris.
C’était inévitable lors de ces missions. La cible vivait toujours entourée de femmes et d’enfants. Les missions avaient toujours lieu la nuit. Il y avait toujours de la confusion. Les enfants avaient tendance à faire des choses imprévisibles. Luke avait vu des hommes hésiter à tuer des enfants puis payer le prix de leur hésitation quand les enfants en question s’avéraient être des soldats qui, eux, n’hésitaient pas à les tuer. Pour rendre les choses encore pires, leurs compagnons tuaient les enfants-soldats juste après, dix secondes trop tard.
À la guerre, les gens mouraient. Ils mouraient brusquement et souvent pour les raisons les plus absurdes qui soient, comme quand ils refusaient de tuer les enfants, qui mouraient une minute plus tard de toute façon.
— Cela dit, ne mourez pas là-bas cette nuit et ne laissez pas mourir vos frères.
L’hélicoptère continuait à avancer comme il le pouvait dans l’obscurité qui crachait et hurlait. Le corps de Luke se balançait et rebondissait avec l’hélicoptère. Dehors, il y avait de la poussière et du sable qui volait tout autour d’eux. Ils n’allaient pas tarder à sortir, maintenant.
— Si nous surprenons ces gars en plein sommeil, ça nous facilitera peut-être la tâche. Ils ne nous attendent pas cette nuit, c’est certain. Je veux qu’on arrive, qu’on capture la cible en dix minutes et qu’on remonte dans l’hélicoptère dans les quinze minutes.
L’hélicoptère secoua et rua. Il avait du mal à rester en l’air.
Luke s’interrompit et inspira.
— N’hésitez pas ! Prenez l’initiative et gardez-la. Bousculez-les constamment. Faites-leur peur. Faites ce qui vous vient naturellement en tête.
Il leur disait ça juste après leur avoir dit de se méfier des enfants. Il leur envoyait des messages contradictoires, il le savait. Il aurait fallu qu’il reste logique, mais c’était dur avec une nuit sombre, une tempête de poussière démente, un hélicoptère qui tombait en panne avant même que la mission ait commencé et un commandant qui refusait de faire demi-tour.
Une pensée lui traversa la tête à la vitesse de l’éclair, si vite qu’il faillit ne pas la reconnaître.
Annule. Annule cette mission.
Il regarda les deux lignes d’hommes. Ils le regardèrent. L’enthousiasme que ces gens-là manifestaient en temps normal manquait terriblement à l’appel. Deux soldats jetèrent un coup d’œil par les hublots.
Un jet continu de sable aspergeait l’hélicoptère. C’était comme si l’hélicoptère était un sous-marin sous l’eau, sauf que l’eau avait été remplacée par de la poussière.
Luke pouvait annuler la mission. Il pouvait choisir de ne pas obéir à Heath. Ces hommes lui obéiraient plutôt qu’à Heath, car c’étaient ses hommes, pas ceux de Heath. Ils en souffriraient terriblement, bien sûr. Heath s’en prendrait à lui. Don essaierait de protéger Luke.
Mais Don serait un civil.
On les accuserait d’insubordination dans le meilleur des cas et de mutinerie dans le pire des cas. La cour martiale serait quasiment inévitable. Luke connaissait les précédents : un ordre dément et suicidaire n’était pas forcément illégal. Luke perdrait le procès à la cour martiale, quel qu’il soit.
Il fixait encore les hommes du regard. Ils le fixaient encore eux aussi. Il le voyait dans leurs yeux, ou du moins pensait le voir :
Annulez la mission.
Luke se débarrassa de cette idée.
Il regarda Wayne. Wayne leva les sourcils et haussa légèrement les épaules.
À toi de décider.
— Allez, les gars, dit Luke. Frappez dur et vite, cette nuit. On ne perd pas de temps. On entre, on fait notre boulot et on revient. Croyez-moi, ça va passer comme une lettre à la poste.
CHAPITRE DEUX
22 h 01, heure afghane (13 h 01, Heure Avancée de l’Est)
Près de la frontière pakistanaise
Dans le district de Kamdesh
Dans la province du Nouristan, en Afghanistan
— Go ! cria Luke. Go ! Go ! Go !
Deux cordes épaisses descendaient de la porte de l’hélicoptère. Les hommes descendaient par ces cordes, puis disparaissaient dans les tourbillons de poussière. Ils auraient pu être à trois cents mètres d’altitude ou à trois mètres au-dessus de la cour de récré.
Le vent hurlait. Un sable et une poussière mordants s’insinuaient partout. Luke avait le visage couvert par un masque à respirateur. Lui et Heath furent les derniers à sortir par la porte. Heath portait un masque similaire. Ils ressemblaient à deux survivants d’une guerre nucléaire.
Heath regarda Luke. Sa bouche bougeait sous son masque.
— Nous allons devenir des légendes, Stone !
Luke appuya sur le bouton START vert de son chronomètre. Il allait falloir se presser.
Il jeta un coup d’œil sous lui. Il ne voyait rien, que ce soit là-dessous ou ailleurs. Il fallait vraiment avoir la foi. Il franchit le bord et tomba dans l’obscurité lugubre. Deux secondes plus tard, peut-être trois, il heurta violemment le sol. L’atterrissage envoya une onde de choc dans ses jambes.
Il lâcha la corde et regarda autour de lui, essayant de prendre ses repères.
Heath atterrit une seconde plus tard.
Des hommes masqués apparurent dans l’obscurité. Martinez, Hendricks. Hendricks montra derrière lui.
— Le mur est là !
Quelque chose de grand se profilait là-bas. OK, c’était le mur du camp. Deux feux ternes brillaient dessus.
Hendricks disait quelque chose, mais Luke ne l’entendait pas.
— Quoi ?
— Ils savent !
Ils savent ? Qui ? Que savent-ils ?
Au-dessus de leurs têtes, le son des moteurs de l’hélicoptère changea quand l’appareil se mit à s’élever. Soudain, une lumière éclatante brilla par-dessus le mur.
Quelque chose passa tout près à toute vitesse avec une sorte de cri.
Un mortier.
— On nous tire dessus ! cria Luke. On nous tire dessus !
Tout autour de lui, de vagues ombres se jetèrent au sol.
Deux autres lumières éclatantes apparurent.
Puis une autre.
Et encore une autre.
Comment ont-ils su ?
Dans la sombre obscurité du ciel, quelque chose explosa et apparut orange et rouge pâle. Dans la tempête de sable, l’explosion faisait penser au craquement d’un orage lointain. L’hélicoptère. Il avait été frappé.
De sa position privilégiée sur le sol, Luke le regarda tourner dans le ciel en laissant une traînée orange sur le fond noir. Il fit une boucle vers la droite et tournoya. Ses moteurs hurlaient et Luke pensa entendre le son de ses pales.
Whump. Whump. Whump. Whump.
Il semblait se déplacer au ralenti, de côté et vers le bas. Illuminant la nuit comme une balle traçante, il passa au-dessus du mur en pierre du camp.
BOUM !
Il explosa de l’autre côté du mur, dans le camp. Une boule de feu s’éleva à deux ou trois étages de hauteur. Pendant un instant, Luke imagina que tout était fini. L’hélicoptère était abattu, les pilotes morts, l’hélicoptère de soutien en panne, ils étaient piégés ici et les talibans semblaient avoir su qu’ils venaient.
Cependant, cet hélicoptère venait d’exploser dans le camp.
Comme une bombe.
Ce qui pouvait leur donner l’initiative.
Plusieurs hommes masqués se trouvaient aux alentours.
Martinez, Hendricks, Colley, Simmons. Son équipe.
Heath devait être aux alentours, lui aussi.
— Debout ! cria Luke. Debout ! En avant !
Il se releva d’un bond en entraînant l’homme le plus proche de lui. En un instant, ils furent tous debout et se mirent à courir. Ils étaient une douzaine et ils avançaient vite. La vision nocturne était inutile. Les lumières étaient inutiles et attireraient des coups de feu. Les hommes couraient dans une obscurité totale et tourbillonnante.
En dix secondes, ils atteignirent le mur. Luke devina qu’il fallait aller à gauche et se dirigea vers là en frôlant la pierre. En quelques secondes, il arriva à l’ouverture. Il y avait l’hélicoptère, une apocalypse. Quelques silhouettes couraient dans la lumière diffusée par les flammes et extrayaient des blessés du feu.
Luke n’hésita pas. Il passa l’ouverture au pas de course, le MP5 maintenant sorti. Il tira avec son arme, envoya une rafale automatique. Maintenant, les silhouettes fuyaient, repartaient vers une autre ombre imprécise dont les feux se dessinaient dans le chaos.
La maison.
Ses hommes couraient avec lui.
Devant, les silhouettes des hommes qui battaient en retraite remontaient à toute vitesse les marches du petit escalier qui menait à la maison de pierre. Luke monta les marches quatre à quatre derrière eux.
Deux hommes se trouvaient face à l’embrasure de la porte. Ils enlevèrent des armes automatiques de leurs épaules. Ils portaient les longues barbes et les turbans des talibans.
POP ! POP ! POP ! POP ! POP !
Luke tira sans réfléchir. Les deux hommes tombèrent.
Soudain, il y eut une explosion derrière lui. Il jeta un coup d’œil vers l’arrière, mais il était impossible de voir ce qui se passait. Il entra dans la maison. Un instant plus tard, quatre autres hommes apparurent à côté de lui, son équipe A. Ils prirent des positions de tir dans le hall de pierre, tournés vers le reste de la maison.
Ils enlevèrent simultanément leurs masques à respirateur, presque comme s’ils étaient une seule personne. Martinez alla trouver les talibans abattus et tira dans la tête de chacun d’eux. Il n’en toucha aucun.
— Morts ! dit-il.
L’endroit était plus calme.
— Chef de l’équipe B, dit Luke dans le micro de son casque. Statut ?
Heath arriva de l’obscurité et entra dans la maison en courant.
— Chef de l’équipe B …
— Nous tenons la porte de devant, dit une voix dans le casque de Luke.
C’était Murphy. Son accent du Bronx était caractéristique.
— Stone ! C’est louche. C’était une embuscade ! Ils nous attendaient !
— Tenez la porte, Murph. Nous sortirons dans quelques minutes.
— Tu devrais te dépêcher, mec. Quelqu’un savait que nous venions. Bientôt, il va en arriver d’autres et je ne vois pas à trois mètres devant mon nez.
L’équipe de Luke était déjà entrée plus loin dans la maison. La chaleur la suivait.
— Attendez. Nous entrons.
— Dépêchez-vous, dit la voix de Murphy. Je ne sais pas si nous serons encore ici.
— Murphy ! Tenez cette porte ! Nous arrivons bientôt.
— Bien, dit Murphy.
Luke se tourna vers le couloir assombri.
Un autre homme apparut, un grand homme dans une robe blanche. Il réussit à atteindre la gâchette de son arme, mais il tira frénétiquement. Luke s’agenouilla et visa l’homme.
POP ! Un cercle rouge foncé apparut sur sa poitrine.
Il eut l’air surpris, puis tomba mollement au sol.
Alors, Luke s’enfonça dans les halls sombres en écoutant les bruits qui venaient de devant. Il n’eut pas besoin d’écouter longtemps.
BANG !
Une grenade incapacitante explosa, puis une autre.
BANG !
Il y avait des cris et des coups de feu à l’avant. Luke s’en rapprocha lentement en frôlant furtivement le mur. Maintenant, il y avait des bruits derrière lui, à l’air libre, des rafales d’armes automatiques et des explosions.
Luke consulta son chronomètre. Ils étaient au sol depuis moins de quatre minutes et la mission entière était déjà foutue.
— Stone !
C’était à nouveau la voix de Murphy.
— Problèmes. Il y a des barbares aux portes. Je répète : les portes de devant sont attaquées. Des personnes hostiles convergent vers nous. Nous avons des hommes à terre. Hastings est à terre. Bailey est à terre. Nous nous retranchons vers la maison.
— Non. Négatif. Équipe B. Tenez ces portes !
— Il n’y a rien à tenir, dit Murphy. Ils les défoncent ! Ils ont une arme anti-tank dehors.
— Tenez quand même. C’est notre seule sortie de ce lieu.
— Merde, Stone !
— Murphy ! Tenez ces portes !
Luke s’enfonça plus loin dans la maison.
Il y avait des cris juste devant lui. En courant, il passa une porte, le seuil …
Et tomba sur une scène de chaos complet.
Il y avait au moins quinze gens dans une grande pièce à l’arrière. Le sol était couvert de tapis épais qui se recouvraient les uns les autres. Les murs étaient couverts de tapis, des tapis décorés et richement colorés qui représentaient de vastes paysages, des déserts, des montagnes, des jungles, des chutes d’eau.
Simmons était mort. Il gisait sur le dos, le corps étendu, les yeux ouverts et fixes. Son casque était tombé et, au-dessus des yeux, un morceau de sa tête avait disparu. Deux femmes étaient mortes elles aussi. Un petit enfant, un garçon, était mort. Trois hommes en robes et en turbans étaient morts. C’était un massacre. Il y avait des armes et du sang partout sur le sol.
Tout au fond, près d’une porte fermée, une masse de gens se tenait. Une foule d’hommes en robes et en turbans tenaient des enfants devant eux et pointaient des fusils. Derrière les hommes, un autre homme se tapissait et il était si bien caché que Luke le voyait à peine.
Il devait être la cible.
Tout autour de la salle, les membres de l’équipe de Luke étaient accroupis ou agenouillés, immobiles comme des statues, les armes pointées sur le groupe, cherchant un angle de tir. Le Lieutenant-Colonel Heath se tenait au centre de la salle, son MP5 pointé sur la foule.
— OK, dit Luke. C’est OK. Personne ne —
— Laissez tomber ces armes ! cria Heath en anglais.
Il avait le regard fou. Il ne pensait qu’à une seule chose : capturer sa baleine.
— Heath ! dit Luke. Détendez-vous. Il y a des enfants. Nous pouvons —
— Je vois les enfants, Stone.
— Dans ce cas —
Heath tira une rafale complète de son arme automatique.
Immédiatement, Luke se plaqua au sol et l’on tira dans toutes les directions. Il se couvrit la tête, se roula en boule et se retourna vers l’action.
Les tirs durèrent plusieurs secondes. Même après leur arrêt, il y en eut quelques autres séparés de quelques secondes, comme l’éclatement des derniers grains d’une dose de pop-corn. Quand les tirs s’arrêtèrent vraiment, Luke releva la tête. Les gens qui s’étaient tenus près de la porte fermée gisaient à terre en se contorsionnant.
Heath était à terre. Luke ne s’en souciait pas. Heath était la cause de ce cauchemar.
Un autre des hommes de Luke était à terre, dans le coin. Mon Dieu, quel chaos. Trois hommes à terre. Un nombre inconnu de civils morts.
Luke se redressa. Deux autres hommes se relevèrent en même temps. L’un d’eux était Martinez. L’autre était Colley. Martinez et Colley se déplacèrent vers le tas de gens qui se trouvaient au fond, en bougeant lentement, les armes encore pointées sur eux.
Luke jeta un coup d’œil dans la salle. Il y avait des cadavres partout. Simmons était mort. Heath … un grand trou avait pris la place de son visage. Il n’avait plus de visage. Luke ne ressentit rien. C’était la mission de Heath. Elle s’était déroulée aussi mal que possible. Maintenant, Heath était mort.
Et un autre homme était à terre.
Cela ressemblait à un problème mathématique compliqué mais, en fait, c’était une soustraction simple que n’importe qui pouvait effectuer. L’esprit de Luke ne fonctionnait pas correctement. Il le reconnaissait. Six hommes étaient entrés ici. Heath et Simmons étaient morts. Martinez, Colley et Stone étaient encore dans le jeu. Cela signifiait que le dernier homme à terre ne pouvait être que …



