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Zéro plissa le nez. “Ça n’a pas l’air cool.”
Baker tira un coup de feu. L’arme émit un sifflement et un petit morceau de la façade en brique à la droite de Zéro explosa, envoyant de minuscules éclats de pierre contre son visage.
Il leva les mains en un instant. “Wow ! Ok. Bon sang, je vais vous dire tout.” Toutefois, ses pulsations accélérèrent à peine.
J’ai ce qu’ils veulent. C’est moi qui ai le contrôle.
“Il s’agit d’une clé USB avec des informations dessus.”
“Donne-la-nous,” ordonna Baker.
“Est-ce que je peux la chercher dans ma poche ?”
“Lentement,” grommela Baker avec son Sig Sauer pointé sur le front de Zéro.
“Ok.” Zéro montra sa main gauche vide, remua ses doigts, puis fourra lentement sa main dans la poche de son pantalon. Baker est à environ cinq mètres. Avec sa main dans la poche, il saisit la clé USB à deux doigts, la tenant entre l’index et le majeur. Stevens est à peu près à sept mètres. Il prit le couteau à cran d’arrêt dans sa paume en le tenant entre l’annulaire et l’auriculaire, le maintenant avec son pouce. Tout comme la Percée de Tueller.
Ce matin-là, il aurait juré ne jamais avoir entendu le nom de Dennis Tueller, mais quiconque ayant jamais été entraîné à manier le couteau au milieu d’armes à feu le connaissait. En 1983, le Sergent Tueller avait procédé à une série de tests afin de déterminer à quelle vitesse un attaquant avec un couteau pouvait couvrir une distance d’approximativement sept mètres… et si sa cible, avec une arme dans son étui, pouvait réagir à temps.
Moins de deux secondes. C’était le temps moyen qu’il fallait à un attaquant pour courir sur sept mètres, soit la position de Stevens, vers sa cible. Le problème était que l’arme de Baker était déjà dégainée.
Mais pas celle de Stevens.
“Tu la vois ?” Zéro leva la clé USB coincée entre ses deux doigts, gardant bien sa paume invisible pour Baker.
“Lance-la,” demanda Baker. Derrière l’épaule du mercenaire, il vit marcher quelques passants qui discutaient et rigolaient en passant devant l’embouchure de l’étroite ruelle. Parmi eux, un jeune homme jeta un coup d’œil vers eux, mais il ne vit pas le Sig Sauer étant donné que Baker était de dos. Aussi, le jeune homme fronça brièvement les sourcils et continua sa promenade.
Il faut vraiment que je crée une distraction. Mais Zéro ne comptait pas appeler qui que ce soit, car il ne voulait mettre personne en danger.
L’une des mains de Baker quitta le pistoler et il la tendit, paume vers le haut, attendant que Zéro lui lance la clé USB.
Aussi, il s’exécuta. Il recourba son bras en arrière et jeta la clé USB vers Baker dans un mouvement qui la fit s’élever en arc de cercle. En lâchant la clé, il fit glisser le couteau à cran d’arrêt dans sa paume pour le saisir des doigts.
Puis il s’élança comme une flèche, ouvrant le couteau en même temps.
Alors que Baker quittait des yeux sa cible pour regarder la minuscule clé noire voler en arc de cercle dans les airs, Zéro courut depuis sa position… mais pas vers Baker. Il se rua comme un fou vers le type costaud.
Une virgule quatre secondes. Il avait effectué la Percée Tueller un millier de fois, s’étant entraîné pour ce scenario exact, et il s’en rappelait aussi clairement que si ça c’était passé hier. Un pistolet-radar de haute précision sur le terrain d’entraînement de la CIA l’avait chronométré à une moyenne d’une virgule quatre secondes pour atteindre une cible se trouvant approximativement à sept mètres.
La quantité de calculs mathématiques qui lui traversa l’esprit en un instant était impressionnante. Ce savoir avait toujours été là, ancré à la suite d’une somme insensée de gestes répétés et d’études, enfermé dans les tréfonds de son système limbique en attendant l’occasion de surgir à nouveau. La vitesse moyenne de réaction humaine allait d’une demi-seconde à trois-quarts de seconde. Même un professionnel comme Baker avait besoin d’au moins un quart de seconde entre deux tirs sur un pistolet semi-automatique comme le Sig Sauer. Et Zéro était une cible mobile.
Le costaud, Stevens, n’était pas rapide. Il avait à peine libéré son pistolet de son étui, les yeux involontairement écarquillés de surprise à cause de la vitesse à laquelle Zéro fondait sur lui. La lame de son couteau était déjà déployée. Zéro se pencha en avant sur les deux derniers mètres et sauta sur Stevens, enfonçant la pointe de son couteau dans sa gorge d’un mouvement net.
De sa main droite bandée, il prit appui sur la puissante épaule de Stevens et, alors que la lame du couteau ressortait, Zéro se propulsa pour contourner le corps massif du type. Deux coups de feu furent tirés derrière lui, thwip-thwip avec le pistolet équipé du silencieux, et atteignirent Stevens à la poitrine alors que Zéro atterrissait derrière lui. Une horrible douleur vive s’empara de sa main blessée, mais l’adrénaline était là à présent, coulant en lui tandis qu’il laissait tomber le couteau pour récupérer le pistolet de Stevens avant que ce dernier ne s’écroule à terre. Il le lui arracha de son gros poing et, à l’abri derrière son large bouclier humain, tira deux fois sur Baker.
Il était bon tireur de la main gauche, même s’il n’était pas aussi doué qu’avec la droite. L’un des tirs manqua sa cible. Une vitre éclata quelque part, au-delà de la ruelle. Le deuxième tir retentissant (le Beretta de Stevens n’était pas équipé d’un silencieux) s’enfonça dans le front de Baker.
La tête du mercenaire partit en arrière et son corps suivit le mouvement.
Zéro ne demanda pas son reste et ne s’arrêta même pas pour reprendre son souffle. Il se mit à courir de nouveau, récupéra la clé USB au sol, puis partit au pas de course dans la direction opposée pour quitter la ruelle. Il la mit dans sa poche avec le couteau ensanglanté et il emporta aussi le Beretta de Stevens. Il y avait ses empreintes dessus.
Quelque part, retentit une alarme automobile. Les éclats de verre qu’il avait entendus devaient provenir d’une vitre de voiture. Il espéra que personne n’avait été blessé.
La poitrine du mercenaire massif se levait et s’abaissait. Il était encore en vie. Mais Zéro ne pouvait pas se payer le luxe de l’achever ou d’attendre qu’il trépasse. De plus, avec le coup de couteau à la gorge et les deux balles dans la poitrine, il serait mort dans quelques secondes.
Non loin de là, des gens se mirent à crier d’effroi tandis que Zéro sprintait pour atteindre le bout de l’allée, fourrant le flingue dans son pantalon en même temps. Il tourna à l’angle et regarda autour de lui avec un air confus, tentant d’arborer une mine aussi choquée que tous les autres passants.
Alors qu’il se dépêchait de quitter le secteur, il entendit le cri d’une femme qui venait certainement de découvrir les deux corps dans l’étroite ruelle, puis une forte voix masculine cria, “Que quelqu’un appelle le neuf-cent-onze !”
Ils devaient mourir. Il n’y avait pas d’autre solution. Il l’avait su dès l’instant où il avait accidentellement prononcé le nom de Baker et dévoilé ainsi son jeu. Il l’avait su quand il leur avait montré la clé USB récupérée à la banque.
Étrangement, il n’avait aucun remord. Il n’y avait pas de “et si ?” il aurait pu ou pas les dissuader de prendre la clé USB ou leur expliquer son point de vue. C’était eux ou lui et il avait décidé que ce ne serait pas lui. Ils avaient choisi leur camp et c’était le mauvais.
Toute la scène, du lancer de la clé USB jusqu’à sa fuite de la ruelle s’était déroulée en l’espace de quelques secondes. Mais il pouvait visualiser clairement chaque instant comme une vidéo en slow-motion dans son esprit. Le plus étrange avait été quand Baker avait tiré tout près de sa tête et que la balle avait atteint le mur en brique. Zéro ne s’était pas dit que la balle l’avait raté de peu et que Baker aurait bien pu le tuer. Il n’avait pas pensé à ses filles. Au lieu de ça, il avait été parfaitement conscient de la nature dichotomique de son esprit savant face à ses souvenirs redécouverts. Zéro était cool, calme et pensait, peut-être par orgueil, par expérience ou un mix entre les deux, qu’il avait encore le contrôle de la situation.
C’était une sensation bizarre. Et le pire, c’était à quel point c’était effrayant et excitant en même temps. Est-ce vraiment qui je suis ? Reid Lawson était-il un mensonge ? Ou ai-je vécu ma vie pendant deux ans avec seulement les parties les plus faibles de ma psyché ?
Zéro marcha à pas rapides jusqu’à l’immeuble suivant, traversa la rue en direction de la boutique du fleuriste, puis retourna directement à sa voiture. Il vit qu’une foule de voyeurs s’était rassemblée à l’angle de la ruelle, beaucoup choqués ou même en pleurs à la vue des deux corps morts.
Personne ne faisait attention à lui.
Il conduisait tranquillement en respectant les limitations de vitesse et en faisant bien attention de ne pas griller de stop ou de feu. La police était très certainement déjà en route et la CIA saurait dans un moment que des coups de feu avaient été tirés et que deux hommes avaient été abattus à quelques mètres de la banque où s’était rendu Zéro selon le rapport de la Division.
La question était de savoir ce qu’ils allaient faire ensuite. Il n’y avait rien sur la scène du crime qui pouvait réellement le lier à ça. Et la personne qui avait envoyé la Division à ses trousses, Riker présumait-il, ne pourrait pas l’admettre ouvertement. Toutefois, il avait besoin d’une aide, et plus grande que celle qu’il pouvait demander à ses amis agents. Ils étaient certainement surveillés eux aussi. Si la chasse était ouverte sur l’Agent Zéro, alors il allait avoir besoin d’alliés. Et des puissants.
Mais d’abord, il devait mettre ses filles en sécurité.
Dès qu’il se sentit à une distance sûre de la scène macabre dans la ruelle, il s’arrêta à l’arrière d’une station-service. Il balança le pistolet, le couteau et la clé du coffre-fort dans une benne à ordure à l’odeur infame, puis il retourna à la voiture et passa un appel. Il n’y eut que deux sonneries avant que Mitch réponde en marmonnant.
“J’ai besoin d’une extraction tout de suite, Mitch. Il faut qu’on se retrouve quelque part.”
“Meadow Field,” dit immédiatement le mécanicien. “Tu connais ?”
“Oui.” Meadow Field était un aéroport abandonné à environ trente kilomètres au sud. “J’y serai.”
CHAPITRE SIX
Maya écarta les stores vénitiens de la fenêtre près de la porte d’entrée pour la vingtième fois au moins depuis que leur père était parti. Dehors, la rue était vide. Des voitures passaient de temps en temps, mais elles ne ralentissaient pas, ni ne s’arrêtaient.
Elle était morte de trouille en se demandant dans quoi son père s’était fourré cette fois.
Juste par acquis de conscience, elle traversa l’entrée pour se rendre à la cuisine et vérifier une nouvelle fois le téléphone de son père. Il l’avait laissé à la maison, sur silencieux, mais l’écran montrait qu’il avait manqué trois appels depuis son départ.
Apparemment, Maria essayait désespérément de le joindre. Maya avait envie de la rappeler pour lui dire qu’il se passait un truc, mais elle se retint. Si son père avait voulu mettre Maria au courant, il l’aurait contactée directement.
Elle trouva Sara dans la même position qu’une demi-heure plus tôt, assise dans le canapé du salon avec les jambes repliées sous elle. Il y avait un sitcom à la TV, mais le volume était si bas qu’elle pouvait à peine l’entendre. De toute façon, elle ne le regardait pas vraiment.
Maya voyait bien que sa sœur souffrait en silence depuis qu’elles avaient été enlevées par Rais et les trafiquants slaves. Mais Sara ne voulait pas ouvrir son cœur et en parler.
“Hé, Pouêt-Pouêt, ça te dirait de manger un truc ?” demanda Maya. “Je pourrais faire du fromage grillé ? Avec des tomates. Et du bacon…” Elle se lécha les lèvres, espérant distraire sa petite sœur.
Mais Sara secoua à peine la tête. “Pas faim.”
“Ok. Tu veux qu’on parle de quelque chose ?”
“Non.”
Une vague de frustration la submergea, mais Maya n’en montra rien. Il fallait qu’elle soit patiente. Elle aussi était affectée par les événements qu’elles avaient vécus, mais sa réaction avait été la colère et le désir de se venger. Elle avait dit à son père qu’elle avait pour projet de devenir elle-même agent de la CIA et ce n’était pas seulement une provocation d’adolescente. Elle était très sérieuse à ce propos.
“Je suis là,” dit-elle à sa sœur, “si tu ressens le besoin de parler à n’importe quel moment. Tu le sais, pas vrai ?”
Sara leva les yeux vers elle. Un tout petit sourire passa sur ses lèvres… mais, ensuite, ses yeux s’écarquillèrent et elle se redressa soudain. “Tu as entendu ça ?”
Maya écouta attentivement. Elle l’avait entendu : le bruit d’un moteur puissant vrombir tout près. Puis il s’était brusquement arrêté.
“Reste ici.” Elle retourna en vitesse dans l’entrée et, une fois de plus, écarta les stores. Un SUV gris venait de se garer dans leur allée. Ses pulsations s’accélérèrent quand elle vit quatre hommes en sortir. Deux d’entre eux portaient des costumes, alors que les deux autres étaient tout en noir, avec des gilets pare-balles et des boots de combat.
Même à cette distance, Maya put voir l’insigne apposée sur leurs manches. Les deux hommes en noir faisaient partie de la même organisation qui avait tenté de les kidnapper en Suisse. Watson les avait appelés la Division.
Maya se précipita dans la cuisine en glissant sur ses chaussettes, et s’empara d’un couteau à viande sur le comptoir. Sara s’était levée du canapé et se hâta de la rejoindre.
“Descends.” Maya tendit le couteau à sa sœur par le manche. “Va dans la salle de crise. Je te rejoins.”
La sonnette de porte tinta.
“Ne réponds pas,” supplia Sara. “Viens avec moi.”
“Je ne compte pas ouvrir la porte,” lui assura Maya. “Je veux juste savoir ce qu’ils veulent. Vas-y et ferme la porte. Ne m’attends pas.”
Sara prit le couteau et descendit rapidement les marches menant au sous-sol. Maya se faufila sans bruit jusqu’à la porte d’entrée et regarda à travers le judas. Les deux hommes en costume se trouvaient juste devant.
Où sont allés les deux autres ? se demanda-t-elle. Sûrement à la porte de derrière.
Maya sursauta légèrement, alors que l’un des deux hommes frappait soudain à la porte. Puis, il se mit à parler d’une voix assez forte pour qu’on l’entende à l’intérieur. “Maya Lawson ?” Il leva un badge d’identification dans un étui en cuir, alors qu’elle regardait par le judas. “Agent Coulter, FBI. Nous avons quelques questions à vous poser sur votre père.”
Son esprit tournait à cent à l’heure. Une chose était sûre : elle ne comptait pas leur ouvrir la porte. Mais allaient-ils essayer de l’enfoncer ? Devait-elle dire quelque chose ou faire semblant qu’il n’y avait personne à la maison ?
“Mademoiselle Lawson ?” répéta l’agent. “Nous préférerions vraiment ne pas avoir à employer la manière forte.”
De longues ombres dansèrent au sol de l’entrée dans le soleil couchant. Elle leva rapidement les yeux et vit deux formes passer devant la porte arrière, une porte vitrée coulissante qui donnait sur une petite plateforme et un patio. C’étaient les deux autres hommes, ceux de la Division, qui faisaient le tour par derrière.
“Mademoiselle Lawson,” reprit le type. “C’est mon dernier avertissement. Veuillez ouvrir la porte.”
Maya prit une profonde inspiration. “Mon père n’est pas là,” dit-elle d’une voix forte. “Et je suis mineure. Vous allez devoir revenir une autre fois.”
Elle regarda à nouveau dans le judas et vit l’agent du FBI sourire. “Mademoiselle Lawson, je crois que vous mésestimez la situation.” Il se tourna vers son acolyte, un homme plus grand et plus massif. “Enfonce-la.”
Maya eut le souffle coupé et recula de plusieurs pas. Le montant craqua et des éclats de bois volèrent dans les airs, tandis que la porte s’ouvrait.
Les deux agents avancèrent d’un pas dans l’entrée. Maya était scotchée sur place. Elle se demanda si elle arriverait à temps dans la salle de crise en se mettant à courir maintenant vers le sous-sol. Mais si Sara avait fait ce que lui demandait Maya et qu’elle avait verrouillé la porte, elles ne parviendraient jamais à la refermer à temps avant que les agents ne la rattrapent.
Elle devait avoir jeté un coup d’œil vers le sous-sol, car l’agent le plus proche d’elle esquissa un sourire. “Et si tu te contentais de rester ici, jeune demoiselle ?” L’agent qui venait de parler avait les cheveux blonds et un visage qui aurait pu lui sembler amical et agréable s’ils ne venaient pas juste d’enfoncer la porte. Il mit ses deux mains vides en l’air. “Nous ne sommes pas armés. Nous ne voulons pas te faire de mal, ni à ta sœur.”
“Je ne vous crois pas,” répondit Maya. Elle jeta une demi-seconde un œil par-dessus son épaule et vit que les ombres des deux hommes en noir se trouvaient toujours dehors, sur la plateforme.
WHOOP ! WHOOP ! WHOOP ! Une sirène retentit soudain dans la maison, un klaxon assourdissant qui les fit tous trois regarder autour d’eux avec stupéfaction. Il fallut un moment à Maya pour réaliser qu’il s’agissait de leur système d’alarme qui s’était activé quand ils avaient enfoncé la porte et mis en route au bout de soixante secondes, comme prévu, puisque le code n’avait pas été saisi.
La police, pensa-t-elle avec espoir. La police va venir.
“Éteins ça !” lui cria l’agent. Mais elle ne bougea pas.
Puis, du verre se brisa derrière elle. Maya sursauta et se retourna instinctivement à ce bruit, alors que la porte coulissante du patio explosait vers l’intérieur. L’un des hommes en noir passa à travers.
Elle n’eut pas le temps de réfléchir, mais un souvenir lui traversa l’esprit en un instant : l’hôtel à Engelberg, en Suisse. Le type de la Division se faisant passer pour un membre de la CIA, enfonçant la porte pour l’attaquer.
Maya se retourna à nouveau vers les agents du FBI. L’un d’entre eux se tenait près le panneau de l’alarme, mais il était face à elle tandis que l’alarme continuait son vacarme. Les yeux de l’autre agent, celui qui était charmant, étaient ahuris et il levait légèrement les mains en l’air. Sa bouche bougeait, mais ses mots étaient noyés par les cris de l’alarme.
De gros bras l’attrapèrent par derrière et elle se mit à hurler. Elle se débattit contre son assaillant, mais il était fort. Elle sentit une haleine aigre, alors que les bras du type l’enveloppaient étroitement pour l’immobiliser.
Il la souleva en l’air et la maintint ainsi, les jambes dans le vide et les bras forcés à se soulever dans une position douloureuse. Elle n’était pas assez forte pour le combattre.
Relax, lui intima son cerveau. Ne lutte pas. Elle avait pris des cours d’auto-défense à l’université avec un ancien Marine qui l’avait placée exactement dans cette situation : un assaillant plus grand et plus lourd qui l’attrape par derrière.
Maya baissa le menton, qui toucha presque sa clavicule.
Ensuite, elle balança sa tête en arrière aussi fort qu’elle put.
Le type de la Division qui la tenait cria de douleur, tandis que l’arrière de son crâne venait de toucher son nez. Il desserra son emprise et ses pieds touchèrent terre à nouveau. Dès que ce fut le cas, elle fit pivoter son corps, puis baissa la tête pour s’extraire de ses bras et se mettre accroupie.
Elle ne pesait que quarante-huit kilos. Mais tandis qu’elle tombait, le bras de l’homme était toujours autour de son coude et fut soudain plus lourd de quarante-huit kilos, d’autant que son équilibre avait été mis à mal par le coup reçu au visage.
Il tituba et s’écroula sur le carrelage de l’entrée. Maya sauta en arrière hors de portée pendant qu’il tombait. Elle jeta un œil par-dessus son épaule et vit le deuxième membre de la Division debout dans l’encadrement de la porte cassée, apparemment hésitant à agir maintenant qu’elle avait mis son copain à terre.
Elle n’était pas loin de la porte du sous-sol. Elle pouvait tenter de courir se mettre à l’abri dans la salle de crise jusqu’à l’arrivée de la police…
Le mercenaire dans l’encadrement de la porte chercha quelque chose dans son dos et sortit un pistolet noir. Maya eut le souffle coupé en le voyant.
CRACK ! Même avec l’alarme retentissante, ils entendirent le bruit sec tous les deux. Maya et le mercenaire se retournèrent à nouveau.
L’agent du FBI qui avait enfoncé la porte, celui qui était le plus près du panneau de l’alarme, avait la tête coincée dans la cloison de l’entrée. Son corps pendait mollement.
Une silhouette s’élança et balança à nouveau le démonte-pneu qui lui servait d’arme, mettant une puissante baffe sur la mâchoire du deuxième agent Le bruit fit grincer Maya des dents et l’agent s’effondra comme une nouille molle.
Alors que le mercenaire de la Division levait son arme vers la nouvelle menace, le type bourru recula et lança le démonte-pneu dans les airs. Il tournoya et passa à moins d’un mètre de Maya, avant d’atterrir puissamment contre le front du mercenaire. Il émit à peine un son avant que son corps ne tombe en arrière à travers la porte cassée.
Le grand homme portait une casquette de camionneur sur une barbe touffue. Il avait de brillants yeux bleus. Il lui fit un signe de tête et désigna du doigt le panneau de l’alarme.
Maya avait les jambes qui flageolaient quand elle se précipita pour saisir le code. L’alarme finit enfin par s’arrêter.
“Mitch ?” dit-elle dans un souffle.
“Mmh,” marmonna le type. Au sol de l’entrée, le membre de la Division que Maya avait fait tomber tentait de se relever en tenant son nez ensanglanté. “Je m’occupe de lui. Appelle le neuf-cent-onze et dis-leur qu’il n’y a pas de problème.”
Maya fit ce qu’il demandait. Elle se rua vers la cuisine, récupéra le téléphone mobile de son père et composa le 911. Elle vit Mitch le mécanicien marcher jusqu’au mercenaire de la Division et lever un boots marron.
Elle détourna le regard avant qu’il ne l’écrase contre le visage de l’homme.
“Neuf-cent-onze, quelle est l’urgence ?”
“Je m’appelle Maya Lawson. J’habite au 814 Spruce Street à Alexandria. Notre système d’alarme s’est déclenché par accident. J’ai laissé la porte ouverte. Il n’y a pas d’urgence.”
“Je vous demande un moment, Mademoiselle Lawson.” Elle entendit le claquement d’un clavier pendant un moment, puis le standardiste lui dit, “Une patrouille est en route et sera là d’ici trois minutes. Même si vous dites qu’il n’y a pas d’urgence, nous aimerions quand même que quelqu’un vienne s’assurer que tout va bien. C’est le protocole.”
“Tout va bien, vraiment.” Elle leva les yeux vers Mitch d’un air désespéré. Il ne fallait pas qu’un flic se pointe, alors qu’il y avait quatre corps dans la maison. Elle ne savait même pas s’ils étaient morts ou juste inconscients.
“Quand bien même, Mademoiselle Lawson, un officier va venir vérifier. S’il n’y a pas d’urgence, alors ça ne pose aucun problème.”
Mitch fouilla dans une poche de son jean taché d’huile et en sortit un téléphone à rabat qui devait bien avoir quinze ans. Il composa un numéro, puis marmonna quelque chose à voix basse dans l’appareil.
“Euh…” Le réceptionniste hésita. “Mademoiselle Lawson, vous êtes sûre qu’il n’y a pas d’urgence ?”
“J’en suis sûre, oui.”
“Très bien, passez une bonne journée.” Le réceptionniste raccrocha abruptement. Au-delà de la porte vitrée brisée, Maya entendit soudain des sirènes retentir à distance… s’estompant rapidement.
“Qu’est-ce que vous avez fait ?” demanda-t-elle à Mitch.
“J’ai appelé pour simuler une urgence plus grave.”
“Est-ce qu’ils sont… vivants ?”
Mitch regarda autour de lui et haussa les épaules. “Pas lui,” grommela-t-il en montrant l’agent avec la tête dans le mur. Maya eut l’estomac retourné en constatant qu’un mince filet de sang courait le long du mur là où était coincée la tête de l’agent.
Combien de gens vont mourir dans cette maison ? ne put-elle s’empêcher de se demander.
“Va chercher ta sœur et récupère vos téléphones. On s’en va.” Mitch enjamba le corps du mercenaire de la Division pour rejoindre son acolyte. Il attrapa le type par les chevilles et le traîna dans la maison, puis récupéra le pistolet noir.




