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Luke repensa au jeune Abraham Lincoln quand il était devenu Président, un homme tellement énergique et puissant qu’il était connu pour ses tours de force. Quatre ans plus tard, juste avant qu’il soit assassiné, le stress de la Guerre de Sécession l’avait transformé en un vieil homme affaibli et ratatiné.
Susan était toujours belle, mais de manière différente. Elle avait presque l’air usée. Il se demanda ce qu’elle devait en penser, et si elle l’avait même remarqué. Mais il sut tout de suite la réponse à cette question – bien sûr, qu’elle l’avait remarqué. C’était une ancienne mannequin. Elle remarquait probablement le moindre changement dans son apparence. Pour la première fois, il remarqua la robe qu’elle portait. Elle était bleu foncé, très élégante, et elle épousait parfaitement les formes de son corps.
« Très jolie robe, » dit-il.
Elle montra sa robe d’un air nonchalant. « Ce vieux truc ? C’est juste quelque chose que j’ai enfilé à la hâte. Vous savez qu’il y avait une cérémonie aujourd’hui, n’est-ce pas ? »
Luke hocha la tête. Il savait. « C’est vraiment impressionnant, » dit-il. « La manière dont ils ont tout reconstitué à l’identique. »
« Personnellement, je trouve ça un peu glauque, » dit Susan. Elle regarda autour d’elle. « J’ai vécu à l’Observatoire naval pendant cinq ans. J’adorais cette maison. Ça ne m’aurait pas dérangé d’y vivre jusqu’à la fin de ma vie. En revanche, il va me falloir un peu de temps avant de m’habituer à celle-ci. »
Le silence s’installa entre eux. Luke était uniquement venu pour lui présenter ses respects. Dans une minute, il allait lui demander une voiture, ou mieux encore, un hélicoptère, pour l’emmener jusqu’à la côte.
« Alors qu’est-ce que vous en pensez ? » demanda-t-elle.
« Qu’est-ce que je pense ? À quel sujet ? »
« Au sujet de la réunion qu’on vient d’avoir. »
Luke bâilla. Il était fatigué. « Je ne sais pas quoi penser. Est-ce qu’on a des armes nucléaires en Europe ? Oui. Est-ce qu’elles sont vulnérables ? Apparemment, on dirait qu’elles pourraient être mieux protégées qu’elles le sont. Au-delà de ça… »
Il s’arrêta de parler.
« Est-ce que vous irez là-bas ? » demanda-t-elle.
Luke faillit se mettre à rire. « Vous n’avez pas besoin de moi en Belgique, Susan. Il vous suffit d’accroître le niveau de sécurité à la base aérienne, d’y placer des Américains avec de préférence des armes chargées. Ça devrait suffire. »
Susan secoua la tête. « Si c’est une menace crédible, il faut qu’on s’attaque directement à la source. Écoutez, ça fait bien trop longtemps qu’on fait du pied aux Belges. Il y a eu bien trop d’attaques venant de Bruxelles, et je veux démanteler ces réseaux. C’est inadmissible qu’après les attaques de Paris, ils n’aient pas entièrement bouclé Molenbeek. Parfois je me demande de quel côté ils sont. »
Luke leva les mains en l’air. « Susan… »
« Luke, » dit-elle. « J’ai besoin de vous sur cette affaire. Il y a quelque chose qui n’a pas été mentionné lors de la réunion, et qui rend la situation bien plus urgente que vous le pensez. Kurt est au courant, moi aussi, mais personne d’autre. »
« Qu’est-ce que c’est ? »
Elle hésita. « Luke… »
« Susan, vous m’avez appelé hier et vous m’avez demandé de prendre un avion pour le Colorado. Ce que j’ai fait. Et maintenant, vous voulez que j’aille en Belgique. Vous dites que c’est important mais vous ne voulez pas me dire pourquoi. Vous savez que ma femme a un cancer ? Je vous le dis pour que vous sachiez exactement ce que vous êtes occupée à me demander. »
Pendant une fraction de seconde, il pensa qu’il allait lui en dire plus, peut-être même tout lui dire. Que son couple avait éclaté. Que sa femme venait d’une famille riche, mais que Luke ne voulait pas d’argent de sa part. Il voulait juste voir son fils de manière régulière et Becca le menaçait de lui retirer ce droit. Elle s’était préparée à lutter pour avoir la garde de Gunner et maintenant, elle avait soudain un cancer. Elle allait probablement mourir. Et elle voulait quand même continuer à se battre. Toute cette histoire avait pris Luke par surprise. Il ne savait pas quoi faire. Il se sentait complètement perdu.
« Luke, je suis vraiment désolée. »
« Merci. C’est dur. On a eu beaucoup de problèmes entre nous, et maintenant… ça. »
Elle le regarda droit dans les yeux. « Si ça peut vous consoler, je veux que vous sachiez que je comprends très bien. Mes parents sont morts quand j’étais jeune. Mon mari a visiblement déserté notre mariage et s’est reclus de son côté. Je ne lui en veux même pas. C’est normal qu’il n’ait pas envie de continuer à supporter toutes ces attaques. Mais il a emmené nos filles avec lui. Je sais ce que ça fait d’être seule – j’imagine que c’est ce que j’essaye de vous dire. »
Luke fut surpris qu’elle se confie comme ça à lui. Il réalisa combien elle lui faisait confiance et ça lui donna encore plus envie de l’aider.
« OK, » dit Luke. « Alors dites-moi pourquoi c’est si important. »
« Il y a eu une fuite de données au Ministère de l’énergie. Personne n’en connaît encore l’étendue, si c’était un accident ou si c’était planifié. Personne ne sait rien. Beaucoup d’informations ont tout simplement disparu, y compris des milliers d’anciens codes nucléaires. Personne ne sait même dire si c’est vraiment grave – s’ils fonctionnent encore. Ça va prendre du temps pour mettre de l’ordre dans tout ça, mais en attendant, il est hors de question qu’on égare une arme nucléaire. »
Il s’enfonça dans son siège. Il allait y aller. Avec un peu de chance, il lui suffirait de mettre la pression sur quelques personnes, d’accroître les protocoles de sécurité et il serait de retour dans deux jours. Il vit mentalement Gunner jouer au basket dans la cour arrière.
Tout seul.
« OK, » dit Luke. « Mais j’ai besoin de mon équipe. Ed Newsam, Mark Swann. Et il me manque un membre. J’ai besoin d’un officier des renseignements pour remplacer Trudy Wellington. Quelqu’un de bon. »
Susan hocha la tête et lui décocha un sourire de gratitude.
« Je m’en occupe. »
CHAPITRE HUIT
17h15 (Heure d’été de l’Est)
Le ciel au-dessus de l’océan Atlantique
« Vous êtes prêts à l’action, les enfants ? »
Le Learjet à six places fonçait à travers le ciel, en direction du Nord-est. L’avion était bleu foncé, avec le sceau des services secrets sur le côté. Derrière eux, le soleil commençait à se coucher. Luke regarda par le hublot, en direction de l’Est. Il faisait déjà noir devant eux – c’était l’automne et les jours raccourcissaient. En-dessous d’eux, le vaste océan s’étendait à l’infini.
Luke avait utilisé sa phrase habituelle de motivation, mais il l’avait fait de manière machinale. Il n’y avait pas mis beaucoup de cœur. Il était éveillé depuis trop longtemps et il avait trop de poids sur ses épaules. Et en plus de ça, il avait accepté un boulot qu’il n’avait probablement pas besoin de faire.
Avec son équipe, il utilisait les quatre sièges passagers à l’avant en tant que zone de réunion. Ils avaient empilé leurs bagages et leur équipement sur les sièges à l’arrière.
Dans le siège qui se trouvait de l’autre côté de l’allée, était assis Ed Newsam. Il portait un pantalon kaki, un t-shirt à longues manches et une veste légère. Il avait mis ses lunettes de soleil, pour se protéger des rayons qui passaient par le hublot. Quand il était détendu, comme il l’était à l’instant présent, toute la tension musculaire disparaissait de son corps hyper athlétique et musclé. Ed était spécialiste en armement et en tactique, et Luke avait rarement rencontré un homme plus qualifié que lui – il était en lui-même une arme des plus dévastatrices.
En face de lui, se trouvait Mark Swann. Il était grand et fin, avec de longs cheveux châtain clair attachés en queue de cheval, et d’élégantes lunettes rectangulaires noires Calvin Klein. Il avait étendu ses jambes dans l’allée. Il portait un vieux jean délavé et une paire de bottines noires de combat Doc Marten. Le choix de ces bottines fit sourire Luke – Mark n’avait jamais vécu une seule seconde de combat dans sa vie. Swann était spécialiste en systèmes informatiques – c’était un ancien hacker qui avait été arrêté et engagé par le gouvernement pour éviter une longue peine de prison.
Swann et Newsam étaient rentrés du Grand Canyon quelques jours plus tôt – ils trouvaient que ce n’était pas la même chose sans Luke et Gunner.
« Surveiller quelques ogives nucléaires obsolètes ? » dit Swann. « Je suppose que je suis prêt pour ça. »
« Pire, » dit Luke. « On va garder un œil sur des Belges, qui sont chargés de surveiller quelques ogives nucléaires obsolètes. »
« Tu penses vraiment que c’est tout ? » dit Ed.
Luke secoua la tête. « Non. Je pense que c’est trompeur. Il va falloir qu’on garde les yeux bien ouverts et qu’on reste… »
« Très vigilants, » dit Swann.
Ils jouaient chacun leur rôle et c’était très bien comme ça. Swann et Newsam avaient évité de mentionner le sujet du cancer de Becca. Plutôt qu’offrir leur sympathie quand ils étaient montés à bord, ils s’étaient contentés de ne rien dire et Luke comprenait très bien. C’était un sujet difficile à aborder.
Juste en face de Luke, était assis le membre le plus récent de l’équipe – enfin, pour être tout à fait exact, elle n’était pas encore vraiment un membre à part entière. C’était la première fois qu’elle travaillait avec eux. Les services secrets l’avaient empruntée au FBI sur recommandation de ses supérieurs. Elle avait à peine prononcé un mot depuis qu’ils étaient montés dans l’avion. Luke tourna maintenant son attention vers elle.
Il avait vu son dossier. Elle s’appelait Mika Dolan. Elle était née en Chine mais ses parents l’avaient donnée en adoption car ils voulaient un fils. Elle avait été adoptée par un couple de hippies vieillissants, qui s’étaient rendu compte tard dans leur vie qu’ils avaient envie d’avoir un enfant. Elle a d’abord grandi sur la côte Ouest, dans le Nord de la Californie, puis dans le comté de Marin, à côté de San Francisco. Elle était jeune – probablement trop jeune. Vingt et un ans et ça faisait déjà un an qu’elle était sortie de MIT, avec un dix-huit de moyenne. Elle avait obtenu son diplôme avec grande distinction. Elle avait un QI de 169. C’était un petit génie.
Ses hobbies ? Elle aimait le surf. Ça, ça impressionnait plutôt Luke – car c’était une femme toute menue, avec de grandes lunettes rondes. Elle avait l’air de sortir à peine de chez elle, alors de là à l’imaginer sur les flots… Mais apparemment, son père adorait surfer sur la côte pacifique et il avait mis sa fille sur une planche dès l’âge de trois ans.
Mika était spécialiste des renseignements et elle entamait sa deuxième année au FBI. Mais quels que soient ses dons naturels, la barre avait été mise très haut. Trudy Wellington était beaucoup de choses – émotionnelle, mystérieuse et légèrement redoutable, entre autres – mais en moins de dix ans, elle avait développé de très vastes réseaux d’informations qui lui permettaient d’accéder à des données inaccessibles à la majorité, et elle était extrêmement douée pour imaginer des scénarios. Trudy venait de MIT, tout comme Mika. Luke se dit que c’était probablement pour ça qu’on la lui avait assignée.
« Eh bien, Mika ? » dit Luke. « Est-ce que tu veux commencer ? »
« OK, » dit-elle, en ayant des difficultés à le regarder dans les yeux. Elle prit la tablette qui était posée sur le siège à côté d’elle. « Je suis un peu nerveuse. Peut-être que vous n’êtes pas au courant, mais vous êtes de vraies légendes au bureau. »
« Ah oui ? » dit Ed Newsam, apparemment ravi. « Et qu’est-ce qu’ils disent à notre sujet ? »
Mika sourit. « On m’a dit que vous étiez de vrais cowboys. Et on m’a dit d’essayer de ne pas me faire tuer pendant que je suis avec vous. »
Ed secoua la tête. « Ils te taquinaient. Tous ceux qui nous accompagnent ne se font pas tuer, tu sais. »
« Seulement quatre sur dix, » dit Swann. « Les autres survivent, bien que beaucoup d’entre eux soient estropiés à vie. Mais tu n’as pas à t’en faire. Le FBI offre beaucoup d’indemnités dans ce genre de cas. »
Luke sourit, mais ne se joignit pas à eux. Mika était très jolie et ils flirtaient un peu avec elle. Il allait les laisser faire encore un petit peu. C’était un bon moyen de briser la glace et de la mettre un peu plus à l’aise.
Puis Luke n’était pas non plus au meilleur de sa forme. Il était assez mélancolique. Même s’il avait eu envie de plaisanter avec eux, il n’aurait pas eu le cœur à ça. Il avait appelé Becca avant de partir et la conversation ne s’était pas bien passée. Il lui avait dit qu’il partait en mission.
« Où est-ce que tu vas ? » lui avait-elle demandé.
« En Belgique. Juste à côté de Bruxelles. Il y a certaines craintes concernant des armes nucléaires stockées là-bas, sur une base aérienne de l’OTAN. Une cellule terroriste va apparemment… »
« Alors tu vas tout simplement y aller ? » dit-elle.
« Je serai parti deux ou trois jours. Je vais juste vérifier les mesures de sécurité mises en place, effectuer certaines améliorations si nécessaire, puis aller à Bruxelles pour interroger quelques personnes qui pourraient avoir des informations utiles. »
« Tu veux dire, les torturer ? »
« Becca, je… »
« Il y a un agent des services secrets dans mon salon, Luke. Il est apparu sur le seuil de ma porte cet après-midi. Un autre agent est allé chercher Gunner à l’école. Apparemment, il est entré dans la classe avant que les enfants soient sortis. »
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