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« Oui, monsieur. Je comprends. »
Lee lui sourit. « Je suis sûr que tu comprends, » dit-il. « Il faut que je te dise qu’à seulement la moitié de ton programme d’entraînement, je suis déjà ravi par tes progrès. Tu feras un excellent agent. Beau boulot. »
« Merci, monsieur, » dit-elle.
Lee prit congé et s’éloigna. Il entama une conversation avec un autre instructeur présent dans l’édifice. Alors que le bâtiment commençait à se vider, Harry s’approcha d’elle, en faisant encore un peu la grimace.
« Beau boulot, » dit-il. « C’est beaucoup moins douloureux quand celle qui sort vainqueur est exceptionnellement jolie. »
Elle leva les yeux au ciel et rengaina son Glock. « La flatterie est inutile, » dit-elle, « Tu sais ce qu’on dit, la flatterie ne mène nulle part. »
« Je sais, » dit Harry. « Mais ça vaut peut-être bien un verre ? »
Elle lui décocha un large sourire. « Si tu l’offres. »
« Oui, c’est ma tournée, » acquiesça-t-il. « Je ne voudrais pas que tu me bottes les fesses. »
Ils sortirent de l’édifice et marchèrent sous la pluie. Maintenant que l’exercice était terminé, la pluie était presqu’agréable. Et avec les nombreux instructeurs et agents parcourant le terrain pour terminer la soirée, elle se sentit enfin fière d’elle.
Ça faisait onze semaines qu’elle avait été admise et elle avait déjà terminé la majorité des cours théoriques de l’académie. Elle y était presque… à seulement neuf semaines avant la fin du programme et la possibilité de devenir agent de terrain pour le FBI.
Elle se demanda soudain pourquoi elle avait attendu aussi longtemps pour quitter le Nebraska. Quand Ellington l’avait recommandée à l’académie, ça avait été une opportunité en or, le coup de pouce dont elle avait besoin pour tester ses capacités, pour se détacher de ce qui était confortable et rassurant. Elle s’était débarrassée de son boulot, de son petit ami, de son appartement… et elle avait commencé une nouvelle vie.
Elle pensa aux grandes étendues de terrain, aux champs de maïs et au ciel bleu qu’elle avait laissés derrière elle. Bien qu’ils possèdent leur propre beauté, ils avaient également été, d’une certaine manière, une prison pour elle.
Tout ça était derrière elle maintenant.
Maintenant qu’elle était libre, il n’y avait rien qui puisse la retenir.
*
Le reste de sa journée fut rempli d’exercices physiques : des pompes, des sprints, des abdos, encore des sprints et des haltères. Durant ses premiers jours à l’académie, elle avait détesté ce type d’entraînement. Mais au fur et à mesure que son corps et son esprit s’y étaient habitués, elle avait l’impression que son corps commençait à les réclamer.
Tout l’entraînement s’effectua avec rapidité et précision. Elle effectua cinquante pompes si vite qu’elle ne se rendit compte de la brûlure dans ses épaules qu’après les avoir terminées et au moment de se diriger vers la course d’obstacles. Pour toutes les activités physiques, elle partait avec un état d’esprit où elle considérait ne pas atteindre ses limites jusqu’à ce que ses bras et ses jambes se mettent à trembler ou que ses abdos ressemblent à des plaques d’acier.
Ils étaient soixante stagiaires dans son unité et il n’y avait que neuf femmes. Ça ne la dérangeait pas, probablement car son expérience au Nebraska l’avait endurcie au point qu’elle ne se préoccupait plus vraiment du sexe des gens avec qui elle travaillait. Elle se tenait tranquille et travaillait au maximum de ses capacités qui, et elle n’en était pas peu fière, étaient assez exceptionnelles.
Quand l’instructeur annonça la fin de l’entraînement après son dernier parcours – une course de trois kilomètres à travers bois et sentiers boueux – les stagiaires s’éparpillèrent, allant chacun de leur côté. Mackenzie, par contre, s’assit sur l’un des bancs le long du circuit et étira ses jambes. N’ayant pas grand-chose d’autre à faire durant la journée et encore sous le coup de son épisode victorieux dans la ruelle Hogan, elle envisageait de faire un dernier jogging.
Bien qu’elle déteste l’admettre, elle était devenue l’une de ces personnes qui adorait courir. Elle n’envisageait pas non plus de s’inscrire à un marathon de sitôt, mais elle avait appris à apprécier l’exercice. En dehors des tours de pistes et des circuits qui faisaient partie intégrante de son entraînement, elle trouvait encore l’occasion d’aller faire des joggings le long des sentiers boisés du campus, situé à neuf kilomètres des bureaux du FBI et, par conséquent, à environ treize kilomètres de son nouvel appartement à Quantico.
Son débardeur de sport trempé de sueur et les joues en feu, elle termina sa journée avec un dernier sprint autour de la course d’obstacles, en omettant les collines, les troncs d’arbre et les filets. Pendant qu’elle courait, elle remarqua que deux hommes la regardaient – pas comme dans une sorte de rêve lubrique éveillé mais avec une certaine admiration qui l’encouragea à continuer.
En fait, pour dire vrai, quelques regards lubriques de temps à autre ne l’auraient pas dérangée. Ce corps d’athlète qu’elle s’était forgé à force de travail intense méritait d’être apprécié. Ça faisait bizarre de se sentir autant à l’aise dans son propre corps, mais elle commençait à aimer cette sensation. Elle savait qu’Harry Dougan l’appréciait aussi. Mais pour l’instant, il n’avait encore rien dit. Et même s’il finissait par dire quelque chose, Mackenzie n’était pas vraiment sûre de ce qu’elle dirait en retour.
Lorsqu’elle eut terminé son dernier jogging (environ trois kilomètres), elle se doucha dans les vestiaires et attrapa un paquet de crackers dans le distributeur en sortant. Elle avait le reste de la journée devant elle ; quatre heures pour faire ce qu’elle avait envie avant de faire un dernier entraînement sur le tapis roulant de la salle de fitness – une routine qu’elle avait fini par adopter histoire d’avoir une longueur d’avance sur tous les autres.
Elle se demanda ce qu’elle allait faire du reste de la journée. Peut-être qu’elle pourrait enfin terminer de déballer ses affaires. Il y avait encore six caisses dans son appartement qu’elle n’avait pas encore ouvertes. Ce serait une bonne chose de faite. Mais elle se demanda aussi ce qu’Harry allait faire ce soir et si la proposition d’aller boire un verre tenait toujours. Est-ce qu’il avait voulu dire ce soir, ou un autre soir ?
Et, au-delà de ça, elle se demanda ce que l’agent Ellington faisait.
Elle n’avait rencontré Ellington que quelques fois et ça s’était toujours bien passé – et c’était pour le mieux, du point de vue de Mackenzie. Elle n’aurait aucun problème à passer le reste de sa vie sans jamais devoir se rappeler le moment de gêne qu’ils avaient eu au Nebraska.
En réfléchissant à ce qu’elle allait faire du reste de son après-midi, elle se dirigea vers sa voiture. Au moment où elle inséra la clé dans la portière, elle vit une silhouette familière occupée à faire son jogging. Il s’agissait de l’une des stagiaires de son unité, Colby Stinson. Cette dernière lui sourit et se dirigea vers elle en courant avec une énergie qui trahissait qu’elle n’était qu’au début de son entraînement et non pas à la fin.
« Salut, » dit Colby. « Les autres sont partis sans toi ? »
« Je suis restée pour un petit jogging extra. »
« Bien sûr, c’est tout à fait toi. »
« Qu’est-ce que tu veux dire par là ? » demanda Mackenzie. Elles se connaissaient assez bien mais elles ne se considéraient pas non plus comme des amies. Mackenzie n’était jamais sûre si Colby essayait juste d’être amusante ou si elle essayait de la faire mousser.
« Je veux dire par là que tu es super motivée et un peu du style à en faire beaucoup, » dit Colby.
« C’est vrai. »
« Alors, qu’est-ce que tu as de prévu ? » demanda Colby. Elle montra du doigt le paquet de crackers que Mackenzie avait en main. « C’est ton déjeuner ? »
« Oui, » dit-elle. « Un peu triste, hein ? »
« Oui, un peu. On pourrait aller manger un bout ? Ça te dit une pizza ? »
L’idée d’une pizza plaisait aussi à Mackenzie. Mais en même temps, elle n’avait pas spécialement envie de supporter les bavardages d’une femme qui avait tendance à aimer les commérages. Cependant, elle savait aussi qu’il était temps qu’elle remplisse sa vie avec d’autres choses que l’entraînement, toujours plus d’entraînement, et d’arrêter de se terrer dans son appartement.
« OK, bonne idée, » dit Mackenzie.
C’était une petite victoire – sortir de sa zone de confort et essayer de se faire des amis dans ce nouvel endroit, dans ce nouveau chapitre de sa vie. Mais à chaque pas en avant, une page se tournait et elle avait franchement très envie de commencer à en écrire les lignes.
*
La pizzeria Donnie n’était qu’à moitié remplie lorsque Mackenzie et Colby y arrivèrent dans l’après-midi vu que le rush du déjeuner était passé. Elles s’assirent à une table à l’arrière de la salle et commandèrent une pizza. Mackenzie commençait à se relaxer et à relâcher ses bras et ses jambes endoloris mais elle n’eut pas l’occasion d’en profiter très longtemps.
Colby se pencha en avant et soupira. « Est-ce qu’on peut parler du sujet tabou ? »
« Il y a un sujet tabou ? » demanda Mackenzie.
« Oui, de fait, » dit Colby. « Bien qu’il essaie de passer inaperçu et de se fondre dans la masse. »
« OK, » dit Mackenzie. « Alors explique-moi ce que tu veux dire et pourquoi tu as attendu aussi longtemps avant d’en parler. »
« C’est quelque chose dont je ne t’ai jamais parlé mais le premier jour où tu es arrivée à l’académie, je savais qui tu étais. En fait, tout le monde le savait. Il y a eu beaucoup de rumeurs. Et c’est pourquoi j’ai attendu jusqu’à maintenant pour t’en parler. Vu que ça touche maintenant à sa fin, je ne pense pas que ça puisse avoir un quelconque impact. »
« Quelles rumeurs ? » demanda Mackenzie, tout en étant déjà assez sûre de savoir où cette conversation allait mener.
« Et bien, les parties importantes concernent le tueur épouvantail et la modeste jeune femme qui est parvenue à l’attraper. Une jeune femme tellement douée dans son boulot de détective au Nebraska que le FBI a fait appel à elle. »
« C’est une version assez magnifiée des faits, mais oui… je vois ce que tu veux dire. Mais tu as parlé de parties importantes. C’est qu’il y a d’autres parties ? »
Colby eut soudain l’air mal à l’aise. Elle glissa nerveusement une mèche de ses cheveux bruns derrière l’oreille. « Et bien, il y a aussi des rumeurs. J’ai entendu qu’un agent avait joué un rôle important dans le fait de te faire admettre à l’académie. Et bien… dans un environnement majoritairement dominé par des hommes, tu peux imaginer le genre de rumeurs qui courent. »
Mackenzie leva les yeux au ciel, se sentant mal à l’aise. Elle n’avait jamais cessé de se demander quel genre de rumeurs pouvait circuler concernant sa relation avec Ellington, l’agent qui avait de fait joué un grand rôle dans l’opportunité qu’elle avait eue de tenter sa chance au Bureau.
« Désolée, » dit Colby. « Tu aurais préféré que je ne te dise rien ? »
Mackenzie haussa les épaules. « Non, ne t’en fais pas. J’imagine que nous avons tous nos histoires. »
Sentant qu’elle en avait peut-être dit de trop, Colby baissa les yeux vers la table et se mit à siroter nerveusement son soda. « Désolée, » dit-elle doucement. « Je pensais qu’il fallait que tu sois au courant. Tu es la première vraie amie que j’ai ici et je voulais être aussi franche que possible. »
« Pareil pour moi, » dit Mackenzie.
« Alors, tu ne m’en veux pas ? » demanda Colby.
« Non, Mais si on changeait de sujet maintenant ? »
« Oh, ça, ça va être facile, » dit Colby. « Raconte-moi, qu’est-ce qu’il y a entre toi et Harry ? »
« Harry Dougan ? » demanda Mackenzie.
« Oui, ce futur agent qui te déshabille du regard à chaque fois que vous êtes ensemble dans la même pièce. »
« Il n’y a rien à raconter, » dit Mackenzie.
Colby sourit et leva les yeux au ciel. « Si tu le dis… »
« Non, vraiment, ce n’est pas mon genre d’homme. »
« Peut-être que c’est toi qui n’es pas son genre de femme, » dit Colby. « Peut-être qu’il a juste envie de te voir nue. Je me demande d’ailleurs… c’est quoi ton type d’homme ? Profond et porté sur la psychologie, j’imagine. »
« Qu’est-ce qui te fait dire ça ? » demanda Mackenzie.
« À cause de ton intérêt et de ta tendance à exceller dans les cours de profilage et de scénarios. »
« Je pense que c’est une idée fausse assez courante concernant toute personne intéressée par le profilage. » dit Mackenzie. « Si tu as besoin de preuves, je peux te renseigner au moins trois hommes plus âgés faisant partie de la police d’état du Nebraska. »
La conversation évolua par la suite sur des sujets plus superficiels – sur leurs cours, leurs instructeurs et autres. Mais durant tout ce temps, Mackenzie bouillonnait à l’intérieur. Les rumeurs que Colby avaient mentionnées étaient justement la raison pour laquelle elle avait décidé de ne pas se faire remarquer. Elle n’avait pas essayé de se faire des amis – une décision qui aurait dû lui laisser assez de temps pour terminer de s’installer dans son appartement.
Et bien sûr, il y avait Ellington… l’homme qui était venu au Nebraska et qui avait changé sa vie. Ça paraissait assez cliché de le voir ainsi mais c’était ce qui s’était passé. Et le fait qu’elle ne parvenait toujours pas à se le sortir de la tête lui soulevait légèrement le cœur.
Même lorsqu’elle et Colby échangèrent des plaisanteries au moment de terminer leur déjeuner, Mackenzie se demandait ce que pouvait bien faire Ellington. Elle se demandait également ce qu’elle serait occupée à faire maintenant s’il n’était pas venu au Nebraska lors de son enquête sur le tueur épouvantail. Ce n’était pas une vision agréable : elle serait probablement encore occupée à patrouiller ces routes aux lignes droites infinies, entourées de champs et de maïs. Et elle travaillerait probablement avec un partenaire macho et suffisant qui ne serait qu’une version plus jeune et plus tenace de Porter, son ancien partenaire.
Le Nebraska ne lui manquait pas. La routine de son boulot là-bas ne lui manquait pas non plus. Et la mentalité du coin lui manquait encore moins. Mais ce qui lui manquait par contre, c’était de savoir qu’elle était à sa place. Mais plus que ça encore, elle faisait partie du top de son département. Ici à Quantico, ce n’était pas le cas. Ici, la compétition était plus rude et elle devait se battre pour rester au top.
Heureusement, elle était plus que prête pour ce défi et elle était heureuse de laisser le tueur épouvantail et sa vie d’avant derrière elle.
Maintenant, si seulement les cauchemars pouvaient s’arrêter.
CHAPITRE DEUX
La journée suivante débuta de bon matin avec un entraînement au tir, une activité à laquelle Mackenzie était de plus en plus adepte. Elle avait toujours été assez bonne tireuse mais avec un bon entraînement et une classe de vingt-deux autres stagiaires en compétition avec elle, elle était devenue vraiment bonne. Elle avait toujours une préférence pour le Sig Sauer qu’elle avait utilisé au Nebraska et elle avait été ravie de savoir que l’arme standard du Bureau était un Glock – qui était assez similaire.
Elle fixa des yeux la cible en papier au bout du couloir de tir. Une longue feuille de papier était fixée au rail mécanique à vingt mètres de distance. Elle visa, tira trois fois de suite et posa son arme. Les coups de feu continuaient à faire vibrer ses mains, une sensation qu’elle commençait à vraiment apprécier.
Lorsque la lumière verte s’alluma au bout du couloir, elle appuya sur un bouton sur le petit panneau de contrôle qui se trouvait devant elle et rapprocha la cible. Au moment où elle s’approchait d’elle, elle put voir les trois impacts de balle sur la cible en papier. Cette dernière représentait le torse d’un homme. Deux balles avaient atteint le haut du torse et une autre avait effleuré l’épaule gauche. C’était un tir satisfaisant, mais pas incroyable, et bien qu’elle soit un peu déçue par les tirs à la poitrine, elle savait qu’elle s’était tout de même beaucoup améliorée depuis sa première session.
Onze semaines. Elle était ici depuis onze semaines et elle continuait encore à apprendre. Elle était contrariée par les tirs au torse car ils pourraient avoir une issue fatale. Elle avait été entraînée au tir dans le but unique de neutraliser un suspect – et d’effectuer des tirs mortels au torse ou à la tête que dans les situations les plus extrêmes.
Son instinct s’affinait de plus en plus. Elle sourit en regardant la cible en papier, puis regarda la petite boîte de munitions posée devant elle sur le panneau de contrôle. Elle rechargea le Glock et appuya sur un bouton afin de mettre en place une nouvelle cible, qu’elle plaça cette fois-ci à vingt-cinq mètres de distance.
Elle attendit que la lumière rouge sur le panneau de contrôle passe au vert, puis tourna le dos à la cible. Elle prit une profonde inspiration, se retourna et tira à trois reprises.
Une rangée bien nette d’impacts était visible juste en-dessous de l’épaule de la figure.
C’est bien mieux, pensa Mackenzie.
Satisfaite, elle enleva les protections qu’elle portait pour protéger ses oreilles et ses yeux. Elle mit de l’ordre dans son poste de tir et appuya sur un autre bouton sur le panneau de contrôle pour rapprocher la cible le long du système mécanique auquel elle était fixée. Elle détacha la cible, la plia et la rangea dans le petit sac qu’elle emmenait partout avec elle.
Elle venait au stand de tir durant son temps libre afin d’améliorer sa dextérité dans un domaine où elle avait l’impression d’être un peu à la traîne, comparé aux autres stagiaires de sa classe. Elle était l’une des plus âgées de son unité et des rumeurs circulaient déjà – des rumeurs concernant la manière dont elle avait été découverte dans un obscur département de police du Nebraska, juste après avoir clôturé l’enquête sur le tueur épouvantail. Ses compétences au tir la situaient dans la moyenne de la classe et elle était bien déterminée à être parmi les meilleurs avant que son entraînement à l’académie ne soit terminé.
Elle devait faire ses preuves. Et ça ne lui posait pas de problème.
*
Après le stand de tir, Mackenzie ne perdit pas une seconde pour se rendre à son dernier cours théorique, une session sur la psychologie, donnée par Samuel McClarren. McClarren était un ancien agent de soixante-six ans et auteur à succès de six ouvrages bestsellers du New York Times concernant la psychologie de certains des tueurs en série les plus vicieux de ces cent dernières années. Mackenzie avait lu tout ce qu’il avait écrit et elle aurait pu l’écouter donner cours pendant des heures durant. C’était de loin son cours préféré et bien que le sous-directeur pense, sur base de son curriculum et de son expérience, qu’elle n’ait aucun besoin de suivre ce cours, elle avait sauté sur l’occasion de pouvoir y assister.
Comme à son habitude, elle était l’une des premières à arriver en classe et elle s’assit à l’avant de la salle. Elle prépara son cahier et son stylo pendant que d’autres étudiants arrivaient et installaient leur MacBooks. Samuel McClarren prit place sur le podium. Derrière Mackenzie, les quarante-deux autres étudiants attendaient avec impatience. Chacun d’entre eux semblait suspendu aux lèvres de McClarren lorsqu’il se mettait à parler.
« Nous en avions terminé hier avec les constructions psychologiques qui semblaient avoir motivé Ed Gein, au grand plaisir de ceux d’entre vous qui n’auraient pas l’estomac bien accroché, » dit McClarren. « Mais aujourd’hui, ça ne va pas être mieux, vu que nous allons nous plonger dans l’esprit bien souvent sous-estimé mais incroyablement tordu de John Wayne Gacy. Vingt-six victimes connues, tuées par strangulation ou asphyxie en utilisant un garrot. Depuis le sous-sol de sa maison jusqu’au fleuve Des Plaines, il a éparpillé ses victimes à différents endroits après les avoir tuées. Et, bien entendu, on parlera de ce à quoi pense la majorité des gens lorsqu’ils entendent son nom – le maquillage de clown. À sa source, l’affaire Gacy est un cas clinique de fracture psychologique. »
Et le cours continua ainsi, McClarren parlait et les étudiants prenaient fébrilement des notes. Comme toujours, l’heure et quinze minutes de cours passèrent en un clin d’œil et Mackenzie avait envie d’en entendre davantage. À quelques reprises, le cours de McClarren avait mentionné la démarche qu’elle avait adoptée alors qu’elle traquait le tueur épouvantail, particulièrement le fait qu’elle soit retournée sur les lieux des crimes dans le but de rentrer dans l’esprit du tueur. Elle avait toujours su qu’elle avait un don pour ce genre de choses mais elle avait toujours veillé à ne pas en parler. Ça lui faisait parfois un peu peur et c’était un peu morbide, alors elle le gardait pour elle.
Quand le cours fut terminé, Mackenzie rassembla ses affaires et se dirigea vers la porte. En traversant le corridor, elle pensait encore à ce qui s’était dit durant le cours et elle ne vit pas l’homme qui se tenait près de l’embrasure de la porte. En fait, elle ne le remarqua que lorsqu’il l’appela par son prénom.
« Mackenzie ! Hé, attends ! »
Elle s’arrêta lorsqu’elle entendit son nom, se retourna et reconnut un visage familier parmi la foule.
L’agent Ellington se trouvait juste derrière elle. Le voir était une telle surprise qu’elle resta immobile durant un instant, essayant de comprendre pourquoi il se trouvait là. Alors qu’elle restait sans bouger, il lui adressa un sourire timide et s’approcha rapidement d’elle. Un autre homme l’accompagnait et se tenait juste derrière lui.
« Agent Ellington, » dit Mackenzie. « Comment allez-vous ? »
« Je vais bien, » dit-il. « Et vous ? »
« Très bien, merci. Qu’est-ce que vous faites là ? Vous venez pour un cours de recyclage ? » demanda-t-elle en essayant d’introduire une note d’humour.
« Non, pas vraiment, » dit Ellington. Il lui sourit à nouveau, ce qui lui rappela pourquoi elle avait tenté sa chance avec lui et s’était ridiculisée trois mois plus tôt. Il fit un geste en direction de l’homme à ses côtés et dit, « Mackenzie White, je vous présente l’agent spécial Bryers. »
Bryers fit un pas en avant et tendit la main. Mackenzie la serra et prit un moment pour étudier l’homme qui se tenait devant elle. Il avait l’air d’avoir la cinquantaine. Il avait une moustache grisonnante et des yeux bleus chaleureux. Elle remarqua tout de suite qu’il devait avoir un tempérament doux et faire partie de ces fameux gentlemen du Sud dont elle avait tant entendus parler depuis son arrivée en Virginie.
« Je suis enchanté de faire votre connaissance, » dit Bryers au moment où ils se serrèrent la main.
Une fois les présentations faites, Ellington alla droit au but, comme à son habitude. « Êtes-vous occupée pour l’instant ? » demanda-t-il à Mackenzie.
« Pas pour l’instant, » répondit-elle.
« Et bien, si vous avez une minute à nous consacrer, nous aimerions vous faire part de quelque chose. »
Mackenzie remarqua un doute sur le visage de Bryers au moment où Ellington finissait de parler. En fait, en y réfléchissant bien, Bryers avait l’air un peu mal à l’aise. C’était peut-être ça, la raison pour laquelle il avait l’air aussi timide.
« Bien sûr, » dit-elle.
« Viens, » dit Ellington en lui montrant la petite zone d’étude à l’arrière de l’édifice. « Je t’offre un café. »
Mackenzie se rappela de la dernière fois où Ellington avait été aussi intéressé par elle ; ça l’avait amenée jusqu’ici, jusqu’à cet instant où elle était sur le point de réaliser son rêve de devenir un agent du FBI. Le suivre maintenant était logique et c’est ce qu’elle fit, en jetant un coup d’oeil à l’agent Bryers et en se demandant pourquoi il avait l’air aussi mal à l’aise.
*
« Alors, tu es presqu’au bout, n’est-ce pas ? » demanda Ellington pendant qu’ils s’asseyaient tous les trois devant les tasses de café qu’Ellington venait d’acheter au bar.
« Plus que huit semaines, » dit-elle.






