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Keri connaissez effectivement la procédure et quinze minutes plus tard, elle était assise dans une salle d’interrogatoire, tandis qu’elle attendait l’arrivée du détenu 242 609, ou Thomas « Le Fantôme » Anderson. Le garde l’avait avertie qu’ils se préparaient à l’extinction des feux et qu’il faudrait peut-être un peu plus de temps pour le récupérer. Elle tenta de rester détendue tandis qu’elle attendait mais elle savait que c’était un combat perdu d’avance.
Anderson semblait toujours lire en elle, comme s’il épluchait secrètement son crâne pour révéler son cerveau et lire ses pensées. Bien souvent, elle se sentait tel un chaton, lui tenant un de ces stylos laser, l'envoyant dans des directions aléatoires à son gré.
Et pourtant, c’était son information, plus que tout autre, qui l’avait envoyée sur le chemin la rapprochant d’Evie. Était-ce à dessein ou simplement de la chance ? Il ne lui avait jamais donné la moindre indication que leurs réunions n'étaient qu'un hasard. Mais s'il était si impliqué dans la partie, pourquoi le ferait-il ?
La porte s’ouvrit et il entra, ressemblant beaucoup à ce dont elle se souvenait. Anderson, dans le milieu de la cinquantaine, mesurait environ 1m75 avec une silhouette carrée et bien faite qui laisser suggérer qu’il utilisait le gymnase de la prison régulièrement. Les menottes à ses avant-bras musclés semblaient serrées. Pourtant, il lui sembla plus mince que dans ses souvenirs, comme s’il avait manqué quelques repas. Ses cheveux épais étaient bien séparés, mais à sa grande surprise, ce n'était plus le noir de jais dont elle se souvenait. À présent, c’était principalement un mélange sel et poivre. Aux bords de sa combinaison de prison, elle put encore voir des bouts des nombreux tatouages qui recouvraient le côté droit de son corps, de ses pieds jusqu’à sa nuque. Son côté gauche restait immaculé.
Tandis qu’il était conduit vers la chaise en métal de l’autre côté de la table, en face d’elle, ses yeux gris ne la quittèrent pas. Elle savait qu'il la sondait, l'étudiait, l'évaluait, essayait d'en apprendre le plus possible sur sa situation avant qu'elle ne dise un mot.
Après qu’il se soit assis, le garde se posta près de la porte.
— Ça ira, officier… Kiley, dit Keri qui loucha vers son badge.
— La procédure, madame, dit le garde brusquement.
Elle lui jeta un regard. Il était nouveau… et jeune. Elle doutait qu'il soit déjà corrompu mais elle ne pouvait pas se permettre que quelqu'un, corrompu ou pas, entende cette conversation. Anderson sourit légèrement, sachant ce qui allait suivre. Cela serait sans doute divertissant pour lui.
Elle se leva et fixa le garde jusqu’à ce qu’il sente ses yeux sur lui et qu’il relève la tête.
— Tout d’abord, ce n’est pas madame, c’est détective Locke. Deuxièmement, je me contrefiche de vos procédures, le nouveau. Je veux parler à ce détenu en privé. Si vous ne pouvez pas faire cela, alors je vais devoir vous parler en privé, et ce ne sera pas une conversation agréable.
— Mais… Kiley commença à balbutier tandis qu’il se balançait d’un pied sur l’autre.
— Mais rien du tout, officier. Vous avez deux choix. Vous pouvez me laisser parler à ce détenu en privé. Ou nous pouvons avoir cette conversation ! Quel sera votre choix ?
— Je devrais peut-être chercher mon supéri…
— Ce n’est pas dans la liste des choix, officier. Vous savez quoi ? Je décide pour vous. Sortons de là pour que je puisse avoir une petite conversation avec vous. On pourrait penser qu'abattre un fanatique religieux pédophile me donnerait un laissez-passer pour le reste de la semaine, mais je suppose que je dois maintenant aussi instruire un agent correctionnel.
Elle tendit la main vers la poignée de porte et commença à l’actionner lorsque l’officier Kiley perdit finalement le peu de courage qui lui restait. Elle était impressionnée de voir combien de temps il avait tenu.
— Laissez tomber, détective, dit-il précipitamment. J’attendrai dehors. Faites juste attention, s’il vous plaît. Ce prisonnier à un passif d’incidents violents.
— Bien sûr que je le ferai, dit Keri d’une voix à présent mielleuse. Merci d’être si accommodant. Je vais essayer de rester brève.
Il sortit, referma la porte et Keri se retourna pour s’asseoir, pleine d’une confiance et d’une énergie qui lui faisaient défaut seulement trente secondes plus tôt.
— C’était amusant, dit Anderson avec légèreté.
— J’en suis sûre, répondit Keri. Vous devez vous douter que j’attends des informations de premier ordre pour vous avoir apporté un divertissement d’une telle qualité.
— Détective Locke, dit Anderson d’un ton faussement indigné, vous avez offensé ma délicate sensibilité. Cela fait des mois que nous ne nous sommes pas vus et pourtant, votre premier réflexe en me voyant est de demander des informations ? Pas de bonjour ? Pas de comment allez-vous ?
— Bonjour, dit Keri. Je vous demanderais bien comment vous allez, mais il est clair que vous n’allez pas fort. Vous avez perdu du poids. Vos cheveux sont grisonnants. La peau près de vos yeux s’est affaissée. Êtes-vous malade ? Ou quelque chose pèse-t-il sur votre conscience ?
— Les deux, en fait, admit-il. Voyez-vous, les garçons ici m’ont traité un peu plus brusquement dernièrement. Je ne fais désormais plus partie des populaires. Alors, je me fais parfois « emprunter » mon dîner. Je reçois de temps en temps un massage des côtes que je n’ai pas commandé. Et il se trouve que j’ai aussi une touche de cancer.
— Je ne savais pas, dit doucement Keri, sincèrement décontenancée. Tous les signes physiques d’affaiblissement semblaient maintenant logiques.
— Comment auriez-vous pu ? demanda-t-il. Je n’en ai pas fait la publicité. J’aurais pu vous le dire à mon audience de libération conditionnelle en novembre, mais vous n’y étiez pas. Je n’ai pas compris, d’ailleurs. Mais ce n’était pas votre faute. Votre lettre était adorable, merci beaucoup.
Keri avait écrit une lettre en faveur d’Anderson après qu’il l’ait aidée auparavant. Elle n’avait pas plaidé sa libération mais elle avait été généreuse dans la description de l’aide qu’il avait apportée aux forces de l’ordre.
— Vous n’étiez pas surpris de ne pas y être autorisé, je présume ?
— Non, dit-il. Mais il est difficile de ne pas espérer. C’était ma dernière chance réelle de sortir d’ici avant que la maladie ne m’emporte. Je rêvais de me promener sur une plage à Zihuatanejo. Hélas, cela n’arrivera pas. Mais assez bavardé, détective. Passons à la vraie raison de votre venue ici. Et souvenez-vous, les murs ont des oreilles.
— Ok, commença-t-elle avant de se pencher et de murmurer. Êtes-vous au courant pour demain soir ?
Anderson hocha la tête. Keri sentit une vague d’espoir lui soulever la poitrine.
— Savez-vous où ça se passe ?
Il secoua la tête.
— Je ne peux pas vous aider avec le où, lui répondit-il en murmurant. Mais je vais peut-être vous aider avec le pourquoi.
— À quoi cela me servirait ? demanda-t-elle amèrement.
— Savoir pourquoi pourrait vous aider à trouver le où.
— Laissez-moi vous demander un autre pourquoi, dit-elle tandis qu’elle réalisait que la colère l’emportait et qu’elle était incapable de la contenir.
— Très bien.
— Pourquoi m’aidez-vous tout court ? M’avez-vous guidée tout du long depuis que je vous ai rencontré la première fois ?
— Voilà ce que je peux vous dire, détective. Vous savez ce que je faisais pour vivre, de quelle façon j’organisais le vol d’enfants dans leurs familles pour les donner à d’autres familles, souvent pour un prix aberrant. C’était un commerce très juteux. J’ai pu le mener à distance en utilisant un faux nom et vivre une vie heureuse, sans complication.
— En tant que John Johnson ?
— Non, ma vie heureuse a été sous le nom de Thomas Anderson, bibliothécaire. John Johnson était mon alter égo, facilitateur de kidnapping. Quand je me suis fait arrêté, je me suis tourné vers quelqu’un que nous connaissons tous les deux pour m’assurer que John Johnson serait exonéré et que Thomas Anderson ne serait jamais relié à lui. C’était presque dix ans auparavant. Notre ami n’a pas voulu le faire. Il a dit qu’il représentait seulement ceux maltraités par le système, et que j’étais, et c’est amusant d’y repenser maintenant, un cancer dans ce système.
— C’est amusant, lui accorda Keri sans rire.
— Mais comme vous le savez, je peux être convaincant. Je l’ai persuadé que je prenais des enfants à des familles aisées et qui ne les méritaient pas et les donnait à des familles aimantes n’ayant pas les mêmes ressources. Puis je lui ai offert un énorme paquet d’argent pour qu’il me fasse acquitter. Je pense qu’il savait que je mentais. Après tout, comment ces familles aux faibles revenus pouvaient se permettre de me payer ? Et les parents qui perdaient leurs enfants était-ils tous si terribles ? Notre ami est très intelligent. Il devait savoir. Mais ça lui apportait quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose pour se rassurer quand il a accepté un montant à six chiffres de ma part.
— Six chiffres ? répéta Keri qui n’en croyait pas ses oreilles.
— Comme je le disais, c’était un commerce très lucratif. Et ce paiement n’était que le premier. Pendant la durée du procès, je lui ai versé environ un demi-million de dollars. Et avec ça, il était engagé. Après avoir été acquitté et après avoir repris le travail sous mon propre nom, il a même commencé à m’aider à faciliter les enlèvements pour ces familles « plus méritantes ». Tant qu’il trouvait un moyen de justifier les transactions, il était à l’aise avec elles, enthousiaste, même.
— Alors, vous lui avez fait mordre dans cette première bouchée du fruit défendu ?
— En effet. Et il s’est avéré qu’il en aimait le goût. En fait, il a découvert qu’il prenait goût à un grand nombre de choses qu’il ne pensait pas pouvoir aimer.
— Que voulez-vous dire exactement ? demanda Keri.
— Disons simplement que quelque part en chemin, il a perdu le besoin de justifier les transactions. Vous savez, cet événement demain soir ?
— Oui ?
— C’était son invention, dit Anderson. Attention, il ne participe pas. Mais il a réalisé qu’il y avait un marché pour ce genre de choses et pour toutes les festivités plus petites similaires tout au long de l’année. Il a comblé cette niche. Il contrôle essentiellement la version haut de gamme de ce… marché dans la région de Los Angeles. Et dire qu’avant moi, il travaillait dans un bureau d’une pièce à côté d'un magasin de beignets, représentant des immigrants illégaux accusés au hasard de crimes sexuels par des policiers qui cherchaient à établir des quotas.
— Alors, vous avez développé une conscience ? demanda Keri à travers ses dents serrées. Elle était dégoutée, mais elle voulait des réponses et craignait que montrer un dégoût trop manifeste amènerait Anderson à se refermer. Il sembla détecter ce qu’elle ressentait mais continua tout de même.
— Pas encore. Ce n’est pas ce que j’ai fait. C’est arrivé bien plus tard. J’ai vu cette histoire aux infos il y a environ un an et demi à propos d’une détective et son partenaire qui avaient sauvé cette petite fille qui avait été enlevée par le copain de la baby-sitter, un vrai monstre.
— Carlo Junta, dit Keri par automatisme.
— Exact. Enfin bref, dans l’histoire, ils ont mentionné que cette détective était la même femme qui avait rejoint l’école de police quelques années plus tôt. Et ils ont montré un bout d’une vidéo prise juste après sa remise de diplôme. Elle disait avoir rejoint les forces de l’ordre parce que sa fille avait été enlevée. Elle disait que même si elle n’avait pas pu sauver sa propre fille, peut-être qu’en étant dans la police, elle pourrait aider à sauver les filles d’autres familles. Cela vous semble familier ?
— Oui, dit Keri d’une voix basse.
— Donc, continua Anderson, comme je travaillais dans une bibliothèque et que j’avais accès à toutes sortes de vieilles vidéos des infos, je suis remonté en arrière et j’ai trouvé l’histoire du moment où la fille de cette femme avait été enlevée et sa conférence de presse juste après dans laquelle elle demandait que sa fille lui soit rendue saine et sauve.
Keri se revit à la conférence de presse, qui était un grand brouillard. Elle se rappela parler dans une douzaine de micros balancés dans son visage, suppliant l’homme qui lui avait arraché sa fille au milieu d’un parc et qui l’avait jetée dans son fourgon, de lui rendre.
Elle se rappelait le cri « S’il te plaît, maman, aide-moi » et les nattes blondes qui s'éloignaient de plus en plus loin tandis qu’Evie, huit ans seulement à l'époque, disparaissait à travers le parterre vert. Elle se souvenait du gravier encore enfoncé dans ses pieds pendant la conférence de presse, piégé là lorsqu’elle avait couru pieds-nus à travers le parking, pourchassant le fourgon jusqu’à ce qu’il la laisse dans la poussière. Elle se rappelait de tout.
Anderson s’était arrêté de parler. Elle le regarda et vit que ses yeux étaient bordés de larmes, comme l’étaient les siens. Il continua.
— Après ça, j’ai vu une autre histoire quelques mois plus tard dans laquelle cette détective avait sauvé un autre enfant, cette fois un garçon enlevé alors qu’il se rendait à l’entraînement de baseball.
— Jimmy Tensall.
— Et un mois après, elle a retrouvé une petite fille qui avait été enlevée d'un porte-bébé au supermarché. La femme qui l’avait enlevée avait fait faire un faux certificat de naissance et prévoyait de s’envoler au Pérou avec le bébé. Vous l’avez arrêtée à la porte d’embarquement alors qu’elle était sur le point de monter à bord de l’avion.
— Je me souviens.
— C’est à ce moment-là que j’ai décidé que je ne pouvais plus le faire. Chaque transaction me rappelait cette conférence de presse pendant laquelle vous suppliez qu’on vous rende votre fille. Je ne pouvais plus porter ça à bout de bras. Je m’étais adouci, j’imagine. Et juste à ce moment-là, notre ami a fait une erreur.
— Quelle était cette erreur ? demanda Keri qui eut une sensation de picotement qui n’arrivait que lorsqu’elle sentait que quelque chose d’énorme était sur le point d’être révélé.
Thomas Anderson la regarda et elle put le voir lutter avec un genre d’importante décision intérieure. Puis ses sourcils se décontractèrent et ses yeux s’éclairèrent. Il semblait avoir pris sa décision.
— Vous me faites confiance ? demanda-t-il à voix basse.
— Qu’est-ce que c’est que ce genre de question ? Je ne vois p…
Mais avant qu’elle n’ait pu finir sa phrase, il repoussa la table qui les séparait, enroula les menottes à ses poignets autour du cou de Keri et la tira au sol, glissant et reculant dans un coin de la salle d’interrogation.
Alors que l’officier Kiley se ruait dans la pièce, Anderson utilisa son corps comme un bouclier et la garda devant lui. Elle sentit une piqûre pointue dans son cou et jeta un coup d'œil vers le bas pour voir ce que c'était. Cela ressemblait à un manche de brosse à dent taillé en pointe. Et c’était pressé cotre sa jugulaire.
CHAPITRE 7
Keri était complètement déconcertée. Un instant plus tôt, Anderson était en larmes à l'idée de sa fille disparue. À présent, il tenait un morceau de plastique tranchant comme un rasoir contre sa gorge.
Son premier réflexe était de faire un mouvement pour lui faire lâcher sa prise. Mais elle sut que cela ne marcherait pas. Elle n’avait aucun moyen de tenter quoi que ce soit avant qu’il ne parvienne à planter le pic en plastique dans sa veine.
De plus, il y avait quelque chose qui ne lui semblait pas normal. Anderson ne lui avait jamais donné l’impression qu’il ressentait de la malveillance envers elle. Il semblait en fait l’apprécier. Il semblait vouloir l’aider. Et s’il avait vraiment le cancer, c’était un exercice vain. Il avait dit lui-même qu’il serait bientôt mort.
Et si c’était sa façon d’éviter une agonie, sa version du suicide par police interposée ?
— Lâchez ça, Anderson ! cria l’officier Kiley, son arme pointée dans leur direction générale.
— Baissez votre arme, Kiley, dit Anderson étonnamment calmement. Vous allez tirer accidentellement sur l’otage et ensuite votre carrière sera finie avant même d’avoir commencée. Suivez la procédure. Alertez votre supérieur. Ramenez un négociateur. Cela ne devrait pas prendre trop de temps. Le département en a toujours un en veille. Quelqu’un peut sans doute venir dans cette salle en dix minutes.
Kiley resta planté là, sans savoir comment procéder. Ses yeux faisaient des allers-retours entre Anderson et Keri. Ses mains tremblaient.
— Il a raison officier Kiley, dit Keri qui essaya de refléter le ton apaisant d’Anderson. Suivez simplement les procédures standards et tout ira bien. Le prisonnier ne va nulle part. Sortez et assurez-vous que la porte soit verrouillée. Passez vos coups de fils. Je vais bien. Monsieur Anderson ne va pas me faire de mal. Il veut clairement négocier. Alors vous devez ramener quelqu’un qui à l’autorisation de le faire, d’accord ?
Kiley hocha la tête mais ses pieds restèrent ancrés au sol.
— Officier Kiley, dit Keri, cette fois plus fermement, sortez et appelez votre supérieur. Maintenant !
Cela sembla sortir Kiley de sa torpeur. Il sortit de la pièce à reculons, ferma et verrouilla la porte, puis saisit le téléphone au mur, sans jamais les perdre de vue.
— Nous n’avons pas beaucoup de temps, murmura Anderson à l’oreille de Keri tandis qu’il relâchait légèrement la pression du plastique contre sa chaire. Je m’excuse pour cela mais c’était le seul moyen pour moi d’être sûr que nous pouvions parler en toute confiance.
— Vraiment ? murmura à son tour Keri, mi furieuse, mi soulagée.
— Cave a des gens partout, dedans et dehors. Après ça, je suis fini. Je ne passerai pas la nuit. Je ne passerai peut-être pas l’heure. Mais je m’inquiète plus pour vous. S’il pense que vous savez tout ce que je sais, il se peut qu’il vous fasse simplement éliminer, peu importe les conséquences.
— Alors que savez-vous ? demanda Keri.
— Je vous ai dit que Cave avait fait une erreur. Il est venu me voir et m’a dit qu’il s’inquiétait à propos de vous. Il avait fait des vérifications et avait découvert que l’un de ses gars avait kidnappé votre fille. Comme vous l’avez découvert, c’était Brian Wickwire, Le Collectionneur. Cave ne l’avait pas ordonné et n’en savait rien. Wickwire opérait beaucoup de son propre chef et Cave aidait souvent à faciliter le déplacement des filles après les faits. C’est ce qu’il a fait avec Evie et il n’y a jamais réfléchi.
— Alors, il ne la visait pas ? demanda Keri. C’était ce qu’elle avait soupçonné mais elle voulait en être sûre.
— Non. Elle était juste une mignonne fille blonde dont Wickwire pensait pouvoir retirer un bon prix. Mais après que vous ayez commencé à sauver des filles et à faire les gros titres, Cave a passé en revue ses dossiers et il a vu qu’il était relié à son enlèvement via Wickwire. Il craignait que vous ne parveniez finalement jusqu’à lui et il m’a demandé de l’aider à planquer Evie dans un lieu bien caché et de ne pas l’impliquer. Il ne voulait pas savoir.
— Il couvrait déjà ses arrières avant même que je suspecte son implication ? demanda Keri, s'émerveillant de la prévoyance de Cave.
— C’est un type intelligent, lui accorda Anderson. Mais ce qu’il n’a pas réalisé, c’est qu’il demandait de l’aide à la plus mauvaise personne. Il n’aurait pas pu savoir. Après tout, je suis le premier à l’avoir corrompu. Pourquoi m’aurait-il soupçonné ? Mais je me suis décidé à vous aider. Bien sûr, je l’ai fait d’une façon qui, je le pensais, me garderait protégé.
Juste à ce moment-là, Kiley entrouvrit la porte.
— Le négociateur est en route, dit-il d’une voix tremblotante. Il sera là dans cinq minutes. Restez calme. Ne faites rien de fou, Anderson.
— Ne me poussez pas à faire quelque chose de fou ! lui cria Anderson qui remonta la brosse à dent dans le cou de Keri et perça sa peau par inadvertance. Kiley referma rapidement la porte à nouveau.
— Aïe, dit-elle. Je pense que vous avez fait couler le sang.
— Désolé pour ça, dit-il d’un air penaud surprenant. C’est difficile de manœuvrer au sol comme ça.
— Retenez-vous juste un peu, ok ?
— Je vais essayer. C’est juste qu’il se passe beaucoup de chose, vous savez ? Enfin, j’ai parlé à Wickwire et lui ait dit de placer Evie dans un lieu quelque part à Los Angeles, où on prendrait bien soin d’elle, au cas où on aurait besoin d’elle plus tard. Je voulais m’assurer qu’elle ne quitterait pas la ville. Et je ne voulais pas qu’elle souffre… plus qu’elle ne le devait.
Keri ne répondit pas, mais ils savaient tous deux qu’il n’y avait rien qu’il pouvait faire pour les années avant cela, et les horreurs que sa fille avait dû subir à l’époque. Anderson continua rapidement, ne désirant clairement pas s’attarder sur cette pensée plus longtemps qu’elle-même.
— Je ne sais pas ce qu’il a fait d’elle, mais il s’est avéré qu’il l’avait mise avec ce vieux type que vous avez fini par retrouver, chez qui elle était retenue.
— Si vous aviez décidé de m’aider, pourquoi ne pas avoir simplement découvert sa localisation et être allé la chercher vous-même ?
— Deux raisons, dit Anderson. La première, Wickwire ne comptait pas me révéler son emplacement. C’était une information de valeur qu’il gardait jalousement. La deuxième, et je n’en suis pas fier, je savais que je serais arrêté si je venais à vous avec votre fille.
— Mais vous avez finalement été arrêté intentionnellement quelques mois plus tard pour enlèvement d’enfants, protesta Keri.
— J’ai fait cela après coup, quand j’ai réalisé que je devais prendre des mesures drastiques. Je savais que vous finiriez par faires des recherches sur des kidnappeurs d’enfants et des trafiquants et que vous me trouveriez. Et je savais que je pouvais vous orienter dans la bonne direction sans éveiller les soupçons de Cave. Quant à se faire arrêter intentionnellement, c’est vrai. Mais vous vous rappelez peut-être que je me suis défendu moi-même au tribunal. Et si vous regardez attentivement le rapport du tribunal, vous découvrirez que le procureur et le juge ont commis plusieurs erreurs, des erreurs dans lesquelles je les ai attirés, ce qui mènerait presque certainement à l'annulation de ma condamnation. J'attendais juste le bon moment pour faire appel. Bien sûr, tout cela n'a plus de raison d'être maintenant.
Keri leva les yeux et vit un remue-ménage de l’autre côté de la fenêtre de la pièce. Elle vit de nombreux officiers passer devant, dont au moins l’un d’eux portait une longue arme. C’était un sniper.
— Je ne veux pas paraître froide, mais on doit boucler ça, dit-elle. Rien ne nous dit que l’un d’eux n’est pas un fou de la gâchette ou si Cave a ordonné à l’un de ses mignons de vous abattre par précaution.
— Vous avez bien raison, détective, acquiesça Anderson. Voilà que je me mets à déblatérer à propos de ma reconversion morale alors que ce que vous voulez savoir, c’est comment récupérer votre fille. N’ai-je pas raison ?
— Vous avez raison. Alors dites-moi. Comment je la récupère ?
— Je ne sais sincèrement pas. Je ne sais pas où elle est. Je ne pense pas que Cave sache où elle est. Il connaît peut-être l’emplacement de la Vista demain soir mais il n’y a aucune chance qu’il s’y rende. Alors il est inutile de le faire suivre.
— Alors, vous dites que je n’ai aucune chance de la récupérer ? demanda Keri, incrédule.
J’ai fait tout ça pour cette réponse ?
— C’est peu probable, détective, admit-il. Mais vous pouvez peut-être l’amener, lui, à vous la rendre.
— Que voulez-vous dire ?
— Jackson Cave vous considérait comme une gêne, un obstacle dans ses affaires. Mais cela a changé durant l’année dernière. Il est devenu obsédé par vous. Il ne pense pas seulement que vous voulez détruire ses affaires. Il pense que vous voulez le détruire personnellement. Et comme il a arrangé la réalité pour se faire passer pour le gentil, il pense que vous êtes la méchante.
— Il pense que je suis la méchante ? répéta Keri, incrédule.
— Oui. Souvenez-vous, il manipule son code moral comme bon lui semble pour pouvoir avancer. S’il pensait faire des mauvaises choses, il n’aurait pas pu vivre avec lui-même. Mais il a trouvé des façons de justifier même le plus odieux des actes. Il m’a dit une fois que ces filles dans ces réseaux d’esclaves sexuels seraient mortes de faim à la rue sans lui.








