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— Il a perdu la tête, dit Keri.
— Il fait ce qu’il peut pour arriver à se regarder dans un miroir tous les matins, détective. Et ces jours-ci, cela signifie en partie croire que vous êtes lancée dans une chasse aux sorcières. Il vous voit comme une ennemie. Il vous voit comme sa némésis. Et ça le rend très dangereux. Parce que je ne sais pas jusqu’où il ira pour vous arrêter.
— Alors comment je fais pour qu’un type comme ça me rende Evie ?
— Si vous alliez le voir et réussissiez à le convaincre que vous n’êtes pas après lui, que tout ce que vous voulez c’est votre fille, il céderait peut-être. Si vous pouviez le persuader qu’une fois votre fille saine et sauve dans vos bras vous l’oublierez pour toujours, peut-être même que vous quitteriez les forces de police, il pourrait être convaincu de baisser les armes. Pour le moment, il pense que vous voulez sa destruction. Mais s’il était possible de le persuader que vous le ne voulez pas, que vous ne voulez qu’elle, il y a peut-être une chance.
— Vous pensez vraiment que ça pourrait marcher ? demanda Keri, incapable de cacher le scepticisme dans sa voix. Je dis juste « rendez-moi ma fille et je vous laisserai tranquille pour toujours », et il accepte ?
— Je ne sais pas si ça marchera. Mais je sais que vous n’avez plus d’options. Et vous n’avez rien à perdre à essayer.
Keri retournait cette idée dans sa tête quand il y eut des coups à la porte.
— Le négociateur est ici, cria Kiley. Il traverse le couloir maintenant.
— Attendez une minute ! cria Anderson. Dites-lui d’attendre. Je lui dirai quand il peut rentrer.
— Je vais lui dire, dit Kiley, même si sa voix indiquait qu’il désespérait de transmettre la communication aussi vite que possible.
— Une dernière chose, murmura Anderson à son oreille, encore plus doucement qu’avant si c’était possible. Vous avez une taupe dans votre service.
— Quoi ? Dans la division Ouest ? demanda Keri, abasourdie.
— Dans votre service des personnes disparues. Je ne sais pas qui c’est. Mais quelqu’un abreuve l’autre camp d’informations. Alors surveillez vos arrières. Plus que d’habitude, je veux dire.
Une nouvelle voix appela de l’autre côté de la porte.
— Monsieur Anderson, ici Cal Brubaker. Je suis le négociateur. Puis-je entrer ?
— Juste une seconde, Cal, lança Anderson. Puis il se rapprocha encore plus de Keri. J’ai le pressentiment que c’est la dernière fois que nous nous parlerons, Keri. Je veux que vous sachiez que je trouve que vous êtes une personne très impressionnante. J’espère que vous trouverez Evie. Vraiment. Entrez, Cal.
Tandis que la porte s’ouvrait, il remonta la brosse à dent dans son cou mais ne toucha pas la peau. Un homme ventru dans le milieu ou la fin de la quarantaine, avec des cheveux gris hirsutes et de minces lunettes à monture circulaire que Keri soupçonnait d'être là juste pour le spectacle, entra dans la pièce.
Il portait un jean bleu et une chemise de style bûcheron froissée, complétée par le motif en damier rouge et noir. C’était à la limite du ridicule, comme une version « costumée » de ce à quoi devait ressembler un négociateur d’otage non menaçant.
Anderson lui lança un regard et elle vit qu’il ressentait la même chose. Il semblait réprimer le besoin pressant de rouler des yeux.
— Bonjour monsieur Anderson. Pouvez-vous me dire ce qui vous ennuie ce soir ? dit-il d’un ton entraîné et non agressif.
— En fait, Cal, répondit Anderson avec légèreté, pendant que nous vous attendions, le détective Locke m’a ramenée à la raison. J’ai réalisé que je m’étais laissé un peu dépasser par ma situation et que j’ai réagi… bêtement. Je pense que je suis prêt à me rendre et à accepter les conséquences de mes choix.
— D’accord, dit Cal, surpris. Eh bien, c’est la négociation la moins douloureuse de ma vie. Puisque vous me rendez les choses aussi faciles, je dois vous demander : êtes-vous sûr de ne rien vouloir ?
— Peut-être quelques petites choses, dit Anderson. Mais je ne pense pas qu’aucune ne vous posera problème. Je voudrais m’assurer que le détective Locke soit amenée directement à l’infirmerie. Je l’ai accidentellement trouée avec la pointe de la brosse à dent et je ne sais pas si c’est très hygiénique. Elle devrait nettoyer ça immédiatement. Et j’apprécierais si vous demandiez à l’officier Kiley, le gentleman qui m’a amené ici, de me menotter et de m’emmener peu importe où je dois aller. J’ai le sentiment que certains des autres gars seront un peu plus brusques que nécessaire. Et peut-être, une fois que j’aurais lâché l’objet pointu, vous pourriez demander au sniper de se détendre. Il me rend un peu nerveux. Requêtes raisonnables ?
— Toutes raisonnables, monsieur Anderson, accepta Cal. Je vais faire de mon mieux pour les réaliser. Pourquoi ne pas commencer par laisser tomber la brosse à dents et laisser partir le détective ?
Anderson se rapprocha tant que seule Keri put l’entendre.
— Bonne chance, murmura-t-il de façon presque inaudible avant de lâcher la brosse à dent et de lever ses bras en l’air afin qu’elle puisse se glisser sous les menottes. Elle s’éloigna de lui et se releva lentement sur ses pieds à l’aide de la table renversée. Cal lui tendit la main pour offrir son aide mais elle ne la prit pas.
Quand elle se tint droite et se sentit stable, elle se tourna pour faire face à Thomas « Le Fantôme » Anderson pour ce qu’elle était certaine être la dernière fois.
— Merci de ne pas m’avoir tuée, murmura-t-elle en essayant d’avoir l’air sarcastique.
— J’imagine, dit-il en souriant gentiment.
Alors qu’elle s’avançait vers la porte de la salle d’interrogatoire, elle s’ouvrit en grand et cinq hommes en équipement complet du SWAT firent irruption en la bousculant. Elle ne se retourna pas pour voir ce qu’ils faisaient tandis qu’elle trébuchait dans le couloir.
Il semblait que Cal Brubaker avait au moins respecté une partie de ses promesses. Le sniper, adossé au mur opposé, avec son fusil à ses côtés, s'était retiré. Mais l’officier Kiley ne se trouvait nulle part.
Tandis qu’elle traversait le couloir, escortée par une femme officier qui avait dit l’emmener à l’infirmerie, Keri était quasiment certaine d’entendre le bruit de crosse qui s’écrasaient contre des os humains. Et bien qu’elle n’entendît pas d’autres cris, elle entendit des grognements, suivis par un gémissement profond et sans fin.
CHAPITRE 8
Keri se dépêcha de retourner à sa voiture, dans l’espoir de quitter le parking avant que quelqu’un ne remarque son départ. Son cœur battait en rythme avec le martèlement de ses pieds, fort et rapide sur le béton.
Son passage à l’infirmerie avait été un cadeau d’Anderson. Il savait qu’après une prise d’otage, elle était certaine de devoir répondre à des heures d’interrogatoire, heures qu’elle ne pouvait pas se permettre de gâcher. En exigeant qu’il lui soit permis d’aller à l’infirmerie, il lui assurait une fenêtre durant laquelle elle serait peu surveillée et durant laquelle il lui serait peut-être possible de partir avant d’être épinglée par une bande de détectives de la division du centre-ville.
C’était exactement ce qu’elle avait fait. Après qu’une infirmière eut nettoyé la petite blessure et l’eut bandée, Keri avait simulé une brève crise de panique post prise d’otage et demandé à utiliser la salle de bain. Comme elle n’était pas une détenue, il avait été facile de s’échapper après cela.
Elle descendit en ascenseur avec le personnel d’entretien qui finissait à 21h. L’agent de sécurité Beamon devait être en pause car un nouveau type s’occupait de l’entrée et il ne lui accorda pas un regard.
Une fois hors du bâtiment, elle avait traversé la rue vers le parking, s’attendant encore à ce que des détectives se précipitent dehors, courant derrière elle pour lui demander pourquoi elle avait interrogé un prisonnier alors qu’elle était suspendue. Mais elle n’avait rien entendu.
En fait, elle était absolument seule avec ses bruits de pas et ses battements de cœur tandis que les agents d’entretien qui finissaient leur journée se dirigeaient en bas de la rue vers un arrêt de bus et une station de métro. Apparemment, aucun d’entre eux ne venaient travailler en voiture.
Ce n’est que lorsqu’elle atteignit le deuxième étage dans la cage d’escalier qu’elle entendit le bruit d’autres pas en-dessous. Ils étaient bruyants et lourds et ils semblaient sortir de nulle part. Elle les aurait remarqués plus tôt s’ils avaient marché avant. Ils ne pouvaient pas venir de l’autre côté de la rue. C’était presque comme si quelqu’un avait attendu son arrivée pour se mettre en mouvement.
Elle se dirigea vers sa voiture, à la moitié environ de la rangée sur la gauche. Les pas suivirent et il devint clair à présent qu’il n’y avait pas une paire de chaussures mais deux, appartenant clairement à des hommes. Leurs démarches étaient épaisses et lourdes et elle pouvait entendre l'un d’eux siffler légèrement.
Il était possible que ces hommes soient des détectives, mais elle en doutait. Ils se seraient probablement déjà identifiés s’ils avaient voulu lui poser des questions. Et si c’était des flics aux mauvaises intentions, ils ne l’auraient pas approchée dans le parking de Twins Tower. Il y avait des caméras partout. S’ils étaient sur la liste des employés de Cave et qu'ils lui voulaient du mal, ils auraient attendu qu'elle soit hors de la ville.
Keri glissa involontairement la main vers l’étui de son arme avant de se rappeler qu’elle l’avait laissée dans le coffre. Elle avait voulu éviter les questions de la sécurité et elle avait décidé que porter son arme personnelle dans une prison municipale aurait peut-être l’effet inverse. Pour la même raison, son pistolet de cheville se trouvait au même endroit. Elle n’était pas armée.
Keri sentit son pouls s’emballer et elle s’ordonna de rester calme, de ne pas accélérer le pas afin de ne pas alerter ces types qu’elle les avait repérés. Ils devaient le savoir. Mais garder l’illusion lui donnerait sans doute un peu de temps. Il allait de même pour ce qui était de regarder par-dessus son épaule, elle s’y refusait. Il était certain que cela les lancerait à sa poursuite.
Au lieu de cela, elle lança des coups d’œil négligemment dans les vitres des plus brillants SUV, dans l’espoir de se faire une idée de qui en avait après elle. Après quelques voitures, elle fut capable de les évaluer. Deux types, tous deux en costume : l’un gros, l’autre énorme avec une bedaine qui retombait par-dessus sa ceinture. Il était difficile de jauger les âges, mais le plus grand semblait également plus âgé. C’était lui qui sifflait. Ni l’un ni l’autre ne semblait avoir d’arme mais le gros portait ce qui ressemblait à un taser et le plus jeune agrippait une sorte de matraque. Apparemment, quelqu’un la voulait vivante.
Elle essaya d’avoir l’air nonchalante, sortit les clés de son sac et les glissa entre ses jointures, pointes vers l’extérieur tandis qu’elle appuyait sur le bouton pour déverrouiller sa voiture, qui n’était plus qu’à six mètres maintenant. Les deux hommes étaient encore à environ trois mètres d’elle, mais elle n’avait aucun moyen d’arriver à sa voiture, d’ouvrir la porte, de rentrer dedans, de refermer la porte et de la verrouiller avant qu’ils ne l’attrapent, même à leur distance. Elle se maudit silencieusement de s’être garée en marche avant.
Le bip que fit sa voiture sembla surprendre le gros et il trébucha légèrement. Après cela, Keri savait qu’à ce point, continuer de faire semblant de ne pas les avoir remarqués semblerait encore plus louche que de se retourner, elle s’arrêta donc brusquement et se retourna rapidement, les prenant par surprise.
— Comment ça va, les gars ? demanda-t-elle gentiment, comme si la découverte de deux gros bonnets juste derrière elle était la chose la plus naturelle au monde. Ils firent tous deux quelques pas encore avant de s’arrêter maladroitement à un mètre cinquante d’elle.
Le plus jeune semblait perdu. Le plus âgé commença à ouvrir la bouche pour parler. Les sens de Keri picotaient. Sans savoir pourquoi, elle remarqua qu’il avait manqué une tache de cheveux sur le côté gauche de sa nuque, la dernière fois qu’il s’était rasé. Presque sans réfléchir, elle enfonça le bouton alarme sur la télécommande de sa voiture. Les deux hommes regardèrent involontairement dans cette direction. Ce fut à ce moment-là qu’elle agit.
Elle se jeta rapidement en avant, et balança son poing droit, celui hérissé de clés, dans le côté gauche du visage du plus âgé. Tout commença à bouger au ralenti. Il la vit trop tard et le temps qu’il lève son bras gauche pour essayer d’arrêter le coup, elle l’avait touché.
Keri sut que c’était un coup direct car au moins l’une des clés s’enfonça assez profondément avant de rencontrer une résistance. Le cri se fit entendre presque immédiatement tandis que du sang jaillissait de son œil. Elle ne s’arrêta pas pour admirer son œuvre. Au lieu de cela, elle utilisa son élan pour plonger en avant, claquant son épaule droite dans le genou gauche du type alors qu'il s'effondrait déjà au sol.
Elle entendit un craquement sinistre et sut que les ligaments de son genou s’étaient déchirés violemment tandis qu’il tombait au sol. Elle chassa le son de son esprit tout en essaya de rouler doucement en arrière pour se remettre debout.
Malheureusement, se jeter contre une personne si massive l’avait ébranlée des pieds à la tête, aggravant à nouveau la douleur des blessures dont elle souffrait encore quelques jours seulement auparavant. Elle avait l’impression d’avoir reçu une poêle à frire dans la poitrine. Elle était quasiment certaine que son genou blessé avait heurté le sol du parking en béton pendant qu’elle partait en avant et la collision lui avait laissé une épaule droite lancinante.
Plus inquiétant dans l’immédiat que tout cela, c’était que le fait de frapper le gars avait suffisamment ralenti son mouvement pour que l’homme plus jeune et plus en forme retrouve ses esprits. Alors que Keri se redressait de sa roulade et tentait de retrouver son équilibre, il s’avançait déjà vers elle, ses yeux brillants d’un mélange intense de fureur et de peur, la matraque dans sa main droite commençant à se balancer vers le bas.
Elle réalisa qu’elle ne serait pas en mesure de l’éviter complètement et elle pivota pour que le coup vienne frapper son flanc gauche plutôt que sa tête. Elle sentit le coup brutal contre ses côtes à gauche de son torse juste en-dessous de son épaule, suivit d’une douleur piquante qui rayonna depuis le point d’impact.
Son corps se vida de son air tandis qu’elle s’effondrait à genou devant lui. Ses yeux devinrent larmoyants directement après le coup, mais elle réussit tout de même à distinguer quelque chose de mauvais augure juste devant elle. Les pieds du plus jeune commençaient à se relever sur ses orteils et ses talons décolèrent du sol.
Il fallut moins d’une fraction de seconde à Keri pour comprendre ce que cela signifiait. Il levait la matraque haut au-dessus de sa tête pour être capable de l’abattre de toute ses forces dans un coup de grâce. Elle vit son pied gauche s’avancer et sut que cela voulait dire qu’il commençait à abaisser son arme.
Ignorant tout, son incapacité à respirer, la douleur ricochant de sa poitrine à son épaule à ses côtes à son genou, sa vision floue, elle se jeta en avant, directement sur lui. Elle savait qu’elle n’aurait pas beaucoup d’élan en se repoussant sur ses genoux, mais elle espérait que cela suffirait à empêcher un coup direct sur le sommet de son crâne. Ce faisant, elle projeta sa main droite, celle tenant toujours les clés, dans la direction générale de l’entrejambe du type, espérant le toucher.
Tout arriva au même moment. Elle sentit la matraque frapper le haut de son dos et entendit le grognement au même moment. Le coup la piqua, mais seulement quelques secondes tandis qu’elle réalisait que l’homme avait relâché sa prise sur la matraque presque immédiatement après l’avoir touchée. Elle l’entendit heurter le béton et rouler plus loin alors qu’elle s’effondrait au sol.
Elle leva les yeux et vit l’homme se plier en deux, les deux mains plaquées sur son entrejambe. Il jurait bruyamment et sans s’arrêter. Au moins pour le moment, il semblait l’avoir oubliée. Keri regarda le gros type, qui était à plusieurs mètres de distance, roulant encore sur le sol, hurlant d'agonie, les deux mains couvrant son œil gauche, ignorant apparemment son genou, qui était plié dans un angle inhumain.
Keri aspira une grande bouffée d’air, la première depuis une éternité, eut-elle l’impression, et elle se força à agir.
Lève-toi et bouge. C’est ta chance. C’est peut-être la seule.
Ignorant la douleur qu’elle ressentait dans tout son corps, elle se repoussa du sol dur et parti vers sa voiture à moitié en courant, à moitié en boîtant. Le plus jeune des types leva les yeux de son entrejambe et fit une tentative symbolique de tendre la main et de l’attraper. Mais elle se tint suffisamment à l’écart de lui, et elle trébucha vers sa voiture, monta dedans, la verrouilla, la démarra et se mit en route sans même regarder dans son rétroviseur. Une part d’elle espérait que le jeune était encore là et qu’elle entendrait un bruit sourd tandis qu’elle le percuterait.
Elle mit les gaz et tourna au coin du deuxième étage vers le premier. Alors qu’elle approchait de la cabine de sortie, elle fut stupéfaite de voir le jeune trébucher dans les escaliers et se traîner dans la direction de sa voiture.
Elle vit l’horreur sur le visage de l’employé dans la cabine dont le regard faisait des allers-retours entre l’homme plié en deux zigzaguant dans sa direction et la voiture dont les pneus crissaient dans la même direction. Elle se sentit presque mal pour lui. Mais cela ne suffit pas à l’empêcher de passer la sortie à toute vitesse en fracassant la barrière en bois, envoyant des morceaux voler dans la nuit.
*
Elle passa la nuit chez Ray. Il ne lui semblait pas sûr de retourner chez elle. Elle ne savait pas qui s’en était pris à elle. Mais s’ils étaient prêts à l’attaquer dans un parking plein de caméras en face de la prison, son appartement ne semblait pas peser bien lourd. De plus, d’après ce qu’elle ressentait, Keri n’était pas en mesure de repousser d’autres attaquants ce soir.
Ray lui avait fait couler un bain. Elle l’avait appelé en chemin pour lui apprendre la situation, et heureusement, il ne l’avait pas harcelée de questions pendant qu’elle essayait de récupérer. Tandis qu’elle se reposait dans l’eau, laissant la chaleur apaiser ses os douloureux, il s’assit dans une chaise à côté de la baignoire, la persuadant par intermittence d’avaler des cuillerées de bouillon.
Enfin, après s’être séchée et après avoir enfilé l’un des pyjamas de Ray, elle se sentit assez bien pour faire le point. Ils s’assirent dans le canapé dans son salon, éclairé seulement par une demi-douzaine de bougies. Ni l’un ni l’autre ne commenta le fait que leurs armes étaient posées sur la table basse devant eux.
— Ça semble juste si imprudent, dit Ray qui faisait référence à l’audace de l’attaque dans le parking. Et assez désespéré.
— Je suis d’accord, dit Keri. En supposant que c’était des larbins de Cave, ça me laisse à penser qu’il était vraiment inquiet qu’Anderson balance tout dans cette salle d’interrogatoire. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que s’il était prêt à aller si loin, pourquoi n’a-t-il simplement pas demandé à ces types de me tirer dans le dos et d’en finir avec tout ça ? Pourquoi ce taser et cette matraque ?
— Il voulait peut-être découvrir ce que tu sais, voir qui d’autre sait, avant de se débarrasser de toi. Ou ce n’est peut-être pas Cave du tout. Tu as dit qu’Anderson a parlé d’une taupe dans le service, non ? Peut-être que quelqu’un d’autre ne veut pas que cette information s’ébruite.
— J’imagine que c’est possible, admit Keri, mais il a dit cette partie d’une voix si basse que je n’ai presque pas pu l’entendre. C’est difficile d’imaginer que même dans une pièce truffée de micro, quelqu’un aurait pu l’entendre. Pour être honnête, j’ai même encore du mal à digérer cette information.
— Ouais, moi aussi, acquiesça Ray. Alors qu’est-ce qu’on fait maintenant, Keri ? Je suis resté dans cette salle de conférence avec Mags encore quelques heures mais nous n’avons rien appris de vraiment nouveau. Je ne suis pas sûr de savoir quoi faire.
— Je pense que je vais suivre le conseil d’Anderson, répondit-elle.
— Quoi, tu veux dire aller voir Cave ? demanda-t-il, incrédule. Demain c’est samedi. Tu vas juste te montrer à la porte d’entrée de sa maison ?
— Je ne sais pas trop si j’ai d’autres choix.
— Qu’est ce qui te fait croire que ça sera d’une quelconque utilité ?
— Ça n’en aura peut-être pas. Mais Anderson a raison. À moins que quelque chose ne s’annonce rapidement, je suis à court d’options, Ray. Evie sera assassinée en direct en circuit fermé dans vingt-cinq heures ! Si parler à Jackson Cave, lui demander de sauver la vie de ma fille, a la moindre chance de fonctionner, alors je me dois d’essayer.
Ray hocha la tête, referma sa main sur la sienne et entoura son épaule de son énorme bras. Il fit attention mais elle grimaça tout de même de douleur.
— Désolé, murmura-t-il doucement. Bien sûr, nous ferons tout ce qu’il faudra. Mais j’irai avec toi.
— Ray, je n’ai pas grand espoir que cela fonctionne. Mais c’est certain qu’il ne dira rien si tu es avec moi. Je dois le faire seule.
— Mais il a peut-être tenté de te faire tuer ce soir.
— Probablement juste mutiler, dit-elle avec un faible sourire pour essayer de faire redescendre la tension. En plus, il ne le fera pas si je me pointe chez lui. Il ne m’attendra pas. Et ça serait trop risqué. Quel genre d’alibi aurait-il si quelque chose m’arrive pendant que je suis chez lui ? Il délire peut-être mais il n’est pas stupide.
— Très bien, céda Ray. Je n’irai pas avec toi dans la maison. Mais tu peux me croire, je ne serai pas loin.
— Un si bon copain, dit Keri avant de se lover plus près de lui, malgré l’inconfort provoqué par son mouvement. Je parie que tu as demandé à un officier de patrouiller dans le quartier pour t’assurer que ta petite dame passe la nuit en toute sécurité.
— Que dirais-tu de deux ? dit-il. Je ne laisserai rien t’arriver.
— Mon preux chevalier, dit Keri qui bailla malgré ses efforts. Je me rappelle encore du temps où j’étais professeur en criminologie à l’université Loyola Marymount et que tu venais pour parler à mes élèves.
— Des temps plus simples, dit Ray doucement.
— Et je me rappelle aussi des jours sombres après l’enlèvement d’Evie, quand j’ai commencé à boire du scotch au lieu de l’eau, quand Stephen a divorcé parce que je couchais avec tout ce qui bougeait, et de l’université qui s’est débarrassée de moi pour avoir corrompu un de mes élèves.
— On n'a pas besoin de prendre tous les nids-de-poule sur la route des souvenirs, Keri.
— Je dis seulement, qui m'a sortie de cette fosse du dégoût de soi, qui m'a requinquée et qui m'a poussée à m'inscrire à l'académie de police ?
— Je dirais moi, murmura doucement Ray.
— C’est exact, murmura Keri en approbation. Tu vois ? Mon preux chevalier.
Elle posa sa tête contre son torse, se laissant aller à se détendre, à se fondre dans le rythme de sa respiration tandis qu’il inspirait et expirait lentement. Alors que ses paupières s’alourdissaient et qu’elle glissait dans le sommeil, une dernière pensée cohérente lui traversa l’esprit : Ray n’avait pas vraiment ordonné à deux voitures de police de patrouiller dans le voisinage. Elle avait vérifié par la fenêtre quand elle s’était changée plus tôt et elle avait compté au moins quatre unités. Et c’était seulement ce qu’elle avait pu voir.
Elle espérait que cela suffisait.
CHAPITRE 9
Keri agrippait fermement le volant, essayant de ne pas laisser les virages serrés de la route de montagne la rendre plus nerveuse qu’elle ne l’était. Il était 7h45, juste un peu plus de seize heures avant que sa fille ne soit censée être tuée lors d’un sacrifice rituel devant des douzaines de riches pédophiles.
Elle conduisait à travers les collines sinueuses de Malibu mais dans l’air frais et ensoleillé d’un samedi matin de janvier en direction de la maison de Jackson Cave. Elle espérait le convaincre de lui rendre sa fille saine et sauve. Si elle n’y parvenait pas, cela serait le dernier jour de la vie d’Evie Locke.







