Raison de se Cacher

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« Merci les gars », dit Avery.
« Peu importe », dit Connelly. « Alors qu’est-ce que tu penses de ça ? », demanda-t-il, hochant la tête vers le rectangle dessiné par les piquets rouges.
À l’arrière de la zone délimitée, elle vit ce qu’elle supposa être des restes humains. La plupart de ce qu’elle voyait était une structure squelettique mais elle semblait luire. Il n’y avait pas d’âge. C’était indéniablement un squelette qui avait été très récemment débarrassé de ses chairs. Tout autour il y avait ce qui paraissait être des cendres ou une sorte de crasse. Ici et là, elle vit ce qui avait pu être des muscles et des tissus s’accrochant aux squelettes, en particulier autour des jambes et des côtes.
« Mais que s’est-il passé ? », demanda-t-elle.
« Eh bien, quelle excellente question pour que notre meilleure inspectrice commence », dit Connelly. « Mais voici ce que nous savons jusque-là. Il y a environ une heure et quinze minutes, une femme sortie pour son jogging matinal a passé un appel concernant ce qu’elle a décrit comme quelque chose qui ressemblait à un étrange rituel satanique. Cela nous a menés à ça. »
Avery s’accroupit à côté des repères rouges et examina la zone. Il y avait une heure et dix minutes. Cela signifiait que si la matière noire autour du squelette était des cendres, ce squelette avait été recouvert de peau au moins une heure et demie auparavant. Mais cela semblait improbable. Il faudrait une détermination et une planification malsaines pour tuer quelqu’un et ensuite miraculeusement le brûler jusqu’à l’os dans un laps de temps aussi court. En fait, elle pensait que ce serait presque impossible.
« Quelqu’un a des gants ? », demanda-t-elle.
« Une seconde », dit Ramirez.
Tandis qu’il courait vers Finley et les autres agents qui s’étaient écartés pour permettre à Avery d’avoir de l’espace, elle remarqua aussi une odeur dans la zone. Elle était faible mais décelable – une odeur chimique qui était presque comme de l’eau de javel à son nez.
« Quelqu’un d’autre sent ça ? », demanda-t-elle.
« Une sorte de produit chimique, c’est ça ? », demanda Connelly. « Nous supposons qu’un feu causé par des produits chimiques est la seule manière pour qu’on puisse faire frire un corps tel que celui-ci aussi rapidement. »
« Je ne pense pas que la combustion a été faite ici », dit-elle.
« Comment peux-tu en être aussi sûre ? », demanda Connelly.
Je ne le suis pas, pensa-t-elle. Mais la seule chose qui ait un sens pour moi à première vue à l’air assez absurde.
« Avery— »
« Une seconde », dit-elle. « Je réfléchis. »
« Nom de dieu… »
Elle l’ignora, examinant les cendres et le squelette avec un œil investigateur. Non…le corps n’aurait pas pu être brûlé ici. Il n’y a pas de marque de combustion autour du corps. Une personne en flammes s’agiterait et courrait partout frénétiquement. Rien du tout ici n’est brûlé. Le seul signe d’un feu d’aucune sorte est ces cendres. Donc pourquoi un tueur aurait-il brûlé le corps et ensuite l’aurait ramené ici ? Peut-être est-ce ici qu’il a pris la victime…
Les possibilités étaient infinies. L’une d’elles, pensa Avery, était que peut-être le squelette était la propriété d’un laboratoire médical quelque part et qu’il s’agissait seulement d’une blague stupide. Mais étant donné le lieu et l’impudence de l’acte, elle doutait que cela soit le cas.
Ramirez revint avec une paire de gants en latex. Avery les enfila et tendit la main vers les cendres. Elle en prit juste un peu entre son index et son pouce. Elle frotta ses doigts ensemble et les approcha de son visage. Elle les renifla et les examina de près. Elles ressemblaient à des cendres ordinaires mais présentaient des traces d’odeur chimique.
« Il faut que nous fassions analyser cette cendre », dit Avery. « S’il y avait des produits chimiques impliqués, il y a de bonnes chances qu’il y ait encore des traces dans les cendres. »
« Il y a une équipe de la scientifique en route tandis que nous parlons », dit Connelly.
Lentement, Avery se remit sur ses pieds et enleva les gants en latex. O’Malley et Finley approchèrent et Avery ne fut pas surprise de voir que Finley gardait ses distances avec le squelette et les cendres. Il les regardait comme si le squelette pouvait bondir sur lui à tout moment.
« Je suis en train de travailler avec la ville pour obtenir les images de chacune des caméras de sécurité dans un rayon de six pâtés de maisons », dit O’Malley. « Comme il n’y en a pas beaucoup dans cette partie de la ville, cela ne devrait pas prendre trop de temps. »
« Cela pourrait être une bonne idée d’obtenir aussi les numéros de toutes les entreprises qui vendent des produits chimiques hautement inflammables », fit remarquer Avery.
« Ça pourrait être des millions d’endroits », dit Connelly.
« Non, elle a raison », dit O’Malley. « Cette combustion n’a pas été réalisée seulement avec du nettoyant ménager ou un spray. C’était un produit chimique concentré, je dirais. Finley, pouvez-vous commencer à travailler sur ça ? »
« Oui, monsieur », dit Finley, manifestement ravi d’avoir une raison de quitter la scène de crime.
« Black et Ramirez…c’est votre affaire maintenant », dit O’Malley. « Travaillez avec Connelly pour mettre une équipe sur ça dès que possible. »
« Compris », dit Ramirez.
« Et Black, assurez vous que nous soyons rapides pour le reste. Votre arrivée en retard ce matin nous a retardés de quinze minutes. »
Avery hocha de la tête, ne se permettant pas de se faire entraîner dans une dispute. Elle savait que la plupart des hommes au-dessus d’elle cherchaient encore n’importe quelles petites choses pour la coincer. Et cela ne lui posait pas de problème. Étant donné son histoire sordide, elle s’y attendait presque.
Alors qu’elle commençait à s’écarter des marqueurs rouges, elle remarqua quelque chose d’autre à plusieurs mètres vers la droite. Elle l’avait vu quand elle s’était d’abord approchée des restes du squelette mais l’avait écarté comme étant une simple ordure. Mais maintenant alors qu’elle s’approchait des détritus, elle vit ce qui semblait être les éclats brisés de quelque chose. Cela ressemblait presque à du verre, potentiellement quelque chose qui avait été cuit dans un four à un moment donné. Elle marcha jusque-là, obtenant une meilleure vue du ruisseau boueux et stagnant le long de l’arrière du terrain.
« Quelqu’un a-t-il noté ça ? », demanda-t-elle.
Connelly approcha, à peine intéressé.
« Juste des détritus », dit-il.
Avery secoua la tête.
« Je ne le pense pas », dit-elle.
Elle remit les gants en latex et en ramassa un morceau. Après un examen de plus près, elle vit que quel que soit l’objet que cela avait été, il avait été fait de verre, pas d’un matériau en céramique. Il ne semblait pas y avoir de poussière ou d’usure naturelle patinée sur les fragments. Il y avait sept gros morceaux, environ de la taille de sa main, et ensuite d’innombrables petits éclats partout sur le sol. Hormis le fait d’avoir été brisé, ce qui avait été cassé paraissait être assez neuf.
« Quoi que ce soit, ce n’est pas là depuis très longtemps », dit-elle. « Assurez-vous que la scientifique vérifie ça pour des empreintes. »
« Je lancerai la scientifique dessus », dit Connelly sur un ton qui indiquait qu’il n’appréciait pas de recevoir des ordres. « Maintenant, vous deux…assurez-vous d’arriver au A1 d’ici la prochaine demi-heure. Je passerai quelques appels et j’aurais une équipe qui vous attendra dans la salle de conférence. Cette scène de crime est vieille de moins de deux heures ; j’aimerais serrer cet enfoiré avant qu’il n’ait une trop grande longueur d’avance. »
Avery jeta un dernier regard au squelette. Sans la couverture de sa chair, il avait l’air de sourire. Pour Avery, c’était presque comme si le tueur lui souriait, ravalant un rire moqueur. Et ce n’était pas seulement la vue d’un squelette récemment dépouillé qui lui faisait éprouver un sentiment de mauvais augure et de fatalité. C’était le lieu, les tas de cendres presque parfaitement sculptés autour des os, les restes non dissimulés et ce à dessein, et l’odeur chimique.
Tout cela semblait pointer vers quelque chose de précis. Cela pointait vers une intention et une organisation immenses. Et en ce qui concernait Avery, cela ne pouvait signifier qu’une chose : celui avait fait ça le referait certainement.
CHAPITRE QUATRE
Quarante minutes plus tard, Avery pénétrait dans la salle de conférence centrale du quartier général du A1. Elle était déjà remplie d’un mélange d’agents et d’experts, douze au total, et elle en connaissait la plupart, pas aussi bien que Ramirez ou Finley cependant. Elle supposait que c’était là sa propre faute. Après que Ramirez lui avait été affecté en tant qu’équipier, elle n’avait pas fait d’efforts pour se faire des amis. Cela paraissait être une chose idiote à faire en tant qu’inspectrice de la Criminelle.
Pendant qu’ils prenaient tous place autour de la table (excepté Avery, qui préférait toujours être debout), un agent qu’elle ne connaissait pas commença à faire passer des copies imprimées des maigres informations qu’ils avaient jusqu’à présent – des images de la scène de crime et une feuille de points importants de ce qu’ils savaient sur elle. Avery en examina une et la trouva succincte.
Elle s’aperçut qu’alors que tout le monde commençait à prendre place, Ramirez s’était assis devant elle. Elle baissa les yeux sur lui et réalisa qu’elle s’était instinctivement rapprochée de lui. Elle découvrit aussi qu’elle voulait poser sa main sur son épaule, juste pour le toucher. Elle recula, remarquant que Finley la regardait curieusement.
Merde, pensa-t-elle. C’est si évident ?
Elle se replongea dans l’occupation en relisant les notes. Pendant qu’elle le faisait, O’Malley et Connelly entrèrent dans la pièce. O’Malley ferma la porte et se dirigea vers l’avant de la salle. Avant qu’il ne commence à parler, les murmures et conversations cessèrent. Avery l’observa avec une grande appréciation et du respect. Il était le genre d’homme qui pouvait prendre en main une salle simplement en s’éclaircissant la gorge ou en faisant savoir qu’il était sur le point de parler.
« Merci de vous être rassemblés si rapidement », dit O’Malley. « Vous avez dans vos mains tout ce que nous savons à propos de cette affaire jusque-là, à une exception. J’ai demandé à des employés de la ville de tirer tout ce qu’ils pouvaient des caméras des feux de circulation dans la zone. Deux des quatre montrent une femme promenant son chien. Et c’est tout ce que nous avons. »
« Il y a une autre chose », dit un des agents attablés. Avery savait que le nom de cet homme était Mosely, mais c’était tout ce qu’elle connaissait à propos de lui. « J’ai appris deux minutes avant de rentrer dans cette réunion qu’une patrouille a répondu à un appel ce matin de la part d’un homme âgé affirmant qu’il avait vu ce qu’il a décrit comme un “grand homme suspect” marchant dans cette zone. Il a dit qu’il glissait une sorte de sac sous un long manteau. La patrouille en a pris note mais a supposé qu’il s’agissait juste d’un vieil homme indiscret qui n’avait rien d’autre à faire. Mais quand cette affaire de feu a débuté ce matin, ils m’ont averti de ça. »
« Avons-nous les coordonnées de ce vieil homme ? », demanda Avery.
Connelly lui décocha un regard contrarié. Elle supposa qu’il pensait qu’elle parlait alors que ce n’était pas son tour – même s’il lui avait dit il n’y avait pas plus de quarante-cinq minutes qu’il s’agissait de son affaire.
« Nous l’avons », répondit Mosely.
« Je veux quelqu’un au téléphone avec lui à l’instant ou cette réunion sera terminée », dit O’Malley. « Finley… Où en sommes-nous sur la liste des endroits qui vendent des produits chimiques pouvant brûler avec autant d’intensité dans un laps de temps aussi court ? »
« J’ai trois endroits dans un rayon de trente-deux kilomètres. Deux d’entre eux m’envoient par e-mail une liste de produits chimiques qui pourraient faire une telle chose et si oui ou non ils les gardent en stock. »
Avery écoutait les échanges, prenant des notes mentalement et essayant de les ranger dans les cases appropriées. Avec chaque nouveau renseignement, l’étrange scène de crime du matin commençait à prendre plus de sens. Bien que, en réalité, il n’y ait pas beaucoup de sens à saisir à ce stade.
« Nous n’avons toujours aucune idée de qui est la victime », dit O’Malley. « Nous allons devoir nous appuyer sur les fichiers dentaires seuls, sur celle-là à moins, que nous puissions établir un lien avec les images des caméras de circulation. » Il regarda ensuite vers Avery et lui fit signe de venir vers l’avant de la table. « L’inspectrice Black est en charge sur celle-ci donc tout ce que vous trouverez à partir de maintenant ira directement à elle. »
Avery le rejoignit devant et parcourut la table du regard. Ses yeux s’arrêtèrent sur Jane Parks, une des enquêtrices en chef de la scientifique. « Avons-nous des résultats pour les éclats de verre brisé ? », demanda-t-elle.
« Pas encore », dit Parks. « Nous savons pour sûr qu’il n’y avait pas d’empreintes digitales, par contre. Mais nous travaillons encore pour découvrir ce qu’était l’objet. Jusqu’ici nous pouvons seulement imaginer que cela a pu être une sorte de bibelot en rien lié au crime. »
« Et quelle est l’opinion de la scientifique concernant le feu ? », demanda Avery. « Êtes-vous aussi d’accord sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’un incendie fortuit ? »
« Oui. Les cendres sont encore en cours d’étude, mais il est évident qu’aucun feu ordinaire n’aurait pu brûler de la chair humaine aussi complètement. Il restait même à peine quelques restes calcinés sur les os et les os eux-mêmes avaient presque l’air immaculé, ne montrant aucun signe de carbonisation. »
« Et pouvez-vous nous décrire quelle pourrait être la procédure habituelle pour brûler un corps ? », demanda Avery.
« Eh bien, il n’y a rien de typique pour brûler un corps à moins que vous ne l’incinériez », dit Parks. « Mais disons qu’un corps est piégé dans une maison en flammes et qu’il est enflammé de cette manière. La graisse du corps agit comme une sorte de combustible une fois que la peau est brûlée, ce qui fait continuer le feu. Presque comme une bougie, vous voyez ? Mais ce feu a été rapide et très succinct…probablement si intense qu’il a vaporisé la graisse avant même qu’elle ne puisse agir comme combustible. »
« Combien de temps cela prendrait-il à un corps pour n’être réduit à rien de plus que des os ? », demanda Avery.
« Il y a plusieurs facteurs déterminants, dit Parks. « Mais entre cinq et sept heures est un nombre juste. Des feux lents et contrôlés, comme ceux employés dans les crématoriums, peuvent prendre jusqu’à huit heures. »
« Et celui-ci a brûlé en moins d’une heure et demie ? », demanda Connelly.
« Oui, c’est l’hypothèse », dit Parks.
La salle de conférence fut inondée de murmures de dégoût et d’effroi. Avery le comprenait. Il était dur pour elle de se faire à l’idée.
« Mais ce squelette…c’était un squelette récent », dit Parks. « Il n’a pas été sans sa peau, ses muscles, ses tissus, et cetera pendant très longtemps. Pas longtemps du tout. »
« Pouvez-vous formuler une hypothèse fondée sur quand le corps a été brûlé ?, demanda Avery.
« Assurément pas plus qu’un jour environ. »
« Donc cela a nécessité de l’organisation et des connaissances de pointe de la part du tueur », dit Avery. « Il devait en savoir beaucoup concernant la manière de brûler des corps. Et étant donné qu’il n’a fait aucune tentative pour dissimuler les restes et qu’il a tué la victime d’une façon aussi surprenante…cela dénote quelques choses. Et la chose que je crains le plus et que ceci est probablement le premier d’une longue série. »
« Que veux-tu dire ? », demanda Connelly.
Elle sentit tous les regards dans la pièce se tourner vers elle.
« Je veux dire que ceci est probablement l’œuvre d’un tueur en série. »
Un long silence recouvrit la salle.
« De quoi parles-tu ? », demanda Connelly. « Il n’y a aucune preuve pour étayer cela. »
« Rien d’évident », admit Avery. « Il voulait que les restes soient trouvés. Il n’a pas tenté de les dissimuler sur de terrain. Il y avait un ruisseau tout le long de l’arrière de la propriété. Il aurait pu tout jeter là. Plus que cela, il y avait des cendres. Pourquoi jeter les cendres sur la scène de crime quand tu pourrais facilement t’en débarrasser chez toi ? L’organisation et la méthode du meurtre…il a retiré une grande fierté et du plaisir de ça. Il voulait que les restes soient découverts et que l’on se perde en conjectures dessus. Et cela porte la marque d’un tueur en série. »
Elle sentit la salle la dévisageait en retour, sentit un air solennel à battre, et elle sut qu’ils pensaient la même chose qu’elle : ceci était en train d’évoluer d’une affaire singulière impliquant une crémation impromptue à une chasse urgente au tueur en série.
CHAPITRE CINQ
Après la tension de la réunion, Avery fut ravie de se retrouver derrière le volant de sa voiture avec Ramirez sur le siège passager. Il y avait un étrange silence entre eux qui la mettait mal à l’aise. Avait-elle été assez naïve pour penser que coucher ensemble n’allait pas altérer leur relation au travail ?
Était-ce une erreur ?
Cela commençait à y ressembler. Le fait que le sexe ait été assez proche de l’époustouflant rendait cela difficile à accepter, toutefois.
« Puisque nous avons une seconde », dit Ramirez, « allons-nous parler de la nuit dernière ? »
« On peut », dit Avery. « De quoi veux-tu discuter ? »
« Eh bien, au risque de passer pour le stéréotype du mâle, je me demandais si c’était une chose exceptionnelle ou si nous allions le refaire. »
« Je l’ignore », dit Avery.
« Déjà des regrets ? », demanda-t-il.
« Non », dit-elle. « Pas de regrets. C’est juste que sur le moment, je ne pensais pas à la manière dont cela affecterait notre relation de travail. »
« Je pense que cela ne peut pas faire de mal », dit Ramirez. « Toute blague mise à part, toi et moi avons tourné autour de cette alchimie physique pendant des mois maintenant. Nous avons enfin fait quelque chose pour ça, donc la tension devrait avoir disparu, non ? »
« On pourrait le penser », dit Avery avec un sourire espiègle.
« Ce n’est pas le cas pour toi ? »
Elle réfléchit pendant un moment et ensuite haussa les épaules. « Je ne sais pas. Et assez franchement, je ne suis pas encore sûre d’être prête à en parler. »
« Pas de problème. Nous sommes un peu au milieu de ce qui semble être une affaire extrêmement merdique. »
« Oui, nous le sommes », dit-elle. « Est-ce que tu as reçu le mail du commissariat ? Que sait-on d’autre sur notre témoin à part son adresse ? »
Ramirez regarda son téléphone et retrouva son e-mail. « Je l’ai », dit-il. « Notre témoin est Donald Greer, âgé de quatre-vingt-un ans. Retraité. Il vit dans un appartement à environ huit cents mètres de la scène de crime. C’est un veuf qui a travaillé pendant cinquante-cinq ans en tant que responsable sur un chantier naval après s’être fait exploser deux doigts de pied au Vietnam. »
« Et comment a-t-il pu voir le tueur ? », Demanda Avery.
« Ça, nous ne le savons pas encore. Mais j’imagine que c’est notre boulot de le découvrir, non ? »
« C’est ça », dit-elle.
Le silence retomba sur eux. Elle éprouva le réflexe de tendre la main et prendre la sienne mais se ravisa. Il était mieux de garder les choses strictement professionnelles. Peut-être finiraient-ils de nouveau au lit ensemble et peut-être que les choses progresseraient même plus que ça – vers quelque chose de plus affectif et concret.
Mais rien de cela n’importait maintenant. Maintenant, ils avaient un travail à faire et tout ce qui évoluait au sein de leur vie personnelle devrait simplement être mis en suspension.
***
Donald Greer présentait chacune des quatre-vingt-une années de son âge. Ses cheveux formaient une masse blanche lessivée au sommet de son crâne et ses dents étaient légèrement décolorées par l’âge et des soins inappropriés. Malgré cela, il était manifestement ravi d’avoir de la compagnie tandis qu’il invitait Avery et Ramirez dans sa maison. Quand il leur sourit, c’était si sincère que l’état disgracieux de ses dents parut disparaître.
« Puis-je vous offrir du café ou du thé ? », leur demanda-t-il alors qu’ils entraient.
« Non, merci », dit Avery.
Quelque part ailleurs dans la maison, un chien aboya. C’était un petit chien, dont l’aboiement suggérait qu’il pouvait être tout aussi vieux que Donald.
« Donc est-ce que c’est pour l’homme que j’ai vu ce matin ? », demanda Donald. Il se laissa lui-même tomber dans un fauteuil dans le salon.
« Oui monsieur, c’est ça », dit Avery. « On nous a dit que vous avez vu un homme de grande taille qui paraissait cacher quelque chose de sous son— »
Le chien qui se trouvait quelque part à l’arrière de l’appartement commençait à aboyer encore plus. Ses jappements étaient fort et en quelque sorte grisonnants.
« Tais-toi, Daisy ! », dit Donald. Le chien devint silencieux, poussant un petit gémissement. Donald secoua la tête et poussa un petit rire. « Daisy adore la compagnie », dit-il. « Mais elle se fait vieille et à tendance à uriner sur les gens quand elle est trop excitée, donc j’ai dû l’enfermer pour votre visite. J’étais dehors pour sa promenade ce matin quand j’ai vu cet homme. »
« Jusqu’où la promenez-vous ? », Demanda Avery.
« Oh, Daisy et moi marchons au moins deux kilomètres à peu près tous les matins. Mon cœur n’est plus aussi fort qu’avant. Le docteur a dit que j’avais besoin de marcher autant que possible. C’est censé maintenir mes articulations en état de marche aussi. »
« Je vois », dit Avery. « Empruntez-vous le même trajet tous les matins ? »
« Non. Nous changeons de temps en temps. Il y a environ cinq chemins différents que nous prenons. »
« Et où étiez-vous quand vous avez vu l’homme ce matin ? »
« Sur Kirkley. Moi et Daisy venons juste de passer l’angle de Spring Street. Cette partie de la ville est toujours vide le matin. Quelques camions ici et là mais c’est tout. Je pense que nous avons croisé deux ou trois autres personnes au cours du dernier mois…et elles marchaient toutes avec leur chien. Vous n’avez même pas ces personnes masochistes qui aiment courir dans cette zone. »
Il était évident à la manière dont il discutait que Donald Greer n’avait pas beaucoup de visiteurs. Il était excessivement bavard et parlait très fort. Avery se demanda si c’était en raison de l’âge qui avait affecté son ouïe ou si ses oreilles avaient été endommagées à force d’écouter Daisy tempêter toute la journée.
« Et cet homme allait ou venait ? », demanda Avery.
« Il allait, je pense. Je ne suis pas sûr. Il était bien devant moi et il parut en quelque sorte s’arrêter pour une seconde quand je suis arrivé sur Kirkley. Je pense qu’il savait que j’étais là, derrière lui. Il a recommencé à marcher, un peu vite, et ensuite à juste disparu dans le brouillard. »
« Peut-être a-t-il pris une de ces rues adjacentes le long de Kirkley. »
« Non. Je l’aurais su. Daisy devient folle quand elle voit un autre chien ou même en sent un dans les parages. Mais elle est restée aussi calme que toujours. »
« Avez-vous une idée quelconque de ce qu’il pouvait tenir sous cette veste que vous dites l’avoir vu porter ? »
« Je n’ai pas pu voir », dit Donald. « Je l’ai juste vu déplacer quelque chose dessous. Mais le brouillard ce matin était juste trop épais. »
« Et pour le manteau qu’il portait ? », demanda Avery. « De quelle sorte était-il ? »
Avant qu’il ne puisse répondre, ils furent interrompus par le téléphone de Ramirez. Il répondit et s’éloigna, en parlant à voix basse.
« Le manteau », dit Donald, « était semblable à ces sortes de longs manteaux noirs et chics que les hommes d’affaires portent parfois. Le genre qui descend jusqu’aux genoux. »







