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« Agents, je vais ressortir sur le porche, » dit-il. « M’assurer qu’il n’y ait pas d’yeux indiscrets. Appelez-moi si vous avez besoin de quoi que ce soit. Mais je peux tout de suite vous dire que… tout ce que vous voudriez savoir et qui ne se trouve pas déjà dans les rapports que nous vous avons envoyés, c’est à l’un des mes hommes qu’il faudra le demander – un type du nom de Foster. À Deton, on n’a pas vraiment l’habitude de ce genre d’affaires. On se rend compte combien on n’est pas préparé à faire face à ce genre de choses. »
« Ce serait bien qu’on puisse lui parler après avoir inspecté la maison, » dit DeMarco.
« Je vais l’appeler pour m’assurer qu’il soit au commissariat, alors. »
Il ressortit silencieusement par la porte d’entrée, en les laissant sur la scène de crime. Kate contourna les taches de sang sur la moquette. Il y avait également des taches sur le divan et des éclaboussures sur le mur, juste au-dessus du divan. Une petite table de salon se trouvait devant le canapé, où étaient éparpillés quelques factures, un gobelet en plastique vide et une télécommande. Ça pourrait être le signe qu’il y avait eu une sorte de lutte mais si c’était le cas, elle ne devait pas avoir été particulièrement féroce.
« Pas de réels signes de lutte, » dit DeMarco. « À moins que leur fille soit du genre athlétique, je ne vois pas comment elle aurait pu faire ça. »
« Si c’est la fille, il se pourrait qu’ils ne l’aient pas vu venir, » dit Kate. « Peut-être qu’elle est entrée dans la pièce en cachant l’arme derrière elle. Peut-être que l’un d’entre eux était déjà mort avant que l’autre ne comprenne ce qui se passe. »
Elles examinèrent l’endroit pendant quelques instants, sans rien y trouver qui sorte de l’ordinaire. Il y avait quelques photos accrochées au mur, dont la plupart étaient des photos de famille. C’était la première fois que Kate voyait le visage de la fille disparue, Mercy Fuller. Les photos la montraient à différentes étapes de sa vie : depuis l’âge de cinq ans jusqu’à des photos plus récentes. C’était une jolie fille qui allait probablement devenir une très belle femme vers l’âge de la majorité. Elle avait des cheveux noirs, des yeux bruns et un sourire radieux.
Elles continuèrent leur inspection de la maison et arrivèrent dans une chambre qui appartenait visiblement à une adolescente. Un journal brillant était posé sur un bureau qui était jonché de stylos et de feuilles de papier. Un ananas rose en céramique était posé sur le bord. C’était un porte-photo avec un support en fil de fer sur le haut. La photo de deux adolescentes souriantes y était accrochée.
Kate ouvrit le journal. La dernière note datait d’il y a huit jours et parlait d’un garçon du nom de Charlie, qui l’avait rapidement embrassée au moment où ils avaient changé de salles de cours à l’école. Elle examina quelques-unes des notes précédentes et y trouva des histoires similaires : la difficulté d’un examen, l’envie que Charlie fasse plus attention à elle, que cette conne de Kelsey Andrews se fasse renverser par un bus.
Il n’y avait aucun signe nulle part dans sa chambre d’une quelconque intention d’homicide. Elles allèrent ensuite dans la chambre à coucher des parents et n’y trouvèrent rien d’intéressant non plus. Il y avait quelques magazines pour adultes cachés dans l’armoire mais à part ça, les Fuller avaient l’air irréprochables.
Quand elles ressortirent de la maison une vingtaine de minutes plus tard, Barnes était toujours sur le porche. Il était assis dans une chaise longue usée et fumait une cigarette.
« Vous avez trouvé quelque chose ? » demanda-t-il.
« Rien, » répondit DeMarco.
« Mais je me demande quand même, » ajouta Kate. « Si vous aviez trouvé un ordinateur portable ou un téléphone dans la chambre de la fille ? »
« Non. Maintenant, en ce qui concerne l’ordinateur… ce n’est pas vraiment surprenant. Peut-être que vous avez pu vous en rendre compte en voyant l’état de leur maison, mais les Fuller n’étaient pas vraiment le genre de famille qui pouvait se permettre d’acheter un ordinateur pour leur fille. Quant au téléphone, les factures des Fuller montrent que Mercy avait effectivement son propre téléphone. Mais personne n’est parvenu à le localiser. »
« Peut-être qu’il est éteint, » dit DeMarco.
« Probablement, » dit Barnes. « Mais apparemment – et je viens de l’apprendre – même quand un téléphone est éteint, on peut localiser l’endroit où il était allumé pour la dernière fois… avant d’être éteint. Et la police d’état a découvert que le dernier endroit où il était allumé, c’était ici, dans la maison. Mais comme vous l’avez vous-même remarqué, il n’est nulle part. »
« Combien de vos hommes travaillent actuellement sur l’enquête ? » demanda Kate.
« Pour l’instant, trois au commissariat qui gèrent les entretiens et font des recherches sur leurs derniers achat, les derniers endroits où ils sont allés, ce genre de choses. La police d’état nous a laissé un de leurs hommes pour nous aider, mais il n’est pas vraiment enchanté à cette idée. »
« Vous avez également mentionné que l’un de vos hommes dirigeait l’enquête à vos côtés ? »
« C’est bien ça. L’officier Foster. Il a un esprit plutôt acéré. »
« Est-ce que vous pourriez nous ramener au commissariat pour qu’on ait une petite réunion ? » demanda Kate. « Mais juste avec vous et l’officier Foster. En petit comité. »
Barnes hocha la tête d’un air sombre, en se levant de son fauteuil et en jetant son mégot de cigarette dans le jardin. « Vous voulez parler de la possibilité que Mercy soit un suspect sans que trop de monde ne soit au courant. C’est bien ça ? »
« Je pense que ce serait imprudent d’écarter cette possibilité sans l’avoir étudiée de plus près, » dit Kate. « Et pendant qu’on envisage cette option, oui, vous avez raison. Moins il y a de gens au courant, mieux c’est. »
« J’appellerai Foster quand on sera en route pour le commissariat. »
Il descendit les marches du porche, en jetant un regard noir à la journaliste et au caméraman. Kate était certaine qu’il devait au moins avoir eu une altercation avec des journalistes au cours de ces deux derniers jours.
En entrant dans la voiture, elle jeta également un regard méfiant en direction de la journaliste. Elle savait que dans une communauté comme Deton, un tel meurtre pouvait être particulièrement choquant. Et elle savait que les médias dans ce genre de régions ne reculaient généralement devant rien pour obtenir un scoop.
Kate se demanda d’ailleurs s’il n’y avait pas plus à découvrir que ce qu’elle voyait – et si c’était le cas, ce qu’il faudrait qu’elle fasse pour avoir tous les éléments en main.
CHAPITRE TROIS
Le commissariat de Deton était exactement ce à quoi Kate s’attendait. Il était situé au bout du tronçon de nationale qui traversait la ville et c’était un simple bâtiment en briques avec un drapeau américain flottant au sommet. Quelques voitures de patrouille étaient garées à côté de l’édifice et leur nombre réduit reflétait la taille de la ville elle-même.
À l’intérieur, un espace ouvert occupait l’essentiel du bâtiment. Un guichet de réception se trouvait à l’entrée mais il était actuellement vide. En fait, l’endroit avait l’air plutôt désert. Elles suivirent Barnes au fond du bâtiment, le long d’un couloir sur lequel s’ouvraient cinq bureaux, dont l’un d’entre eux était orné d’une plaque indiquant Shérif Barnes. Barnes les guida jusqu’à la dernière salle du couloir, une toute petite pièce qui avait été aménagée en une sorte de salle de conférence. Un officier était assis à la table et feuilletait une pile de documents.
« Agents, je vous présente l’officier Foster, » dit Barnes.
L’officier Foster était un homme jeune, qui devait probablement avoir la trentaine. Il avait les cheveux rasés et un air renfrogné. Kate vit tout de suite qu’il n’était pas du genre à plaisanter. Ce n’était pas le genre à raconter des blagues pour détendre l’atmosphère, ni à s’encombrer de conversations futiles pour mieux apprendre à connaître les agents assis en face de lui.
Kate sut tout de suite qu’il allait lui plaire.
« L’officier Foster est la personne de référence qui a centralisé toutes les informations concernant cette affaire depuis que le pasteur Poulson nous a appelés, » expliqua Barnes. « Toutes les informations que nous avons reçues sont passées par lui et il les a ajoutées aux dossiers de l’enquête. Quelle que soit la question que vous avez, il pourra probablement y répondre. »
« Je ne sais pas si ce sera le cas, » dit Foster, « mais je ferai certainement de mon mieux pour y répondre. »
« Savez-vous à qui les trois Fuller ont pu parler – à part l’un avec l’autre – avant les meurtres ? » demanda Kate.
« Alvin Fuller a parlé à un ancien ami du lycée, au moment où il sortait d’une station-service située sur la nationale 44, » dit Foster. « Il rentrait du boulot, il s’était arrêté pour acheter des bières et il est tombé sur lui par hasard. L’ami nous a raconté qu’ils ont essentiellement parlé de leur travail et de leur famille. Une conversation très superficielle, pour rester poli. L’ami dit qu’il n’a rien remarqué de spécial chez Alvin.
« Quant à Wendy Fuller, la dernière personne à laquelle elle a parlé est une collègue de travail. Wendy travaillait dans le petit entrepôt d’expédition qui se trouve aux abords de la ville. La collègue en question nous a dit que la dernière chose dont elles avaient parlé, c’était que Wendy était préoccupée par le fait que Mercy commence à s’intéresser aux garçons. Mercy avait apparemment récemment embrassé son premier garçon et Wendy était préoccupée à ce sujet. Mais à part ça, elle avait l’air tout à fait normale, comme à son habitude. »
« Et qu’en est-il de Mercy ? » demanda DeMarco.
« La dernière personne à laquelle elle a parlé est sa meilleure amie, une fille du nom d’Anne Pettus. On a parlé à deux reprises à Anne, pour s’assurer qu’elle racontait à chaque fois la même histoire. Elle nous a dit que la dernière conversation qu’elles avaient eue était concernant un garçon du nom de Charlie. Selon Anne, ce Charlie n’était pas le petit-ami de Mercy. Anne nous a également raconté quelque chose qui contredit un peu ce que les parents de Mercy pouvaient savoir à son sujet. »
« Comme un mensonge ? » demanda Kate.
« Oui. Selon les dires de la collègue de Wendy, la mère était apparemment préoccupée par le fait que sa fille ait embrassé un garçon pour la première fois. Mais selon Anne Pettus, ce n’est pas vrai. Apparemment, Mercy aurait eu son premier baiser il y a déjà très longtemps. »
« Est-ce que c’était une fille un peu légère ? »
« Anne n’a pas dit ça mais elle a dit qu’elle savait avec certitude que Mercy avait déjà fait bien plus qu’embrasser un garçon. »
« Concernant sa disparition, vers quelles hypothèses nous mènent les indices récoltés jusqu’à présent ? » demanda Kate. « Qu’elle pourrait avoir été enlevée, ou qu’elle serait partie de son propre chef ? »
« À moins que vous trouviez de nouveaux indices, il n’y a aucun signe qui nous fait penser que Mercy ait été enlevée contre sa volonté. En fait, nous avons même trouvé certains éléments qui suggèrent qu’elle pourrait être partie de son propre chef. »
« Quel genre d’éléments ? »
« Selon Anne, Mercy avait un peu d’argent de côté. Elle savait même où elle le cachait : au fond de son tiroir à chaussettes. On a vérifié et on a retrouvé environ trois cents dollars. Ce qui va un peu à l’encontre de l’hypothèse qu’elle ait décidé de partir d’elle-même car elle aurait sûrement emporté cet argent, non ? Mais la dernière chose que Mercy a payé avec sa carte de crédit, c’était un plein d’essence environ deux ou trois heures avant que les corps de ses parents ne soient retrouvés. Avant ça, deux jours plus tôt, elle a acheté quelques produits de toilette de voyage dans un magasin à Harrisonburg : une brosse à dents, du dentifrice et du déodorant. Cet achat se reflète sur ses relevés de carte de crédit et Anne nous l’a confirmé, vu qu’elle l’accompagnait ce jour-là. »
« Est-ce qu’elle a demandé à Mercy pourquoi elle avait besoin de ces articles de toilette de voyage ? » demanda Kate.
« Oui. Mercy lui a répondu qu’elle n’avait plus grand-chose chez elle et qu’elle n’avait pas envie de devoir demander à ses parents de lui en acheter. »
« Et aucun petit-ami connu ? » demanda Kate.
« Pas selon Anne. Et elle avait l’air de tout savoir sur Mercy. »
« J’aimerais parler à Anne, » dit Kate. « Est-ce que vous pensez qu’elle serait réceptive à cette idée ou qu’elle serait plutôt réticente ? »
« Elle serait certainement ravie de vous parler, » dit Foster.
« Il a raison, » ajouta Barnes. « Elle nous a même appelés à plusieurs reprises après avoir été interrogée pour savoir si on avait du neuf. Elle est vraiment disposée à aider. Et sa famille aussi, qui nous a laissés lui parler sans aucun problème. Si vous voulez, je peux les appeler pour arranger un rendez-vous. »
« Ce serait formidable, » dit Kate.
« C’est une fille forte, » dit Foster. « Mais juste entre nous… je pense qu’elle cache quelque chose. Peut-être rien de grave en soi. Mais je pense qu’elle veut être sûre de ne rien révéler de négatif concernant sa meilleure amie disparue. »
C’est compréhensible, pensa Kate.
Mais elle savait également que le fait qu’elles soient meilleures amies était une raison plus que suffisante pour ne pas vouloir tout leur raconter.
***
Les parents d’Anne l’avait naturellement autorisée à rester à la maison et à ne pas aller à l’école. Quand Kate et DeMarco arrivèrent à la maison des Pettus – qui était située sur une route similaire à celle où les Fuller vivaient – les parents se trouvaient derrière la porte d’entrée et les attendaient. Kate les vit à travers la porte moustiquaire au moment où elle se garait dans leur allée en forme de U.
Monsieur et madame Pettus sortirent sur le porche pour aller à leur rencontre. Le père avait les bras croisé et un air triste sur le visage. La mère avait l’air fatiguée, elle avait les yeux injectés de sang et les épaules affaissées.
Après une brève présentation, monsieur et madame Pettus allèrent directement au but. Ils ne furent ni impolis, ni insistants, mais ils s’exprimèrent comme des parents préoccupés qui voulaient éviter que leur fille passe par des moments désagréables sans que ce ne soit absolument nécessaire.
« On dirait qu’elle va de mieux en mieux au fur et à mesure qu’elle en parle, » dit madame Pettus. « Je pense que plus le temps passe, plus elle commence à comprendre que sa meilleure amie n’est pas forcément morte. Plus elle commence à envisager le fait qu’elle ait tout simplement disparu, plus elle a envie d’aider à la retrouver. »
« Il n’empêche, » ajouta monsieur Pettus, « que j’apprécierais fortement si vous lui posiez des questions assez brèves et que vous gardiez un ton optimiste. Nous n’allons pas intervenir pendant que vous l’interrogez, mais s’il y a quoi que ce soit qui semble la bouleverser, nous mettrons fin à votre visite. »
« C’est tout à fait compréhensible, » dit Kate. « Et je vous promets que nous ferons très attention à la manière dont nous lui parlons. »
Monsieur Pettus hocha la tête et finit par leur ouvrir la porte d’entrée. Quand elles entrèrent dans la maison, Kate vit tout de suite Anne Pettus. Elle était assise sur le divan, avec les mains serrées entre les genoux. Tout comme sa mère, elle avait l’air fatiguée et bouleversée. Kate savait que les adolescentes avaient tendance à avoir des liens très fort avec leurs meilleures amies. Elle ne pouvait imaginer la quantité d’émotions qui devaient traverser cette pauvre jeune fille.
« Anne, » dit madame Pettus. « Voici les agents dont nous t’avons parlé. Est-ce que tu veux toujours bien répondre à leurs questions ? »
« Oui, maman. Ça va aller. »
Les parents firent un petit signe de la tête en direction de Kate et DeMarco et ils prirent place de chaque côté de leur fille. Kate remarqua qu’Anne commença vraiment à être mal à l’aise au moment où ses parents se retrouvèrent à côté d’elle.
« Anne, » dit Kate, « on va essayer de faire vite. On nous a déjà raconté tout ce que tu as dit à la police, alors nous n’allons pas te demander de tout répéter à nouveau. À une seule exception. J’aimerais en savoir plus concernant les achats que Mercy a faits à Harrisonburg. Elle y a acheté plusieurs articles de toilette de voyage, c’est bien ça ? »
« Oui. J’ai trouvé ça bizarre. Elle s’est contentée de me dire qu’elle n’avait plus grand-chose chez elle. Du dentifrice, une petite brosse à dents, du déodorant, ce genre de choses. Je lui ai demandé pourquoi c’était elle qui les achetait et pas ses parents, mais elle a en quelque sorte éludé la question. »
« Est-ce que tu penses qu’elle était heureuse à la maison ? »
« Oui. Mais bon… elle a quinze ans. Elle adore ses parents mais elle déteste cet endroit. Elle parle de quitter Deton depuis qu’elle a au moins dix ans. »
« Est-ce que tu sais pourquoi ? » demanda DeMarco.
« Il n’y a rien à faire ici, on s’ennuie, » dit Anne. Elle regarda ses parents d’un air désolé. « Je suis juste un peu plus âgée que Mercy. J’ai seize ans et j’ai mon permis. Et parfois, on allait se promener ensemble pour faire du shopping, aller voir un film. Mais il faut au moins rouler une heure pour pouvoir faire ce genre de choses. Il n’y a rien à faire à Deton. »
« Est-ce que tu sais où elle aurait voulu aller ? »
« À Palm Springs, » dit Anne, en riant. « Elle avait vu une série avec des gens qui faisaient la fête à Palm Springs et elle avait beaucoup aimé. »
« Est-ce qu’elle envisageait d’aller à une université en particulier ? »
« Je ne pense pas. Sur le peu d’informations qu’on a reçu à l’école concernant des universités, elle avait montré de l’intérêt pour l’université de Virginie et celle de Wake Forest, en Caroline du Nord. Mais… je ne sais pas si ça l’intéressait vraiment. »
« Est-ce que tu peux nous parler de Charlie ? » demanda Kate. « Nous avons vu son nom dans son journal intime et nous savons qu’ils étaient au moins assez proches pour échanger un rapide baiser entre deux cours. Mais selon la police, tu as dit que Mercy n’avait pas de petit-ami. »
« Non, elle n’en a pas. »
Kate remarqua que le ton d’Anne changea légèrement à ces mots. Elle avait également l’air un peu plus tendue. Apparemment, c’était un sujet sensible. Mais vu qu’elle n’avait que seize ans et que ses parents étaient assis à côté d’elle, Kate savait qu’elle ne pouvait pas l’accuser directement de mentir. Il lui fallait adopter une autre approche. Peut-être qu’il y avait des choses concernant son amie qu’elle ne voulait tout simplement pas dire à haute voix.
« Alors Charlie et elle étaient juste amis ? » demanda Kate.
« En quelque sorte. Je pense qu’ils s’aimaient bien mais qu’ils ne voulaient pas vraiment sortir ensemble. Vous comprenez ? »
« Est-ce qu’elle a fait d’autres choses avec Charlie, hormis le fait d’échanger un baiser ? »
« Si c’était le cas, Mercy ne m’en a jamais parlé. Et elle me racontait tout. »
« Est-ce que tu sais si elle cachait des choses à ses parents ? »
Kate remarqua à nouveau qu’Anne avait l’air un peu mal à l’aise. Ce fut un bref instant et une expression fugace sur son visage, mais Kate reconnut cet air qu’elle avait déjà vu d’innombrables fois dans le passé – surtout dans des enquêtes où des adolescents étaient impliqués. Un éclair fugace dans les yeux, bouger de manière inconfortable sur sa chaise, en répondant du tac au tac sans réfléchir à la réponse, ou en prenant bien trop de temps pour répondre.
« À nouveau, si c’était le cas, elle ne m’en a jamais parlé. »
« Et point de vue job ? » demanda Kate. « Est-ce que Mercy travaillait quelque part ? »
« Pas récemment. Il y a quelques mois d’ici, elle travaillait une dizaine d’heures par semaine comme tuteur pour des enfants du collège. Elle donnait des cours d’algèbre, je pense. Mais ils ont arrêté parce qu’il n’y avait pas assez d’enfants qui venaient à ces cours de rattrapage. »
« Est-ce que ça lui plaisait ? » demanda DeMarco.
« Oui, je pense. »
« Elle ne t’a jamais raconté d’anecdotes particulières en rapport avec ce job de tuteur ? »
« Non, aucune. »
« Mais tu es certaine que Mercy te racontait tout, n’est-ce pas ? » demanda DeMarco.
Anne eut l’air légèrement mal à l’aise à cette question. C’était peut-être aussi la première fois qu’elle était interrogée d’une manière aussi conflictuelle – en remettant en cause quelque chose qu’elle a affirmé être vrai.
« Je pense, » dit Anne. « C’était… c’est ma meilleure amie. Et j’insiste sur le c’est parce qu’elle est toujours vivante. Je le sais. Parce que si elle est morte… »
Sa phrase resta en suspens pendant un moment. Kate vit que l’émotion sur le visage d’Anne était bien réelle. Elle savait qu’Anne ne tarderait plus à se mettre à pleurer. Et si ça arrivait, Kate était certaine que ses parents allaient leur demander de partir. Cela voulait dire qu’elles n’avaient plus beaucoup de temps devant elles – et que Kate allait devoir être un peu plus directe si elle espérait obtenir des réponses.
« Anne, on veut vraiment découvrir ce qui est arrivé. Et tout comme toi, nous pensons que Mercy est toujours vivante. Mais dans le cas de disparitions, le timing est vraiment crucial. Plus le temps passe, plus nos chances de la retrouver diminuent. Alors s’il te plaît… s’il y a quoi que ce soit que tu n’as pas voulu dire à la police de Deton, c’est important que tu nous le dises à nous. Je sais que dans une petite ville comme celle-ci, tu dois sûrement te préoccuper de ce que les autres vont penser et… »
« Je pense que ça suffit, » dit monsieur Pettus. Il se leva et se dirigea vers la porte. « Je n’aime pas beaucoup le fait que vous sous-entendiez que notre fille ait pu cacher des informations. Et vous voyez bien qu’elle est bouleversée, là. »
« Monsieur Pettus, » dit DeMarco. « Si Anne… »
« Nous avons été plus que flexibles sur le fait qu’elle réponde à vos questions, mais c’est fini maintenant. Alors, s’il vous plaît… je vous prie de partir. »
Kate et DeMarco échangèrent un regard démoralisé et se levèrent de leur siège. Kate fit trois pas en direction de la porte avant d’être stoppée net par la voix d’Anne.
« Non… attendez. »
Les quatre adultes se retournèrent vers Anne. Des larmes coulaient maintenant sur ses joues et son regard s’était durci. Elle regarda un instant ses parents avant de détourner les yeux, d’un air gêné.
« Qu’est-ce qu’il y a ?” demanda madame Pettus à sa fille.
« Mercy a bien un petit-ami. Enfin, en quelque sorte. Mais ce n’est pas Charlie. C’est cet autre garçon… et elle n’en a jamais parlé à personne parce que si ses parents l’apprenaient, ils seraient devenus fous. »
« Et qui est ce garçon ? » demanda Kate.
« Un type qui vit près de Deerfield. Il est plus âgé… dix-sept ans. »
« Et ils sortaient ensemble ? » demanda DeMarco.
« Ce n’était pas vraiment sortir ensemble. Mais ils se voyaient. Et quand ils se retrouvaient, je pense… eh bien, je pense que c’était uniquement physique. Mercy aimait beaucoup le fait qu’un garçon plus âgé lui accorde de l’attention, vous voyez ? »
« Et pourquoi est-ce que ses parents n’auraient pas approuvé ? » demanda Kate.
« Eh bien, tout d’abord en raison de leur différence d’âge. Mercy a quinze ans et ce type en a presque dix-huit. Mais c’est aussi un type pas trop fréquentable. Il a arrêté l’école et il traîne avec des gens pas très recommandables. »
« Est-ce que tu sais si leur relation était sexuelle ? » demanda Kate.
« Elle ne me l’a jamais dit. Mais je pense que c’était le cas parce que quand je la taquinais à ce sujet, elle restait silencieuse. »
« Anne, » dit monsieur Pettus. « Pourquoi n’en as-tu pas parlé à la police ? »
« Parce que je ne voulais pas qu’on pense mal de Mercy. Elle… c’est ma meilleure amie. Elle est vraiment gentille et… ce type, c’est une racaille. Je ne comprends pourquoi elle l’aimait autant. »






