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Dès que la demande écrite parvient au SEM, elle est enregistrée dans le SYMIC16 et le canton compétent en est avisé. L’exécution du renvoi est alors suspendue d’office (art. 42 LAsi).17
Les obstacles d’ordre formel ne sauraient entraîner que des personnes persécutées ne puissent plus invoquer leurs motifs de fuite. Il est tout à fait concevable que des requérants qui reviennent en Suisse après un retour accompli dans leur pays d’origine – le pays persécuteur potentiel – aient de nouveaux motifs d’asile, mais qu’ils ne puissent pas les faire valoir de manière adéquate faute de connaissances linguistiques et juridiques. Comme le nouveau droit continue d’exiger que toutes les demandes soient examinées [61]avec diligence,18 le SEM est tenu, dans ces cas, de donner au requérant l’occasion de préciser et de compléter sa demande ou de l’entendre sur cette demande.19 A notre avis, tel devrait toujours être le cas lorsque les arguments du requérant sont, à première vue, de nature à fonder la qualité de réfugié.
3.3 Relation avec la procédure relevant du droit des étrangers
Après le dépôt d’une demande d’asile au sens de l’art. 18 LAsi, le requérant ne peut plus engager une procédure visant à l’obtention d’une autorisation de séjour relevant du droit des étrangers sauf s’il y a droit (art. 14 al. 1 LAsi)20 ou si le canton lui accorde une autorisation pour cas de rigueur au sens de l’art. 14 al. 2 LAsi. Si une procédure visant à l’octroi d’une autorisation de séjour est en cours au moment du dépôt de la demande d’asile, elle devient sans objet (art. 14 al. 5 LAsi).21 A l’instar de l’art. 14 al. 1, cette règle ne s’applique pas si le requérant bénéficie d’un droit à l’octroi d’une autorisation. La séparation des procédures vient surtout du fait que c’est la Confédération qui est compétente pour la reconnaissance de la qualité de réfugié et pour l’octroi de l’asile (art. 6a al. 1 LAsi), alors que ce sont les cantons qui octroient les autorisations relevant du droit des étrangers (art. 40 al. 1 LEtr).22
En revanche, si le requérant d’asile est déjà au bénéfice d’une autorisation de séjour, celle-ci reste valable et peut même être prolongée selon les dispositions relevant du droit des étrangers (art. 14 al. 6 LAsi). Cette hypothèse peut se réaliser par exemple si des changements dans la situation politique du pays d’origine d’une personne séjournant en Suisse sont tels que cette personne pourrait être persécutée en cas de retour. La demande d’asile doit alors être déposée dans l’un des cinq centres d’enregistrement et de procédure, mais les requérants concernés pourront séjourner dans leur canton de domicile jusqu’à la fin de la procédure d’asile.23
3.4 Excursus : entrée illégale
Les personnes qui cherchent à obtenir l’asile et qui se trouvent à la frontière, à proximité ou à l’intérieur du pays, sont envoyées par l’autorité cantonale ou fédérale dans un CEP. Cette autorité relève l’identité complète du requérant, avise le [62]CEP le plus proche et établit un laissez-passer pour que le requérant puisse s’y rendre. Une fois sur place, celui-ci doit s’annoncer au plus tard le jour ouvrable suivant (art. 8 OA 1). En 2014, il y a eu au total 23’765 demandes d’asile dont 19’111 (soit 80 %) qui ont été déposées directement dans un CEP.24 En raison de son importance pratique, la procédure au CEP fait l’objet d’un point séparé (voir pt 4).
La majorité des requérants entre en Suisse en contournant les contrôles douaniers. L’entrée légale pour chercher protection en Suisse est rendue difficile notamment par le fait que les personnes persécutées ne disposent souvent pas de documents de voyage ni de visas. En outre, dans les pays touchés par la guerre ou la guerre civile, les structures étatiques ne sont souvent plus en mesure d’établir ou de délivrer les papiers en question.
En Suisse, le seul fait d’entrer illégalement dans le pays n’engendre pas d’inconvénients de procédure pour les requérants d’asile. Si ceux-ci sont reconnus comme réfugiés, ils bénéficient de l’art. 31 CR selon lequel aucune sanction pénale ne saurait être appliquée aux réfugiés en cas d’entrée ou de séjour irrégulier dans le pays d’accueil. Mais il faut que la personne vienne directement d’un territoire où sa vie ou sa liberté au sens de l’art. 1 CR était menacée, qu’elle s’annonce sans retard aux autorités et leur expose les motifs pouvant justifier son entrée et/ou son séjour irréguliers. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une personne se rend « immédiatement » du pays persécuteur en Suisse également lorsqu’elle n’a fait que passer par d’autres pays dans le but de venir en Suisse le plus rapidement possible.25
De même, de l’avis du HCR, il y a aussi « arrivée directe » d’un pays persécuteur lorsque le requérant a traversé de manière ininterrompue des Etats tiers. Dans ses recommandations, le HCR a du reste répété à diverses reprises que la seule entrée illégale ne pouvait pas rendre la demande d’asile abusive ou infondée et a invité la communauté des Etats à ne pas prévoir de restrictions d’accès à la procédure pour les personnes en situation irrégulière.26
L’examen de l’existence d’un motif valable justifiant l’entrée illégale exige une prise en considération de toutes les circonstances de la fuite. Il arrive souvent qu’un tel motif découle déjà de la crainte fondée de persécution.27
[63]Selon la jurisprudence,28 cela ne vaut toutefois que pour les personnes reconnues comme réfugiés par le droit interne. Si la personne n’obtient pas la qualité de réfugié, le Tribunal fédéral estime que l’art. 31 par. 1 CR ne trouve pas application. Un état de nécessité au sens des art. 17 et 18 CP n’entre pas non plus en considération, les conditions requises pour admettre un tel état, licite ou excusable, étant plus restreintes que celles permettant de justifier l’entrée au sens de l’art. 31 par. 1 CR. Dans un tel cas, une poursuite pénale selon l’art. 115 al. 1 let. a LEtr serait donc possible. Si une expulsion intervient immédiatement, il peut cependant être renoncé à toute poursuite (art. 115 al. 4 LEtr). La pratique des cantons est très variable sur ce point.
Cette interprétation semble cependant trop restrictive au vu de l’objectif de protection de l’art. 31 CR. Compte tenu de l’issue imprévisible de la procédure d’asile, les personnes dont la demande ne semble pas dépourvue de toute chance de succès devraient pouvoir se prévaloir de motifs de justification lorsque les conditions de l’art. 31 par. 1 CR sont remplies. La quotité de la peine prévue par la loi, à savoir une peine privative de liberté jusqu’à un an ou une peine pécuniaire, méconnaît, à notre sens, la situation déjà difficile des requérants d’asile. Des personnes ayant fui leur pays d’origine pour un motif ou un autre ne disposent en général pas d’assez d’argent pour pouvoir s’acquitter d’une peine pécuniaire. Quant à elle, la privation de liberté semble être une sanction disproportionnée pour une entrée illégale. Lorsqu’une demande d’asile suit le « comportement délictueux » d’une entrée illégale, la personne part subjectivement de l’idée que son entrée en Suisse est justifiée par les motifs invoqués à l’appui de sa demande d’asile. La punissabilité dépend d’une décision administrative – c’est-à-dire de la décision sur la demande d’asile – dont le résultat ne peut toutefois en règle générale pas être prévu à l’avance par le requérant. C’est pourquoi, on peut se demander si une éventuelle faute peut être retenue sous l’angle du droit pénal. La question de l’existence d’une intention se pose du reste en des termes semblables. Selon le principe de culpabilité (nulla poena sine culpa, pas de peine sans culpabilité), il faut renoncer à une sanction pénale d’autant plus que, si elles existent, la faute et les « conséquences de l’acte » sont toujours peu importantes (art. 52 CP).
3.5 Demande d’asile présentée à l’aéroport (art. 22 s. LAsi)
La procédure à l’aéroport est régie par des dispositions spéciales. Celles-ci ne sont actuellement applicables qu’aux seuls aéroports de Zurich-Kloten et de Genève-Cointrin ; si une demande d’asile est présentée dans un autre aéroport suisse, il y a transfert du requérant dans le CEP le plus proche et la procédure « normale » est suivie. En cas de dépôt de la demande à Zurich-Kloten ou à Genève-Cointrin, la police de l’aéroport en informe immédiatement le SEM. La police de l’aéroport de Zurich (Flughafenpolizei) ou le SEM (à Genève) collecte ensuite les données personnelles du requérant, relève ses empreintes digitales et le [64]photographie ; d’autres données biométriques peuvent encore être saisies (art. 22 al. 1 LAsi).
La personne qui demande l’asile est interrogée sur son identité et sa nationalité. Ses relations avec la Suisse sont également clarifiées, tout comme l’itinéraire suivi et les circonstances du départ. L’autorité compétente peut faire appel à un interprète. L’audition fait l’objet d’un procès-verbal.
Le SEM examine s’il est compétent pour mener la procédure d’asile en tenant compte des accords d’association à Dublin (art. 22 al. 1bis LAsi). S’il arrive à la conclusion que la Suisse n’est pas compétente, il rend une décision de non-entrée en matière et ordonne le renvoi du requérant (art. 31a al. 1 let. b LAsi en relation avec les art. 44 ss LAsi). Cette décision doit être notifiée dans les 20 jours suivant le dépôt de la demande d’asile, faute de quoi il faut autoriser l’entrée en Suisse du requérant d’asile et l’attribuer à un canton (art. 23 al. 2 LAsi).29
3.5.1 Autorisation d’entrer en Suisse
L’entrée en Suisse est autorisée lorsque la Suisse est compétente en vertu du Règlement Dublin III et que le requérant semble être exposé à un danger relevant du droit des réfugiés ou être menacé de traitements inhumains dans le pays d’où il est directement arrivé. Il en va de même s’il rend vraisemblable que ce pays l’obligerait, en violation de l’interdiction du refoulement, à se rendre dans un pays où il risque d’être exposé à un tel danger (art. 22 al. 1ter LAsi).
Le SEM peut autoriser l’entrée en Suisse pour des motifs humanitaires même si la compétence de la Suisse n’est pas donnée en vertu du Règlement Dublin III (art. 11a al. 3 OA 1). Il peut aussi le faire si le requérant d’asile a des relations étroites avec des personnes vivant en Suisse (art. 11a al. 2 let. a OA 1) ou si la Suisse est compétente, sur la base du Règlement Dublin III, pour mener la procédure d’asile et que le requérant n’est pas arrivé directement de son pays d’origine ou de provenance à la frontière suisse, mais rend vraisemblable qu’il a quitté ce pays pour un [65]motif inscrit à l’art. 3 al. 1 LAsi et est arrivé sans retard à la frontière suisse (art. 11a al. 2 let. b OA 1). Cependant, l’art. 11a OA 1 est formulé de manière potestative (« peut »). Cela signifie que les personnes concernées n’ont pas un droit à l’octroi d’une autorisation d’entrée, mais que la décision relève du pouvoir d’appréciation du SEM. La légalité et l’adéquation de la décision peuvent être revues par le TAF (art. 108 al. 4 LAsi).
3.5.2 Refus (provisoire) de l’entrée en Suisse
Lorsque la compétence de la Suisse pour mener la procédure d’asile est donnée, mais que les autres conditions d’entrée ne sont pas remplies, le requérant se voit refuser provisoirement l’entrée. Le SEM lui assigne alors un lieu de séjour et lui fournit un logement adéquat. En règle générale, la personne est assignée à la zone de transit de l’aéroport. A Genève, sont prévues 30 places à cet effet et à Zurich 60. La durée de ce séjour est de 60 jours au plus. Le requérant y est soumis aux mêmes règles que celles qui régissent les CEP, à savoir celles de l’ordonnance du DFJP relative à l’exploitation des logements de la Confédération dans le domaine de l’asile (voir pt 4.1).
La décision d’assignation doit être notifiée au requérant dans les deux jours qui suivent le dépôt de la demande d’asile ; il faut préalablement accorder au requérant le droit d’être entendu et lui donner l’occasion de se faire représenter (art. 22 al. 2, 3 et 4 LAsi). L’assignation à l’aéroport comme lieu de séjour restreignant de fait la liberté de mouvement du requérant à la zone de transit, il faut que la personne ainsi concernée ait également la possibilité, en vertu des règles de la CEDH applicables en la matière, de faire contrôler cette privation de liberté par un juge.30 Tant que la demande d’asile n’a pas fait l’objet d’une décision (art. 23 LAsi), le refus de l’entrée en Suisse peut être attaqué devant le TAF (art. 108 al. 3 LAsi). Le TAF examine la privation de liberté en tant que « juge de la détention » souvent parallèlement à la question de l’admissibilité du refus de l’entrée en Suisse et tient compte notamment des circonstances, de la durée et du type d’hébergement, de la possibilité d’accès à des soins médicaux et des possibilités de contact avec le monde extérieur.31
Si l’entrée sur son territoire n’est pas autorisée malgré la compétence avérée de la Suisse, la procédure à l’aéroport suit son cours. L’art. 22 al. 6 LAsi renvoie aux art. 23, 29, 30, 36 et 37 LAsi pour la réglementation et les garanties de procédure, qui correspondent ainsi à celles de la procédure ordinaire.
[66]3.5.3 Durée du séjour
Si une décision d’asile ou de non-entrée en matière ne peut pas être rendue dans les 20 jours à l’aéroport, le requérant d’asile est attribué à un canton (art. 23 al. 2 LAsi).
La durée du séjour de 20 jours devrait, dans la plupart des cas Dublin, s’avérer insuffisante pour mener à bien la procédure de détermination de la compétence.
Au total, le requérant d’asile peut être retenu 60 jours au plus à l’aéroport ou dans un autre lieu de séjour attribué dans la zone de transit. Après une décision de renvoi entrée en force, il est cependant encore possible de le placer en détention en vue du refoulement (sur ce type de détention, voir chap. XVI, pt 3.2.4 ss).
Il faut relever que toutes les décisions rendues dans le cadre de la procédure à l’aéroport peuvent être notifiées directement au requérant d’asile lui-même (même s’il est représenté). Cette règle contenue à l’art. 13 al. 3 LAsi déroge à la règle générale de l’art. 11 al. 3 PA sur la représentation en justice.32
3.5.4 Requérants d’asile mineurs non accompagnés dans la procédure à l’aéroport
Selon la loi, si le requérant d’asile est un mineur non accompagné (MNA), l’autorité cantonale désigne une personne de confiance pour la durée de la procédure à l’aéroport (art. 17 al. 3 let. a LAsi), pour autant que des actes de procédure déterminants y soient accomplis. Davantage d’informations au sujet des particularités dans la procédure pour MNA se trouvent dans le chap. XVIIII, pt 3.
La désignation d’une personne de confiance33 devrait intervenir dès que possible, c’est-à-dire avant l’accomplissement de tout acte de procédure à l’aéroport. Le MNA doit être accompagné tout au long de la procédure, y compris lorsque celle-ci ne comprend pas d’audition approfondie. Une éventuelle décision de non-entrée en matière et de renvoi (p. ex. rendue sur la base de l’art. 31a al. 1 let. b LAsi en relation avec les art. 44 ss LAsi) doit pouvoir être vérifiée et éventuellement attaquée par le MNA avec l’aide de la personne de confiance. Cela vaut également pour la décision incidente d’assignation d’un lieu de séjour à l’aéroport. Le MNA ne subit pas de préjudice juridique du fait de la règle de l’art. 13 al. 3 LAsi qui prescrit la remise des décisions directement aux requérants d’asile, car cette règle est corrigée, [67] en ce qui le concerne, par le fait qu’un délai de recours ne court qu’après la notification de la décision attaquée au MNA et à la personne de confiance ; selon l’art. 53a OA 1, le délai ne commence à courir qu’à partir de la date de la notification qui intervient le plus tard.
Malgré cette amélioration pour les MNA, il n’empêche que les conditions de la procédure à l’aéroport (en particulier la détention34) ne correspondent aucunement à l’intérêt supérieur de l’enfant, de telle sorte que l’entrée devrait être toujours immédiatement autorisée et la procédure « normale » ordonnée pour les enfants, qu’ils soient accompagnés ou non.
3.6 Visa humanitaire
3.6.1 Abolition de la procédure à l’ambassade
Jusqu’à fin septembre 2012, existait la possibilité de déposer une demande d’asile auprès d’une ambassade suisse à l’étranger. Cette possibilité a été supprimée dans le cadre des modifications déclarées urgentes de la loi sur l’asile.35 Cette décision a été confirmée le 9 juin 2013 en votation populaire à une majorité de 78.4 %.
La seule voie légale, et surtout sûre, à disposition des requérants d’asile voulant demander protection en Suisse a ainsi été coupée. Les personnes persécutées sont désormais exposées à de nouveaux risques par les dangers du voyage. En particulier les femmes et les enfants courent le danger de subir des atteintes à leur intégrité.36
La procédure à l’ambassade contribuait beaucoup à l’entrée en Suisse dans la sécurité.37 Dans de nombreux cas, elle a permis des regroupements familiaux qui n’auraient pas été possibles par la seule application des principes de la LEtr.
Au cours des débats sur la suppression de la procédure à l’ambassade, il a souvent été question du maintien de la possibilité d’obtenir un visa humanitaire auprès d’une représentation suisse à l’étranger. Toutefois, le visa humanitaire ne remplace pas la procédure à l’ambassade de manière adéquate. Nous y reviendrons au pt 3.6.4.
[68]3.6.2 Base juridique du visa humanitaire
L’art. 5 par. 4 let. c du Code frontières Schengen en relation avec l’art. 25 du code des visas prévoit la possibilité d’un visa à validité territoriale limitée pouvant être accordé par l’Etat membre concerné notamment pour des motifs humanitaires.38
Selon la directive du SEM,39 un visa pour motifs humanitaires peut être accordé à une personne lorsqu’il y a manifestement lieu d’admettre que les circonstances concrètes dans lesquelles elle se trouve dans son pays d’origine ou de provenance l’exposent à une mise en danger à la fois directe, sérieuse et concrète de sa vie et de son intégrité corporelle. En outre, la personne doit se trouver dans une situation de détresse particulière nécessitant impérativement une intervention de l’autorité et justifiant l’octroi d’un visa d’entrée. A titre d’exemples, on peut citer le cas de guerre imminente ou déclarée ou d’une mise en danger individuelle directe en raison d’une situation concrète. Le cas d’espèce doit faire l’objet d’un examen attentif. En outre, la directive pose la présomption que les personnes se trouvant déjà dans un pays tiers ne courent plus de danger.
Les bases juridiques du droit suisse pour l’octroi d’un visa humanitaire se trouvent dans l’ordonnance sur l’entrée et l’octroi de visas (OEV). Selon l’art. 2 al. 4 OEV, le visa autorise une entrée en Suisse pour une durée de 90 jours. Il s’agit certes d’un visa Schengen, mais il n’est valable que pour la Suisse. Des difficultés pratiques particulières apparaissent quand il n’existe pas de vol direct et que l’entrée en Suisse doit se faire en passant par un autre Etat Schengen. Les Etats concernés refusent souvent d’établir un visa de transit, car ils craignent que les personnes ne se rendent finalement pas en Suisse comme prévu.
Après l’entrée en Suisse, la personne peut y déposer une demande d’asile et suivre la procédure ordinaire. Si elle ne le fait pas, elle doit quitter la Suisse avant l’échéance des 90 jours du visa.
[69]La demande de visa humanitaire en pratique
La demande de visa humanitaire doit être déposée dans une représentation suisse à l’étranger. Une liste de toutes les représentations se trouve sur le site du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sous la rubrique « Représentations ».
Le formulaire (Schengen) peut être téléchargé sur Internet et rempli ; on peut l’obtenir en de nombreuses langues.40 Au chiffre 21 « Motifs », il faut indiquer « autres » et préciser qu’il s’agit d’une demande de visa pour des motifs humanitaires en ajoutant des indications détaillées sur la situation concrète dans l’espace réservé à cet effet, si possible déjà avec des moyens de preuve. En principe, aucun émolument n’est prélevé, sauf, selon la directive du SEM, si la demande de visa est manifestement infondée ou si elle est répétée avec les mêmes motifs. Le caractère manifestement infondé d’une demande relève du pouvoir d’appréciation qui ne fait guère l’objet d’un contrôle en pratique, car la plupart des requérants ne disposent pas des moyens de payer un émolument. Une procédure d’opposition auprès du SEM, qui seule peut aboutir à une décision susceptible de recours, nécessite en principe une avance de frais de 200.- chf.41
Il est possible que la personne soit convoquée pour un entretien à l’ambassade. La directive indique cependant qu’aucune mesure d’instruction poussée n’est nécessaire et qu’il ne s’agit en particulier pas de mener une audition telle que prévue en droit d’asile. Il suffit de se baser sur une première estimation de la représentation. Cela signifie que la mise en danger doit être très clairement mise en évidence déjà au moment du dépôt de la demande de visa, car aucune mesure d’instruction détaillée ne doit être accomplie par les autorités. Voir aussi le devoir de collaborer des requérants pour plus d’informations à ce sujet.
3.6.3 Examen de la demande
Lorsqu’il existe des motifs humanitaires justifiant l’octroi d’un visa, aucune autre condition d’entrée ne doit être remplie. En effet, l’absence de documents de voygage valables (art. 3 al. 4 OEV) et de moyens financiers suffisants ne sont pas des motifs de non-entrée en matière sur la demande de visa humanitaire. De même, la condition de la garantie d’un retour à l’échéance du visa42 ainsi que l’obligation de conclure une assurance maladie n’ont pas cours s’il existe des motifs humanitaires (art. 10 al. 3 let. b OEV). D’autres dispositions spéciales pour le visa humanitaire se [70]trouvent à l’art. 11b al. 2 OEV (recevabilité de la demande de visa) et à l’art. 12 al. 4 OEV (conditions pour l’octroi et le refus du visa).
Les motifs invoqués pour l’obtention d’un visa humanitaire sont examinés par la représentation à l’étranger. Si celle-ci ne les considère pas comme suffisants, elle rejette la demande de sa propre compétence au moyen du formulaire prévu par le droit de Schengen.
Au contraire, si elle reconnaît que les motifs sont suffisants ou si elle a des doutes, elle saisit les données de la demande avec photo et empreintes digitales dans le système national des visas ORBIS et transmet la demande de visa au SEM. La représentation joint à la demande une brève prise de position sur les conditions d’entrée en Suisse sous forme de note et envoie le dossier au SEM (annexe à ORBIS ou courrier diplomatique).
Le SEM examine la demande et accorde le visa s’il considère les motifs suffisants pour un visa humanitaire. La représentation suisse à l’étranger en est informée. Elle établit le visa permettant la venue du requérant en Suisse.
Au contraire, si le SEM rejette la demande, il établit une note qu’il insère dans ORBIS, saisit les motifs du rejet et retourne la demande à la représentation compétente qui refuse le visa.
Si le visa humanitaire est refusé, le requérant peut faire opposition dans les 30 jours au SEM (art. 6 al. 2bis LEtr). En cas de nouveau rejet, le recours au TAF est ouvert.
Si le visa humanitaire est accordé, la Confédération peut, selon l’art. 53 al. 3 OA 2, prendre en charge les frais nécessaires à l’entrée directe en Suisse et une demande dans ce sens peut être déposée. Toutefois, il n’existe pas un droit à la prise en charge de ces frais.
3.6.4 Problématique du visa humanitaire
Le visa humanitaire est censé garantir que des personnes menacées directement dans leur vie ou dans leur intégrité corporelle puissent trouver protection en Suisse malgré l’abrogation de la procédure à l’ambassade.43 Toutefois, les conditions d’octroi d’un visa humanitaire sont plus restrictives que celles de l’ancienne procédure à l’ambassade.44 Le fait de retenir qu’une personne qui se trouve déjà dans un pays tiers n’est plus en danger est hautement problématique lorsqu’il n’y a pas ou plus d’ambassades [71]ouvertes dans le pays en crise. Si la personne en danger fuit dans un Etat voisin et qu’elle dépose une demande de visa humanitaire à l’ambassade suisse qui s’y trouve, il lui sera objecté qu’au moment de sa demande, elle ne réside pas dans une zone en crise et qu’elle n’est dès lors plus en danger.45 En pratique, une telle situation met en échec le sens du visa humanitaire. En effet, les personnes provenant de pays frappé par la guerre civile ou qui subissent d’autres crises, violences ou catastrophes, n’ont guère de chances d’obtenir un visa humanitaire pour leur permettre de fuir en Suisse légalement. Les ressortissants d’un pays où il n’y a pas ou plus de représentation suisse sont pratiquement exclus de la procédure de visa humanitaire.